La récession économique : est-elle inévitable ?

25 janvier 2023

C’est une évidence, la récession est inévitable. Katy Wood nous explique que nous sommes probablement déjà en recession.

La Russie coupe progressivement le gaz en Europe, au fur et à mesure qu’elle trouve des débouchés pour ses hydrocarbures en dehors du monde occidental.

Ce que nous observons, c’est que les sanctions de l’Union européenne contre la Russie, ainsi que le cycle de sanction des USA envers la Chine que Trump a initié, jouent contre l’Occident, car les pays touchés par ces sanctions s’adaptent très vite et deviennent de plus en plus indépendants.

La Chine a largement accéléré le développement de ses usines de production de microprocesseurs. Elle devient le fournisseur de la Russie durant cette guerre, y compris pour le matériel militaire. Certes, ses microprocesseurs ne sont pas aussi bons que ceux de Taïwan ou des USA, mais ils ont le mérite d’exister et pour de nombreux usages, ils sont suffisantes.

Les Russes souffrent actuellement de la fermeture des usines occidentales sur leur territoire, mais ils peuvent fabriquer leurs propres voitures, même si elles sont de gamme inférieure. Tandis que l’Occident se prive de clients et pourrait se retrouver avec des usines financées à crédit qui n’auront plus assez de débouchés.

C’est le problème de l’Union Européenne, elle sanctionne ses clients au moment même où la demande interne à l’Union Européenne est en difficulté, car elle est lourdement endettée.

En Allemagne les coupures de gaz russe accélèrent la récession, puisque les usines vont devoir arrêter leurs productions, en raison de pénurie d’énergie. Les énergies renouvelables (éoliennes et solaires ) dépendent énormément du gaz, pour 1 mégawatt d’éolien ou de solaire installé, il faut 1 mégawatt de production gaz en parallèle.

Nous assistons à la fin du modèle économique allemand et l’Union Européenne cherche désespérément tout le pétrole et le charbon qu’elle peut trouver pour espérer passer l’hiver au chaud.

Le cas de la Suisse

Parlons du ministre de l’Énergie suisse qui appelle la population à se préparer et à faire des stocks pour cet hiver. La Suisse est un pays intéressant sur ce sujet, car il a une culture de la préparation. Par exemple, Les citoyens reçoivent toutes les informations nécessaires, pour se préparer en cas de catastrophes diverses. Il reçoivent des pastilles d’iode en cas d’accident nucléaire, un document pour s’informer de ce qu’ils doivent toujours avoir à la maison en termes de nourriture et autres produits de première nécessité, et enfin ils sont informés des procédures d’évacuation si nécessaire.

En France les politiciens n’informent pas les citoyens pour ne pas les effrayer, tandis qu’en Suisse la culture commune est de parler des risques, afin de les anticiper pour amoindrir les chocs. Raison pour laquelle Guy Parmelin conseiller fédéral chargé de l’économie, parle de risque de pénurie de gaz pour cet hiver. Ce n’est pas amusant de l’entendre, mais cela ne choque ni n’effraie personne.

Les trois grands patrons de Total, Engie et GRT nous demande de se préparer à réduire le chauffage cet hiver, c’est vraiment sérieux ! Il faut se préparer à stocker du fioul, acheter du bois de chauffage, passer du gaz à l’électrique ou avancer ces travaux d’isolation. Quoi qu’il en soit, préparons-nous.

Que prévoit la BCE pour lutter contre l’inflation ?

La question qui se pose est la suivante: si nous manquons d’énergie et que l’énergie consommée est une autre façon d’exprimer la croissance économique, que prévoit la BCE pour faire face à la crise inflationniste monétaire qui en résulte? La réponse est simple et courte, rien.

Dans ses dernières prévisions, la BCE prévoit que l’inflation est due à des chocs ponctuels comme la crise des mesures anti-Covid et la guerre par procuration avec la Russie, mais que tout rentrera dans l’ordre très prochainement.

Pour être précis, la BCE considère dans son rapport de juin que l’inflation va commencer à baisser dès que son rapport sera publié. Mais dans cette optique, comment l’inflation va-t-elle se résorber  ? 

Ce rapport ne donne pas d’informations sur la fin de la guerre en Ukraine et la date de réouverture des vannes du gaz russe. En revanche, il nous explique que ce sont deux facteurs qui permettront de normaliser l’inflation :

Le premier est une hausse considérable de la productivité, car nous sortons de crise ; ceci est un argument plus que douteux tant que la productivité est quelque chose que nous ne maîtrisons pas au niveau d’un gouvernement. 

