Allemagne : le cœur de l’Europe attaqué. Sommes-nous à l’aube d’une récession ?

19 janvier 2023

Aujourd’hui, c’est le cœur de l’Union européenne qui est attaqué. Pour la première fois depuis 1991, le commerce extérieur allemand enregistre un déficit de 1 milliard d’euros. À la même époque l’année dernière, l’Allemagne réalisait un excédent de 13 milliards d’euros.

Simonetta Sommaruga et Karin Keller Sutter ont publié une tribune qui pointe les dangers de cette crise. Dans le même temps, Guy Parmelin, conseiller fédéral à l’économie, appelle directement la population à se constituer des réserves de fioul. 

Voyons ensemble comment faire pour nous préparer à cette situation préoccupante.

La crise énergétique étouffe l’Europe

D’un point de vue macroéconomique, si nous admettons que l’Union Européenne peut être une construction politique qui possède un avenir, sa perennité reposait sur deux grandes forces jusqu’à aujourd’hui : 

La première force est la capacité de l’Allemagne à exporter dans le monde, afin d’assurer une balance commerciale extérieure positive.

La deuxième force est la constellation de pays de l’Est à bas coût, qui permettrait en théorie de réindustrialiser l’Union européenne.

La conjonction de ces deux forces a permis d’expliquer que théoriquement les excédents allemands allaient permettre de financer l’industrialisation des pays de l’Est. 

Aujourd’hui, ce narratif n’est plus possible, car l’Union Européenne est affectée par la crise énergétique. 

Les usines allemandes sont en train de s’arrêter, et nous lisons dans les journaux que l’augmentation des prix de l’énergie affecte l’exportation allemande. Cela signifie concrètement que des usines ferment parce qu’il n’y a pas assez d’énergie.

C’est ce qui nous amène à la récession actuelle et c’est pour cette raison que le prix de l’énergie commence à baisser ces derniers jours.

Regardons les prix du pétrole sur trois mois (voir graphique ci-dessus). Voici le processus: Au début de la hausse, ce sont les marges des industries qui s’amenuisent jusqu’à disparaître. Ensuite, des usines commencent à fermer, ce qui amorce la récession, et c’est à ce stade que les excédents commerciaux allemands deviennent des déficits. 

Une fois la récession bien ancrée, le prix du baril baisse au fur et à mesure que les usines s’arrêtent. Enfin, le prix du pétrole repart à la hausse, seulement lorsqu’il est suffisamment bas pour que les entreprises survivantes recommencent à faire des profits.

Le gaz russe et l’Union Européenne

Le problème est que la Russie n’a pas coupé entièrement ses approvisionnements en gaz. Dit autrement, nous recevons un avertissement. Si l’Union européenne persiste dans sa guerre contre la Russie, alors il se pourrait bien que nous n’ayons plus du tout de gaz russe dans les semaines qui viennent. Dans ce cas, nous retournerons à la récession et elle s’accélérera à nouveau.

Le dernier élément, les sanctions de l’Union européenne imposées à la Russie et ses pays amis qui pèsent fortement sur le tissu économique allemand, majoritairement exportateurs.

C’est une restriction supplémentaire qui pèse sur le tissu économique des pays de l’Union européenne. Simplement dit, tant qu’il y aura des tensions sur l’énergie et des tensions avec la Chine, l’inflation sera durable, tout comme la récession. 

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’au Parlement européen, à Paris, dans le bureau d’Emmanuel Macron, nos dirigeants sont persuadés que ce conflit est moral et nécessaire pour lutter contre la menace russe. 

Il est nécessaire de comprendre que ces choix destructeurs pour notre épargne, sont assumés par ces dirigeants. Pour eux, ils ne font pas des erreurs qu’il faut corriger, mais ils se battent pour défendre la liberté.

Notre patrimoine et nos emplois sont donc un sacrifice nécessaire qu’ils sont prêts à faire. Emmanuel Macron a déclaré : « la Russie ne peut ni ne doit gagner ». Au moins, nous sommes prévenus, à la fois par les marchés et par le président français. Alors peut-être que la Russie perdra cette guerre, mais en regardant la carte de l’Ukraine, la Russie conquiert toujours plus de territoire au fur et à mesure que le temps passe.

Notre analyse des marchés

Il est essentiel de rappeler que Charles Gave et Didier Darcet ont pris position publiquement et fermement sur la très grave baisse des marchés à venir. Avec ces deux articles: « tous aux abris » pour l’institut des libertés par Charles Gave le 30 mai, et « world crash ahead » pour Gavekal-is et Didier Darcet le 1er juin. 

J’ai largement analysé leur travaux, et je vous invite à regarder cette vidéo si vous voulez comprendre pourquoi je considère que la situation est grave.

Sur Grand Angle, nous n’avons pas pris une position ambiguë, on vous a clairement invité à vous préparer sérieusement. D’ailleurs, dans la lettre d’investissement que je corédige avec Didier Darcet, nous avons ouvert une cellule de crise où nous envoyons à nos abonnés, lorsque nous le jugeons nécessaire, parfois plusieurs fois par semaine, les dernières nouvelles des marchés, car nous pensons que cette crise ne va pas se produire dans un an ou dans deux ans, mais bien dans trois à six mois tout au plus.

Concernant la lettre qui est axé sur la gestion de votre épargne financière, depuis la fin février 2022, notre portefeuille du rentier et du tacticien réalisent des résultats trè shonorables en date du 5 juillet 2022, pendant que le CAC40 et le S&P500 sur la même période décrochent respectivement de 12%.

