Le vendredi 10 mars, la Silicon Valley Bank a fermé définitivement ses portes. Nous assistons à une faillite bancaire d’une institution régionale de taille moyenne qui s’est spécialisée dans le financement des entreprises de la tech en Californie.
Mais que s’est-il passé exactement ? Qui est responsable de cette situation que Joe Biden dit rechercher activement ? Faut-il craindre une contagion au système bancaire qui pourrait provoquer une crise cardiaque du système ? Ou s’agit-il d’un événement isolé lié à une gestion particulièrement mauvaise de cette banque ?
Pour comprendre les causes de cette faillite, il faut savoir que la Silicon Valley Bank a connu un grand succès depuis sa création en 1983, notamment en finançant des startups de renom telles que Apple, Cisco, Yahoo, SpaceX ou encore Twitter. Cependant, deux causes principales expliquent la chute de cette institution bancaire.
La première cause est fondamentale et pourrait menacer l’ensemble du système bancaire : il s’agit de la remontée des taux d’intérêt de la Banque centrale américaine, la Fed.
Les occidentaux vivent au-dessus de leurs moyens
Depuis la fin des années 70, les USA et l’Europe ont vécu au-dessus de leurs moyens. Les Occidentaux consomment plus qu’ils ne produisent, ce qui creuse les déficits.
À l’échelle mondiale, cela signifie que des pays comme la Chine produisent plus qu’ils ne consomment pour alimenter les Américains qui consomment plus qu’ils ne produisent. Cet équilibre est fragile et se traduit par une augmentation de la dette de l’Occident, surtout des États-Unis vis-à-vis de la Chine.
Cette dette a causé de nombreux problèmes à l’économie américaine, qui a dû transférer ses dettes du privé vers le bilan des banques centrales. C’est la période de planche à billets que nous avons connue depuis presque 15 ans maintenant.
Travailler plus pour gagner moins : la faillite rationnelle, l’exemple du Japon
Il n’existe que deux issues possibles à cette situation : la première, la plus raisonnable, mais la plus difficile à court terme, c’est de travailler plus, pour gagner moins, pendant plusieurs années, et peut-être même des décennies pour remettre à l’équilibre les recettes et les dépenses des pays occidentaux.
On appellera la premiére situation le scénario de la « faillite rationnelle », car cela revient à expliquer aux créanciers qu’ils devront également renoncer à une partie de leur argent, mais on règle tout cela dans l’ordre et avec une stratégie à long terme.
Le pays qui se rapproche le plus de cette situation, c’est le Japon, qui est dans sa deuxième décennie de déflation. Comme ce n’est pas très intéressant en termes de programme politique, une deuxième solution existe.
L’appauvrissement généralisé ou la soviétisation de l’économie
La seconde solution proposée consiste en un appauvrissement généralisé à long terme des États, qui les mènerait à une situation de pauvreté totale une fois que tous les actifs du pays auraient été progressivement liquidés. Cette stratégie permettrait à la population de masquer la réalité de la situation le plus longtemps possible. Ce scénario est celui de la soviétisation, que l’URSS a réussi à maintenir pendant 70 ans jusqu’à la chute du mur de Berlin. Cette période a été marquée par une révélation choquante : le pays n’avait plus rien. La réunification allemande a été l’exemple concret de cette situation, dont le coût économique a été considérable, mais qui a constitué le prix à payer pour l’unité allemande.
Entre le scénario de la faillite rationnelle et celui de la soviétisation, il existe des scénarios chaotiques et des catastrophes incontrôlables qui peuvent tout emporter sur leur passage à tout moment. La crise de 2008 aurait pu être la réalisation d’un scénario chaotique. La Silicon Valley Bank pourrait également être le signal d’alarme pour le système bancaire. Bien que cela soit peu probable, il est important de rappeler que toutes les catastrophes surviennent souvent de manière imprévisible et qu’il est donc difficile de les éviter.
Que risque votre argent en banque ? Les scénarios du chaos, faillite des Etats
Il y a plein de méthodes catastrophiques pour constater un appauvrissement : l’hyperinflation comme au Venezuela, mais aussi la déflation de Fisher, comme en 1929, en passant par des scénarios de guerre diverses et variées… Le propre des catastrophes, c’est qu’on essuie celles qui nous surprennent.