Le deuxième, ce sont les salaires qui encaisseront le choc de l’inflation, sans espoir d’augmentation significative. L’inflation sera donc absorbée par une réduction de votre niveau de vie.

Le plan de la BCE est d’appauvrir les salariés, afin de ne pas déstabiliser une grande partie des marchés financiers et des finances des pays de l’UE très endettés.

Une cote d’alerte sur la dette

Rappelons-nous de ce que Bruno Le Maire a dit sur BFM: « nous atteignons une cote d’alerte sur la dette non pas à cause du volume de 2900 milliards de dettes, mais bien à cause des taux d’intérêt qui remontent ». Il faut aller au bout de cette affirmation pour comprendre en quoi elle est inique. Une dette de 2900 milliards, soit 115% du PIB, peut être financée, car les taux d’intérêts sont administrés par la BCE.

Les assureurs et les banquiers ne veulent pas de dettes de l’État français, surtout à taux négatif, car ce n’est pas rentable et que le risque de non-remboursement est extrême. C’est pourquoi l’Union Européenne force le secteur bancaire et assurantiel à acheter les dettes de l’Union Européenne via les réglementations Solvency et Solvency2.

C’est pour cette raison que le secteur bancaire européen se dégrade depuis 2008, comme le montre le graphique ci-dessous, tant en Allemagne qu’en Italie.

Ce n’est pas un hasard si les plus grandes banques de l’Union Européenne ont perdu 90 % en moyenne de leur valeur, tandis que la plus grande banque de Suède a vu sa valeur doubler. Les marchés estiment que les banques de l’UE sont nationalisées de fait et servent au financement de la dette des pays de l’UE, sans espoir d’être remboursé à terme.

Comment peut-on contraindre le marché des taux à ce point ?

Aujourd’hui, la BCE fixe directement les taux à court terme, c’est le fameux taux directeur. Après cela, s’il n’y a pas d’inflation, le taux à long terme de 7 ans n’est pas trop éloigné. Ensuite, pour éviter que des écarts se creusent entre les pays européens, la BCE achète sélectivement les dettes des États périphériques pour éviter une crise de l’euro, comme en 2012.

C’est pour cette raison que le bilan de la BCE a explosé, mais que les taux sont restés raisonnables. La valeur est progressivement détruite par la zombification du tissu économique renforcé par un crédit toujours moins cher ; le secteur bancaire au premier rang.

En revanche, si l’inflation augmente, les taux demandés par les marchés augmentent à long terme et il devient plus compliqué pour la banque centrale d’agir, car cela demande des moyens beaucoup plus massifs.

L’inflation n’est que la conséquence de l’impression monétaire qui a eu lieu depuis 14 ans. La raison pour laquelle nous prévenons depuis plusieurs années sur Grand Angle qu’une forte inflation arrivera.

Il suffit de regarder le total des bilans de la BCE, ce n’est pas une chose inhabituelle à prévoir, puisque c’est juste la conséquence de l’explosion du bilan de la BCE qui est public, connu et reconnu à tous. C’est ce que l’on appelle un débasement monétaire en économie (Voir graphique ci-dessous).

Le ministre de la gestion des pénuries aura raison de nous expliquer que si nous avons froid cet hiver, ce sera de la faute du débasement monétaire.

Comment la crise énergétique va se terminer ?

Voyons comment cette crise énergétique va se terminer, car cela arrivera à un momentou un autre. En ce moment, on a l’exemple du Pakistan qui connaît aussi une crise énergétique, puisque l’Union Européenne se précipite pour acquérir tout le gaz liquéfié qu’elle peut trouver dans le monde. Comme les pays de l’Union Européenne ont tout de même plus d’argent que de nombreux pays comme le Pakistan, ce sont ces populations qui sont priées d’arrêter de consommer de l’énergie au profit des Européens.

En termes économiques, on peut dire que le Pakistan a résolu sa crise énergétique en ajustant sa demande à l’offre, car l’offre de gaz a baissé, parce que les Européens achètent tout ce qu’ils trouvent, et la demande s’ajuste à la baisse.

Pour la Commission européenne, ironiquement, cela signifie que l’énergie n’est pas pour les Pakistanais. Nous trouvons que c’est une réalité injuste. Mais en remplaçant le terme Pakistan par France et le terme Union Européenne par pays riches, comme la Suède, la Norvège, la Grande-Bretagne ou la Suisse, nous commencerons à comprendre comment la crise énergétique va se régler dans l’Union européenne.