Le rôle de la banque centrale européenne

En ce qui concerne notre épargne, le premier gestes à faire est de se débancariser, puisque le système bancaire ne tient que par le soutien financier que lui apporte la banque centrale européenne. 

La mécanique est simple, les banques commerciales achètent la dette des pays de l’Union Européenne en sachant que la BCE la rachètera à moindre coût. C’est de cette façon que la BCE a injecté énormément d’argent dans le système financier. La société achète la dette italienne à 1%, la BCE l’a lui rachète à un taux de -2%. La banque fait sa marge et continue d’opérer, les taux de l’Italie baissent et tout le monde est satisfait.

Comme nous pouvons le voir sur ce graphique d’Olivier Berruyer, les achats mensuels de la BCE sont aujourd’hui stoppés. Cela pose beaucoup de problèmes dans l’Eurosystème, car les prix des obligations européennes commencent à diverger furieusement au risque de nous replonger dans de nouvelles crises de l’euro comme en 2012 sur certains aspects.

Sur le graphique ci-dessus, nous voyons le spread, la différence entre les taux italiens et les taux allemands. On peut que constater que ce spread repart furieusement à la hausse en très peu de temps. La BCE a coupé ses injections monétaires à cause de l’inflation, donc la hausse du spread de l’année 2022 n’est pas du tout comparable à celle de 2019.

D’ailleurs, les marchés financiers le sentent bien et commencent à se couvrir d’une défaillance obligataire sur les entreprises les plus fragiles en vue d’une récession due à l’inflation et du risque de fragmentation de la zone euro.

Ce que nous voyons sur ce graphique, c’est l’explosion des coûts des CDS (Credit Defaults Swaps), qui permettent de s’assurer contre la défaillance d’un sous-jacent financier, en l’occurrence la catégorie junk bond en Europe. Logiquement, la BCE a annoncé lancer un dispositif anti fragmentation, pour faire revenir à la raison les taux italiens. 

Le principe que la BCE propose est de classer les pays de la zone euro en trois groupes : les riches, les pauvres et les pays entre les deux. La BCE souhaite alors vendre des obligations des pays riches et acheter dans le même temps la dette des pays pauvres, dont les taux divergent. Elle veut alors vendre des dettes de pays endettés, pour acheter des titres de pays encore plus endettés. 

Cela reviendrait à faire monter les taux allemands et français, pour faire baisser les taux grecs et italiens. Ce qui aurait pour effet de lisser tous les taux à la hausse dans la zone euro, aux dépens des pays supposés riches.

L’Allemagne pour sauver l’Europe?

L’idée de la BCE ne plaît pas aux allemands, qui sont réputés riches, alors que leur modèle économique d’exportation en dehors de la zone euro, grâce à la consommation de gaz russe pour faire tourner les usines, est cassé aujourd’hui.

Si l’Union européenne veut survivre, l’Allemagne devra réinvestir l’argent qu’elle a gagné pendant 20 ans, en exportant dans la zone euro, puisque c’est avant tout le taux de change à 1 pour 1 dans toute la zone euro qui leur a permis d’exporter autant. 

Si l’Allemagne veut que la zone euro survive pour conserver ses clients, cela pourrait être une solution.

De plus, on connaît bien cette somme, puisqu’elle est comptabilisée dans la fameuse balance TARGET2, qui comptabilise la circulation des euros d’un pays à l’autre de l’euro zone. Dans ce cas, l’Allemagne pourrait renvoyer et réinvestir jusqu’à 1200 milliards. Sauf que l’Allemagne a investi des centaines de milliards dans l’éolien et le solaire. Ce sont deux énergies, certes, renouvelables, mais totalement dépendantes du gaz pour fonctionner.

L’Allemagne au cœur d’un problème énergétique

Pour que l’énergie éolienne et solaire puissent fonctionner, il faut une quantité importante de gaz, pour gérer l’intermittence de ces énergies. Si l’Allemagne n’a plus de gaz, alors ses éoliennes et ses panneaux solaires cesseront de fonctionner, car nous avons un gros problème insurmontable d’équilibrage sur le réseau. 

De ce fait, la solution était de faire du nucléaire et de l’hydroélectricité en masse. Mais pour des raisons politiques, l’Allemagne est sortie du nucléaire. Elle se retrouve avec un énorme problème énergétique et elle se rend compte que les centaines de milliards dépensés dans l’éolien et le solaire ont peut-être été investis en pure perte. 

Tout cela est donc fort dommageable, car pour relancer une filière nucléaire, l’Allemagne devra admettre son erreur publiquement. Ensuite, gérer 10 à 15 ans de stress énergétique, en attendant que les centrales nucléaires soient construites en quantité suffisante. À ce stade, nous comprenons pourquoi l’euro baisse et pourquoi les conseillers fédéraux suisses appellent la population à faire des stocks de fuel. 

Ce que nous partageons dans la lettre d’investissement, c’est ce que nous avons expérimenté et qui a fonctionné. Dans le dossier de chaque mois, il y a une synthèse de nos astuces pour mettre votre patrimoine à l’abri des banquiers. Par contre, il faut bien comprendre que ce soit dans le cas du déménagement dans le jura, ou de l’achat d’obligations chinoise, où toutes les autres idées qui ont très bien marché, elles ont toujours été vus comme bizarres et même très risquées avant qu’elles réussissent. C’est le propre de l’anticipation, adopter des stratégies originales, en mesurant sa prise de risque.

Une bonne idée est une idée préparée en avance. Ouvrir des comptes, réfléchir sur son projet de vie ou acheter des actifs qui ne sont pas par défaut chez tous les brokers, demande un peu de temps et de mise en œuvre, surtout du temps administratif. 

Richard Détente