2022 et ensuite ? Russie, Europe, USA : quel avenir ?

24 février 2023

2022, une année qui aura particulièrement chahuté l’ordre géopolitique mondial (Russie, Europe, usa) ! Profitons-en pour mettre en lien les événements de 2022 avec leurs conséquences pour la décennie à venir. 

Évidemment, on pense immédiatement à la guerre en Ukraine. Rappelons, que dans un conflit qui dégénère, il s’agit toujours d’un enchaînement de résultats dans lesquels la responsabilité est toujours partagée.

L’explosion du conflit a pour origine historique une défiance entre les USA et la Russie, qui n’a jamais disparu. L’OTAN a avancé ses positions en Europe, contrairement aux promesses faites par les USA à la fin de la guerre froide et la Russie, qui se veut être un empire, n’a jamais accepté la réduction imposée par les USA, de ses ambitions sur sa zone d’influence. Je dis les USA mais cela a été fait avec l’assentiment de nombreux pays de l’Europe centrale, qui ont toujours une crainte viscérale de Moscou.

Au final, aucune position d’équilibre n’a été trouvée et lorsque les deux blocs se sont touchés de trop près en Ukraine, la Russie a décidé de neutraliser cette zone en renvoyant l’Ukraine à l’âge de pierre.

Qui du bloc autour de l’OTAN et du bloc autour de la Russie remportera ce conflit est encore indéterminé. Pourtant, il y a déjà des conséquences fortes qui se sont imposées à la fin de 2022.

2022 et ensuite? Russie, Europe, USA: quel avenir?

La crise d’approvisionnement énergétique en Europe

La principale conséquence qui s’impose à tous est que la cartographie de l’accès à l’énergie a durablement changé. 

Avec cette fracturation du continent européen au niveau de l’Ukraine, l’Europe se trouve coupée des ressources énergétiques russes à bon marché. 

Avec les infrastructures de distribution de gaz North Stream 1 et 2 qui sont hors service et d’autres liaisons commerciales principalement gelé avec la Russie, l’Europe est condamnée à payer plus chère son énergie, car les coûts d’acheminements et d’approvisionnements sont plus élevés.

Ce conflit mènera avec le temps à des problèmes d’approvisionnement grave qui viendront progressivement forcer une décroissance économique, faute pour l’Europe de disposer d’assez d’énergie à transformer. 

La première conséquence pour 2023 : l’Union européenne rentre dans une crise de très long terme, dont personne ne voit la fin. 

Une fois la phase de conflit armé dépassée, la question de l’unité de l’Union européenne autour de l’euro devrait rapidement se poser, car la solidarité budgétaire au centre du projet fédéraliste européen sera soumise à d’énormes tensions. 

Nous imaginons déjà l’Allemagne rompre les rangs, pour aller nouer des accords commerciaux dans le monde entier, pour son propre compte, en dehors de toute démarche européenne collective.

L’impact en Russie

Du côté de la Russie, si elle dispose de ses propres ressources énergétiques et de matière première qu’elle est capable de transformer et d’exporter, la prochaine décennie sera difficile pour la population, car le pays doit continuer à réorganiser une part importante de ces flux commerciaux et de son industrie.

Avec le départ de nombreuses entreprises occidentales sous les coups des sanctions qui ont été ordonnées, la Russie est en récession. Cependant, les perspectives pourraient être bonnes pour la Russie à condition qu’elle résiste sur le plan militaire et politique. Si elle réussit à résister aux pressions étrangères, cette transformation de son économie vers une plus grande intégration et une plus grande diversification de sa production industrielle pourrait lui permettre de devenir une puissance économique majeure dans le monde.

Gardez à l’esprit que la capacité ou non d’avoir accès à l’énergie structurera les années à venir. Le sort de l’Europe semble sceller de ce point de vue, et seuls les pays les plus riches, comme la Suisse, auront la capacité d’acheter le restant de l’offre marginale.

Le dernier survivant – les pays en Europe qui devraient s’en sortir

Le PIB d’un pays dépend de sa capacité à produire, qui dépend directement de sa capacité à transformer de l’énergie, et donc à y avoir accès.

Pour les services et les biens, c’est le même défit, même si c’est encore plus vrai pour les industries dites électro-intensives, comme l’aluminium ou les papeteries.