La soviétisation de l’économie

La France entre dans ce que nous avons longtemps décrit comme la soviétisation de l’économie. Dans l’ordre d’arrivée, les étapes suivantes sont connues : contrôle des prix, contrôle des capitaux et enfin contrôle des changes. Ce qui paraissait impossible il y a quelques années se réalise aujourd’hui sous nos yeux : le contrôle des prix ouvre le bal.

Pour rappel, l’Etat a déjà décoté le prix de l’essence de 18 centimes, ce qui coûte 3 milliards par an. C’est une forme de contrôle des prix.

Ensuite, nous avons aussi un gel des loyers. Le ministère de l’Économie a annoncé le 24 juin que la réévaluation des loyers serait bloquée par la loi à 3,5% maximum, avec une inflation à 6%. C’est alors le propriétaire qui a été désigné pour payer la facture.

Cette mesure est présentée comme temporaire et de justice sociale pour éviter un blocage des loyers. Enfin, ce sont les parties de la Nupes qui devancent la réalité en proposant toujours plus de blocage des prix, ce qui finira par arriver.

La lettre d’investissement

Les événements s’accélèrent et c’est pour cette raison qu’avec Didier Darcet, nous avons mis en place une cellule de crise pour les abonnés à notre lettre d’investissement la stratégie Grand Angle, que je corédige avec Didier Darcet, et aussi pour les abonnés à Neystor notre plateforme d’assistance à la gestion libre en ligne.

Nous pensons que la situation est critique et qu’il est urgent de prendre nos dispositions pour éviter à la fois une baisse brutale des actifs financiers, mais aussi un contrôle toujours plus prégnant sur notre épargne.

Dans la lettre, nous vous donnons toutes les informations nécessaires pour gérer des portefeuilles à long terme et à moyen terme. Avec la cellule de crise, Didier Darcet commente l’actualité des marchés au quotidien, car Charles Gave, Didier Darcet et moi-même nous attendons au pire sur les marchés.

Nous surveillons la situation de très près et gardons le contact avec vous, car nous vivons une période difficile.

2 limites au blocage des prix

Pour en revenir au blocage des prix, il y a deux limites : la première est la capacité des finances publiques à payer la différence, comme c’est le cas avec la prime à l’essence. Ensuite, si l’État persiste à bloquer les prix sans en assumer le poids sur son budget, la deuxième limite sera l’apparition de la pénurie.

C’est ce que l’on voit déjà dans l’immobilier, où les propriétaires préfèrent vendre, ne pas louer, ou plus précisément, ne pas faire de travaux sur les logements. D’une façon ou d’une autre, ils préfèrent réduire l’offre, pour échapper aux mesures contraignantes de l’état. 

Enfin, nous allons arriver au contrôle des capitaux, à savoir des contraintes de plus en plus fortes sur l’utilisation de notre épargne. Pourquoi on arriverait-on là ?, car si la BCE conserve son attitude de vouloir nous faire porter le poids de l’inflation, sans remonter les taux significativement pour ne pas créer de krach obligataire, alors il faudra qu’elle nous force à ne pas dépenser notre argent.

On pourrait en arriver à cette situation dans l’Union Européenne bien plus vite qu’aux USA, car la contrainte de l’euro pèse sur l’UE.

Le grand problème de la BCE aujourd’hui

Le grand problème de la BCE aujourd’hui est l’écart qui se creuse entre les taux allemands et les taux italiens, comme en 2012, lors de la crise de l’euro. Mais la situation actuelle est plus compliquée dans le sens que la BCE n’a plus tellement de possibilité en termes d’impression monétaire, parce qu’elle s’en est déjà beaucoup servie et que l’inflation est déjà partie à la hausse.

La BCE cherche alors des mécanismes de réajustement interne anti-fragmentation, pour faire revenir les Italiens dans les limites posées par les taux allemands.

Une des idées évoquées est de vendre de la dette allemande sur les marchés, pour acheter de la dette italienne, afin que le bilan de la BCE reste le même. Le problème est que cela consiste à vendre les actifs de la meilleure qualité, à savoir la dette allemande, pour en acheter des plus mauvaise, c’est-à-dire de la dette périphérique, ce qui ne manquera pas de fragiliser l’accord européen.

Nous doutons que l’Allemagne accepte cette solution, qui consisterait à augmenter le financement des pays périphériques aux détriments du retraité allemand. Mais avec une crise énergétique et la peur d’une menace russe sur l’Allemagne, qui sait ce qui pourrait réellement arriver.

Conclusion

Il faut toujours rester plus attentif et se préparer sérieusement pour l’hiver, car il pourrait être plus difficile qu’on ne le pense. Quant au marché, pour ceux qui penseraient rentrer aujourd’hui pour saisir des opportunités, sachez que le risque reste très élevé.

Richard Détente