Situation actuelle du commerce mondial
Bien que les marchés semblent se redresser, la situation demeure extrêmement complexe. Sur le plan du commerce mondial, la situation est tendue et pourrait se détériorer si les banques centrales continuent de relever les taux d’intérêt. Le commerce mondial est un facteur important, car il conditionne largement la hausse des marchés mondiaux, presque indépendamment du reste. Dans ses travaux, Didier Darcet a déjà montré qu’une croissance du commerce mondial est une condition presque indispensable à la croissance des marchés actions mondiaux.
Comme le montre le graphique ci-dessus, une récession du commerce mondial annonce souvent une période difficile pour les marchés financiers. Cependant, les indicateurs du commerce mondial sont publiés tous les trois mois, car ils sont des statistiques agrégées à l’échelle mondiale. Nous savons néanmoins deux choses importantes. Tout d’abord, depuis août 2022, les perspectives sont médiocres, avec une croissance en volume de seulement 1,7%, contre une moyenne historique de 3,4% depuis 2000. Ensuite, notre indice des maçons joue un rôle d’indicateur avancé et, à l’échelle mondiale, il n’est pas favorable.
La courbe du haut du graphique ci-dessus correspond à l’indice MSCI World, qui est un indice des marchés mondiaux. La courbe du bas indique en rouge lorsque notre indicateur est en dehors du marché, et en vert lorsque l’indice est également sur les marchés. Cet outil vise à limiter les risques à la baisse pour les détenteurs d’actions, mais en ce moment, la situation n’est pas favorable. Toutefois, il est important d’examiner de plus près la situation entre la Chine, les États-Unis et l’Union européenne, car elles sont très différentes.
Situation des USA
Commençons par les États-Unis. Leur principale préoccupation est la hausse des taux. Depuis les déclarations de Stanley Druckenmiller sur le risque élevé d’une récession en 2023, jusqu’aux avertissements de Ray Dalio quant à l’impact d’une augmentation des taux américains à 4,5% sur la chute de 20% des actions américaines, il est indéniable que les grands financiers du monde ne sont pas très optimistes.
Situation en Europe
En Europe, la situation est également complexe, prise entre le risque d’une guerre en Ukraine qui pourrait dégénérer en guerre nucléaire et une crise énergétique qui pousse l’inflation dans l’Union européenne à des sommets. D’ailleurs, un bon indicateur avancé est celui des prix des biens de consommation courante et des comportements observés dans les supermarchés.
Michel-Édouard Leclerc en parle très bien sur BFM, et ses propos devraient nous alarmer. S’il y a bien une chose difficile, et tous ceux qui ont déjà fait des régimes le savent, c’est de changer ses habitudes alimentaires. Comme le dit Michel-Edouard Leclerc : « la colère dans les foyers est très forte », et croyez-moi, pour avoir travaillé en grande surface il y a un certain nombre d’années, je peux vous affirmer que la tension sociale dans les grandes surfaces est fortement ressentie en direct.
De façon plus académique, Charles Gave et Didier Darcet ont élaboré l’indicateur des gilets jaunes, qui montre que la population populaire subie bien plus fortement les hausses d’inflation, et qu’elle les subit en avance. Il est important de souligner que l’indice des gilets jaunes est établi en prenant en compte de manière égale les prix de l’immobilier, de l’énergie et de l’alimentation.
Aujourd’hui, pour la nourriture, l’inflation des prix est de 12%, pour l’énergie elle est de 152%, tandis que les prix de l’immobilier ne baissent pas encore significativement. En somme, les classes populaires sont durement touchées.
La situation actuelle n’est pas réjouissante pour ceux qui doivent changer leur régime alimentaire en réduisant leur consommation de poisson et de viande au profit de plats premier prix tels que les raviolis en conserve, dont je garde un très mauvais souvenir. Cependant, lorsque l’on travaille dans la grande distribution et que l’on vit avec un budget de 700 euros par mois pour deux personnes, il faut se contenter de ce que l’on peut se permettre. En repensant à mes souvenirs, j’ai une grande sympathie pour tous ceux qui travaillent et font preuve de patience en attendant des jours meilleurs. Cela exige un grand sens civique et une bonne maîtrise de la colère.
L’autre problème qui nous guette est l’arrivée de l’hiver. Gardons à l’esprit que l’automne a été clément en octobre, ce qui explique la baisse des prix du gaz en ce mois-là, malgré l’inflation croissante de l’énergie. La situation était assez comique : en achetant tout ce qu’elles pouvaient, puisque la consommation en octobre était bien inférieure aux prévisions, les Européens ne savaient plus où stocker le gaz qu’ils avaient commandé. Par conséquent, des personnes ont été payées pour vendre du gaz à des prix négatifs, afin que quelqu’un accepte de le brûler ou de le stocker ailleurs. Bien que cela puisse sembler absurde, c’est en réalité symptomatique des périodes de crise où la volatilité est partout présente.
Comment protéger son épargne ?
Dans notre lettre d’investissement, coécrite avec Didier Darcet, nous vous proposons des portefeuilles pour protéger votre épargne en cette période incertaine. Il ne s’agit pas de faire de fausses promesses de gains, mais plutôt de se préparer à affronter les aléas du marché en adoptant une approche prudente. Certes, il y aura des opportunités de rebondissement très intéressantes lorsque les marchés se stabiliseront, mais pour le moment, nous devons nous armer de parapluies.