Dès lors que l’énergie devient trop chère, des entreprises arrêtent leur production, car leur coût passe au-dessus de leur prix de vente. À ce moment-là, le prix de l’énergie arrêtera de monter et même baisser quand il y aura suffisamment d’entreprises qui ont arrêté leur activité.

Il ne reste alors sur le marché que les entreprises avec les meilleurs coups de reproduction et la plus grande capacité à fixer ces prix, que l’on appelle pricing power. C’est là que la compétitivité des pays rentre en jeu. 

En conséquence, on verra émerger la Norvège, la Suède, la Suisse et éventuellement la Grande-Bretagne pour diverses raisons.

Pour la Norvège, son énergie provient principalement de son hydroélectricité.

Quant à la Suède, son économie a une grande capacité d’adaptation, tout comme la Grande-Bretagne et la Suisse.

Concernant la Suisse, elle s’est déjà spécialisée dans les industries où elle a un fort pricing power, à cause des coûts élevés et des salaires. L’énergie représente une part plus petite de ses coûts de production, car elle paie le pétrole au même prix que tout le monde, mais comme elle vend des produits quatre fois moins cher, l’impact d’une hausse de l’énergie est bien moindre.

Au final, une fois que les moyens de production allemands, français et italien sont ravagés par la hausse des prix, c’est-à-dire que l’outil de production a été détruit par la faillite, le prix de l’énergie baisse et il reste les derniers survivants comme la Suisse et la Norvège.

Dans les années qui viennent, on verra le pouvoir d’achat se réajuster en fonction de cette nouvelle réalité. Le franc suisse et la couronne suédoise continueront à voir leur valeur monter face à celle de l’euro. En ce qui concerne la livre sterling, ce n’est pas encore clair, mais le pronostic reste quand même plus optimiste que pour les pays de l’Union européenne.

Le problème de la couronne norvégienne, c’est qu’elle est très sensible au prix du baril de pétrole, il n’est pas du tout anormal de la voir baisser lorsque l’énergie baisse, alors que son tissu économique se porte très bien.

La fin de l’avantage allemand

Pour l’Europe, il faudra regarder pays par pays et l’Allemagne est tout particulièrement en danger, pour deux raisons :

La première est sa forte exposition à la fois à son important secteur industriel et au gaz russe qui provoque déjà des velléités de délocalisation.

La deuxième raison est son exposition à l’euro. Si jamais l’euro s’effondrait, l’Allemagne refuserait d’aller vers un fédéralisme européen, qui serait socialement inacceptable, car cela signifierait un transfert de richesse annuelle gigantesque vers les pays du sud. Alors l’Allemagne perdrait non seulement ses clients du Sud, mais elle perdrait surtout beaucoup de marchés à l’international, parce qu’elle ne profiterait plus de la sous-évaluation du mark grâce à l’euro, lorsqu’elle répondra aux appels d’offres étrangères.

Souvenez-vous que le conseiller commercial de Trump avait accusé l’Allemagne de faire du dumping monétaire, pour vendre à l’étranger grâce à l’euro. 

Qu’est-ce que cela signifie exactement ? Qu’étant donné que l’euro comprend un nombre de pays très hétérogènes et que l’Allemagne réalise la majorité des exportations dans le monde depuis la zone euro, et si on ne considère que l’Allemagne, l’euro est sous-évalué par rapport à ce que serait le mark aujourd’hui, ce qui introduit une distorsion dans la compétition commerciale mondiale.

Si l’Union européenne était fédérale, personne ne pourrait reprocher cela aux Allemands, car en contrepartie, ils devraient transférer environ 8% de leur PIB au pays du Sud. L’avantage d’un euro sous-évalué serait compensé sur la scène internationale par ce poids sur le budget du pays. Mais ce n’est pas le cas, l’Allemagne profite d’un euro sous-évalué, mais n’en paie pas le prix.

Soit l’Union européenne se dirige vers une Union européenne fédérale et l’Allemagne devra payer, ce qui me semble assez improbable, soit l’euro prend de la valeur et l’Allemagne devra également payer, car sa monnaie se réévaluera fortement dès la fin de l’euro, ce qui signifie une compétitivité très amoindrie.

Dans les deux cas, à long terme, l’Allemagne est très mal engagée et perd beaucoup d’argent.