En restant dans les banques en euros ou en dollars, vous allez vous faire du mal soit brutalement, soit lentement, mais dans tous les cas, cela finira mal pour votre argent. C’est ainsi que le système monétaire fonctionne, un pays fait faillite tous les 70 ans en moyenne, d’une façon ou d’une autre. Une dévaluation forte d’une monnaie est considérée comme une faillite, bien évidemment.
Comment se protéger des monnaies mal gérées et des banques dans une économie en crise ?
La bonne question à se poser est la suivante : Comment se protéger des monnaies Fiat et des banques quand l’économie est en crise ? Et comment s’exposer intelligemment aux monnaies Fiat lorsque l’économie est en croissance ?
Si ça vous intéresse, on a écrit une formation gratuite de 7 jours par email pour vous donner ces bases. On y explique tout sur la débancarisation et les stratégies pour ne pas subir justement ces catastrophes de changement de régime.
Que ce soit le dollar, l’euro ou le yuan, ce n’est ni bien ni mal, bien au contraire, il s’agit juste d’une partie du système monétaire. Les monnaies Fiat incarnent la confiance dans l’avenir d’un pays, tandis que l’or incarne la conservation de la valeur relative qui vient du passé. Il faut donc savoir alterner entre l’or et les Fiat en fonction de la météo financière.
Risque systémique d’effondrement bancaire lié à la faillite de Silicon Valley Bank
Passons maintenant à l’étude de cas de la Silicon Valley Bank et aux risques bancaires systémiques qui préoccupent tout le monde.
La gestion de la Silicon Valley Bank était défaillante, car il a été découvert qu’elle avait une quantité considérable d’obligations dans son bilan, mais surtout qu’elle ne s’était pas assurée contre une baisse du marché obligataire à l’aide de swaps de taux.
Commençons par comprendre le processus. À la suite de la crise liée aux mesures anti-Covid, le secteur de la technologie a connu une croissance fulgurante et a généré une grande quantité de liquidités qui ont été déposées sur les comptes de la Silicon Valley Bank. Ne sachant pas quoi faire de cet argent, la banque a décidé d’investir dans des obligations à moyen terme de cinq ans en utilisant ces liquidités. Elle a acheté ces obligations au prix le plus élevé du marché, à peine supérieur à 1,5 %, alors que les banques centrales étaient en train d’imprimer de la monnaie pour tenter de tirer parti de la situation, ce qui représente un taux d’intérêt élevé pour des obligations à cinq ans.
On suppose qu’en plus d’une incompétence manifeste, la Silicon Valley Bank a justifié cette stratégie en pensant que les banquiers centraux ne relèveraient pas les taux d’intérêt, ce qui les a amenés à penser qu’ils n’auraient pas besoin de se prémunir contre une hausse des taux. De plus, si les taux devaient tomber en territoire négatif, ils croyaient pouvoir réaliser des gains.
Pour anecdote, le directeur financier de la Silicon Valley Bank était auparavant le directeur financier de Lehman Brothers.
La banque a souscrit pour 85 milliards d’obligations non couvertes. Les taux américains et européens ont brusquement augmenté car personne ne s’y attendait et l’inflation est apparue soudainement, comme l’a déclaré Christine Lagarde.
À la suite de la crise de l’attaque de 2022 et de l’effondrement des marchés obligataires, qui ont laissé les banques américaines et européennes abattues face aux banques chinoises, la Silicon Valley Bank a subi une perte de 1,8 milliard de dollars, car ses clients ont demandé la liquidité de leurs investissements pour faire face à cette période difficile. Elle n’a pas réussi à lever environ 2 milliards de dollars pour se recapitaliser, les clients ont paniqué et le bank run a précipité la faillite de la banque. La suite de l’histoire est bien connue.
Bien sûr, les erreurs de gestion de la Silicon Valley Bank seront entièrement imputées à sa direction, mais formellement, cela ne règle pas tous les problèmes.
Faut-il s’inquiéter ? La menace des produits dérivés
Doit-on conserver son calme ou faut-il s’inquiéter face à la situation actuelle ?
En effet, si l’histoire pourrait s’arrêter là dans un monde équilibré, dans le nôtre, les conséquences pourraient être sévères.
Afin de mieux comprendre, il convient de revenir sur l’erreur de la Silicon Valley Bank, qui a pris des risques inconsidérés en ne se couvrant pas contre la remontée des taux.
Qu’est-ce que la couverture de risque ? Il s’agit d’un swap de taux, qui permet de neutraliser les risques financiers en agissant en sens inverse. Par exemple, si l’on craint une augmentation du prix du blé, il est possible d’acheter la production de l’année prochaine à un agriculteur. Si l’on craint une baisse des obligations, il est possible de vendre à découvert ces obligations dans un contrat symétrique, afin de neutraliser l’évolution des cours, et ainsi de suite.
Les produits dérivés sont des contrats financiers qui permettent de couvrir les risques. Ils peuvent être achetés, vendus et échangés sur les marchés. Le marché des produits dérivés en soi n’est pas risqué, car chaque contrat est couvert par un autre. Toutefois, ce marché a été qualifié d’arme de destruction massive, car il expose à deux types de risques. Le premier risque est le défaut de contrepartie. Par exemple, si un industriel a couvert son risque contre la baisse du dollar en passant un contrat avec une banque, mais que cette dernière fait faillite, il pourrait subir des pertes importantes, car il ne serait plus couvert contre la baisse du dollar. Ce risque peut engendrer des explosions en chaîne, comme cela s’est produit avec Lehman Brothers, devenue une banque systémique en raison de son importante exposition aux produits dérivés à travers le monde.
Le risque accentué par la démondialisation
Le second type de choc que peuvent subir les produits dérivés est lié à la phase de démondialisation qui s’est accélérée avec la guerre en Ukraine. Lorsque l’Union européenne coupe les ponts avec la Russie, nul ne sait quels seront les impacts sur le tissu économique, car des politiques prennent votre nappe en dentelle et la détruisent avec une machette. Ce genre de coupure brutale peut entraîner des risques de contrepartie un peu partout dans le monde, sans que l’on en saisisse les raisons ni les modalités.
La Silicon Valley Bank a sauté mais impossible de prévoir la suite
La Silicon Valley Bank a fait défaut, mais l’avenir reste incertain. Dans le cas de la Silicon Valley Bank, la conclusion est relativement simple : bien que la banque ait fait défaut, les conséquences ne devraient pas être dramatiques, à condition que cette étincelle ne mette pas le feu aux poudres. Néanmoins, il est impératif de tester cette hypothèse, car personne ne sait comment modéliser cette situation. Puisqu’il est de notoriété publique que le système bancaire européen et américain est menacé de faillite ou de nationalisation, il incombe à chacun de déterminer quelle quantité d’argent il souhaite laisser dans les banques. Il convient de noter qu’il existe des banques possédant des actifs corrompus, telles que Crédit Suisse, Deutsche Bank, et bien d’autres encore.
Une nouvelle valeur refuge ? Hausse du Bitcoin
Bien que la crise ait secoué les marchés financiers, le Bitcoin a accompli une première historique en se comportant comme une valeur refuge, affichant une hausse de 20% alors que les marchés boursiers chutaient de 10%.
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Le risque des assurances vie
Il est à craindre qu’un autre coup dur ne frappe le secteur des assurances vie, notamment en ce qui concerne les fonds en euros qui reposent exclusivement sur le marché obligataire. Le principe en est simple : des milliards d’obligations d’État constituent la base du système assurantiel en Occident, mais celles-ci ont subi une dépréciation de 20% de leur valeur de marché en 2022. Certains assureurs ont pris des mesures de couverture contre les risques d’augmentation des taux, tandis que d’autres ont adopté une approche plus créative, pour le dire sobrement.
Si une panique bancaire venait à se déclarer et que trop de personnes cherchaient à retirer leur argent, que se passerait-il alors ? La réponse est simple : il faudrait l’expérimenter pour le savoir.
La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne ont décidé de relever les taux d’intérêt de manière brutale sur une période de 18 mois, ce qui équivaut à une pêche à la dynamite.
Comme le souligne Charles Gave, il est difficile de savoir si la Silicon Valley Bank et Signature Bank seront les seules institutions à être touchées ou si d’autres acteurs plus importants émergeront lentement, tels des baleines mortes qui remontent à la surface.
Si vous avez aimé cet article, je vous invite à découvrir l’article « Commerce mondial en péril » qui explore un sujet complémentaire et passionnant.
Richard Détente