Considérons que depuis 2008, l’Allemagne a dégagé approximativement 1000 milliards d’euros en excédent. Du point de vue des dépenses, près de 500 milliards d’euros d’investissement ont été dépensés dans les énergies renouvelables, éoliens et solaires, qui sont totalement dépendantes du gaz qu’elle n’a plus. Aujourd’hui, Olaf Scholz évoque le plan de soutien énergétique d’environ 200 milliards, pour faire baisser la pression sur les prix d’énergie à court terme.

Le problème est le suivant : les 500 milliards de dollars dépensés pour les énergies renouvelables sont perdus, car les éoliennes ont besoin de gaz, de pétrole ou, dans le pire des cas, d’énergie nucléaire pour être utilisables sur le réseau.

Le gaz et le pétrole assurent l’intermittence pour le nucléaire, car ce ne sont pas des énergies complémentaires.

Le nucléaire tourne essentiellement en base et les énergies renouvelables viennent prendre une partie de cette demande, lorsque les énergies renouvelables fonctionnent avec le nucléaire, cela ressemble plus à une subvention nucléaire qui n’apporte rien à l’économie dans son ensemble.

Sur près de 1000 milliards d’excédents, 700 milliards ont déjà été dépensés sans espoirs de gains sur investissement. Cela signifie que les marges de manœuvre de l’Allemagne existent, mais qu’elles ne sont pas aussi importantes qu’on pourrait le croire, car elles sont déjà attaquées, surtout avec des perspectives d’avenir aussi médiocres. 

En termes d’investissement en Europe, la situation est très complexe, car les inégalités entre les secteurs économiques s’accroîtront. Il existe plusieurs moyens d’espérer s’en sortir, soit en créant un portefeuille international qui gère le risque par la diversification et la macroéconomie ; c’est ce que nous vous proposons avec Didier Darcet dans ma lettre d’investissement, soit en essayant de trouver des projets avec un impact local qui a du sens dans ce contexte économique. 

C’est pour cela que dans ma lettre d’investissement, je vous ai présenté une plateforme qui vous permettra de prêter facilement de l’argent à des agriculteurs en Europe et dans beaucoup de cas en Europe de l’Est, pour réaliser des projets bien précis.

Mon objectif de 2023 est de trouver des plateformes ou des solutions pour investir directement dans des projets particuliers locaux, possiblement en Europe, car au vu des difficultés du continent, nous assisterons à un retour à la valeur des productions locales.

Les rendements disponibles selon les projets sur cette plateforme sont au-dessus de 10%. Dans ma lettre d’investissement, je vous explique comment fonctionne cette plateforme, et comment sélectionner les projets. 

USA, N°1 jusqu’à quand ?

Au côté des USA : d’un côté, que ce soit les ménages, les entreprises ou le public, les USA sont fortement endettés, il est donc légitime de craindre pour le dollar. Mais de l’autre côté, les États-Unis disposent d’immenses atouts.

Le premier d’entre tous est leur armée. Comme on l’a vu en 2022, l’Ukraine tient grâce à deux facteurs : des Ukrainiens mobilisables pour se battre et les moyens militaires américains associés. Les US sont alors très engagés dans un conflit qui ne coûte que de l’argent, mais aucune vie américaine. C’est un atout extraordinaire pour que cette guerre soit « acceptable » pour la population.

La puissance militaire américaine reste un atout de poids dans toutes les négociations géopolitiques. Après, si la Russie démontre qu’elle peut tenir face à ses moyens et que la Chine arrive à atteindre ses objectifs territoriaux, comme Hong Kong ou Taïwan, sans passer par des conflits militaires ouverts, cela serait un sérieux handicap dans la puissance de dissuasion des USA. De ce côté, il est difficile d’imaginer les USA intervenir militairement sur tous les fronts.

Les années à venir verront une grande tension, en termes de conflits militaires. Les USA ont des atouts, mais ils ne sont pas illimités.

Sur le plan énergétique, la situation est aussi contrastée. D’un côté, ils sont autonomes en énergie, mais de l’autre, cette grande capacité de production repose sur des ressources en pétrole et en gaz de schistes qui atteindront dans deux à trois ans leur pic de production.

La production des USA est constante et ne durera pas plus de quelques années tout au mieux. Ils devront rapidement pousser leur avantage dans la grande offre géopolitique énergétique, afin d’espérer gagner des parts de marché énergétique. Étant donné que le poids relatif de leur armée dans le monde diminue face au pays émergent, ils devront faire un choix, car ils ne pourront pas être sur tous les fronts.

Enfin, on voit de plus en plus les pays non-occidentaux s’organiser pour créer des alliances stratégiques et des partenariats, dans lesquels les USA n’ont pas leur place. Depuis plusieurs années, on voit la Chine mettre en place des organisations internationales, en dehors du monde occidental. 

En revanche, s’il y a un point fort incontesté des USA, ce sont les entreprises dites « de la tech ». Les GAFAM sont peut-être le plus grand atout des USA, à la fois en termes de durabilité et de puissance d’impact. 

Certes, les cours boursiers des GAFAM ont beaucoup souffert en 2022, mais il n’est pas facile de les faire disparaitre. Même si ces actions peuvent toujours baisser, rappelons que les actions GAFAM étaient les actions avec les plus gros leviers sur leurs bénéfices, car elles font l’objet d’intense spéculation et sont les premières victimes de l’augmentation de l’incertitude à cause de l’inflation, donc ce n’est pas étonnant de les voir souffrir et cela ne signifie pas que leur valeur s’est envolée.

N’oublions pas que ce sont bien les GAFAM qui produisent les meilleures intelligences artificielles. Ce sont bien les GAFAM qui disposent des algorithmes les plus puissants dans le monde et la plus grande quantité d’informations, ainsi que les plus grandes capacités de traitement.

Qu’est-ce que cela produira dans les années qui viennent ? C’est très difficile de le savoir, car nous sommes au cœur d’une innovation qui reste par nature toujours surprenante, et pourtant c’est un atout majeur pour celui qui le possède.

Le réveil de la Chine ?

Le dernier point que nous aborderons et qui risque de fortement conditionner l’année 2023 est la Chine.

Toujours empêtrée dans la crise des mesures anti-Covid, elle hésite entre poursuivre une politique sanitaire stricte, ou laisser l’épidémie se propager pour permettre à l’immunité collective de se produire comme c’est le cas en Occident.

Le problème du Covid, c’est qu’il surcharge les hôpitaux de personnes âgées, même s’il tue relativement peu par rapport aux grandes épidémies u début du 20e siècle. Cette épidémie porte un coup à l’ordre et la cohésion sociale qui est intenable politiquement.

En conséquence, la Chine ne peut pas rouvrir complètement son économie sans craindre de devoir rapidement faire marche arrière. C’est tout le rapport de force qui s’y déroule en ce moment entre les militants pour une plus grande liberté, et le gouvernement qui doit gérer les goulots d’étranglement dans les hôpitaux.

La question de Taiwan est également inquiétante. Xi Jinping s’est engagé à ce que Taïwan revienne dans le giron chinois. Cependant, c’est encore une ligne rouge pour les États-Unis. La question inquiétante est de savoir si la Chine rentrera dans un conflit armé ou non … et cela provoque beaucoup d’incertitude.

En termes énergétiques, les besoins de la Chine sont potentiellement gigantesques et la bataille pour l’énergie n’est pas gagnée d’avance, car elle en produit très peu. 

En revanche, 2022 aura servi les ressources russes, habituellement réservées a l’Europe susceptible d’y revenir vers ces ressources russes. De ce fait, la décroissance forcée de l’Union européenne pourrait bien être un composant de soutien de la croissance chinoise. 

La situation mondiale est complexe, car pour la décennie en cours, l’énergie mondiale sera sans aucun doute une contrainte à la croissance mondiale, la situation sera très inégalitaire.

Le but n’est pas d’avoir un avis pour savoir si ce qui se passe à tel ou tel endroit est bien ou mal, car le monde géopolitique se contrefiche de nos avis. Par contre, comprendre comment s’articule les grandes puissances et quels sont leurs enjeux vous permet de vous adapter, vous et votre patrimoine, a minima pour éviter les coûts, et au mieux pour faire croître votre épargne. Alors soyez curieux et résilient.

Si vous avez aimé cet article, je vous invite à découvrir l’article « La Russie avance, tandis que l’Union européenne régresse » qui explore un sujet complémentaire et passionnant.

Richard Détente