Malheureusement, les informations dont nous disposons sur l’inflation sont désastreuses pour l’Union européenne, très préoccupantes pour les États-Unis et inquiétantes pour la Chine. Dans ce contexte, Didier Darcet offre un aperçu des enjeux propres à chaque région et propose des pistes pour entrevoir une issue favorable à cette situation. Pour ma part, j’ai rédigé un dossier sur l’expatriation en Suisse, car je suis conscient que cela pourrait intéresser certains d’entre vous, d’autant plus que de nombreuses idées préconçues circulent quant à l’accessibilité de ce pays qui, contrairement aux idées reçues, n’est pas uniquement réservé aux plus fortunés.
Situation au Royaume-Uni
En ce qui concerne l’Europe, il convient également de distinguer le cas de la Suisse et celui de la Grande-Bretagne, qui sont tous deux singuliers. Du côté du Royaume-Uni, l’attitude est à l’opposé de celle de la France. Alors que le gouvernement français cherche coûte que coûte à amortir la crise aux dépens des finances publiques, en recourant à des boucliers tarifaires en tout genre qui alimentent la dette, nos amis britanniques laissent la population encaisser la majorité des conséquences de la crise. Bien sûr, cela rend la récession encore plus difficile, mais cela explique également pourquoi la Grande-Bretagne rebondit généralement plus rapidement et plus fortement que la France. À long terme, le fait de purger les fausses valeurs en période de crise est bien plus soutenable. Toutefois, à court terme, il ne faut pas que le degré de souffrance soit trop important au point de menacer l’ordre social. Il s’agit donc de deux approches différentes.
Situation en Suisse
En ce qui concerne la Suisse, elle assume un rôle de dernier survivant singulier. Étant la plus riche de la bande et bénéficiant d’un pouvoir d’achat sensiblement plus élevé que dans le reste de l’Europe, elle a choisi de laisser filer sa monnaie à la hausse afin que l’inflation s’arrête à ses frontières. Par conséquent, la Suisse ne ressent pas les effets négatifs de l’Europe en termes de prix, car sa monnaie forte la protège.
Ce qui est remarquable, c’est que l’on peut constater que la vigueur du franc suisse est en grande partie alimentée par un afflux de capitaux provenant du reste de l’Europe, en raison de l’anticipation de l’inflation, ce qui incite les individus les plus fortunés ou les plus prévoyants à déplacer leurs avoirs ou même à s’installer en Suisse pour se prémunir contre ce risque. On pourrait penser que la force du franc suisse aurait un impact négatif sur l’industrie exportatrice suisse, mais apparemment, tel n’est pas le cas. J’ai eu l’occasion d’échanger avec un éminent représentant d’une grande entreprise suisse, qui m’a expliqué comment se sont déroulées les négociations salariales dans l’industrie. Selon mes sources, les industriels ont accepté sans négociation des augmentations salariales d’environ 3%, car ils se réjouissent de la baisse des prix des matières premières due à la hausse du franc suisse, tout en constatant une augmentation de leurs exportations en raison de la hausse des prix qui est bien plus importante en Europe que l’augmentation du franc suisse. De ce côté-là, tout va donc pour le mieux, ce qui est plutôt surprenant. Je comprends mieux pourquoi le taux de chômage en Suisse est stable, avec un taux inférieur à 2% en octobre.
La Suisse est le dernier survivant de la région qui peut se permettre de payer cher, car elle est une valeur refuge. Elle repartira donc fort en premier lieu, car son outil industriel et sa population sont préservés.
Situation en Chine
En ce qui concerne la Chine, tout est possible. Si elle abandonnait sa politique de zéro covid et réouvrait pleinement, cela pourrait donner un coup de boost potentiellement énorme à la zone. En revanche, si elle s’enfermait dans des mesures sanitaires ou pire, si elle s’attaquait frontalement à Taïwan, tout pourrait basculer.
La montée en puissance de la Chine est également fascinante, car avec le conflit entre la Russie et l’Europe, elle pourrait avoir accès à une grande quantité d’énergie, ce qui est inespéré dans le monde d’aujourd’hui.
De mon point de vue, deux éléments majeurs entravent la Chine à long terme. Le premier est son acceptation de l’innovation dans une économie capitaliste, qui est intrinsèquement créatrice de désordre social. La montée en puissance de géants comme Amazon peut entraîner la fermeture de toutes les petites librairies de quartier, ce qui soulève la question de savoir comment le régime chinois pourra faire face à cette situation. Le deuxième élément est la recherche de sources d’énergie pour financer sa croissance. Un énorme gisement d’énergie est récemment devenu disponible en Russie, puisque l’Europe a renoncé à l’exploiter. Il reste à voir comment les relations entre la Russie et la Chine vont évoluer, ce qui peut conduire à des résultats favorables ou défavorables pour la région, en fonction des choix politiques qui seront faits.
Si vous avez aimé cet article, je vous invite à découvrir l’article « Arabie saoudite et Russie: vers une nouvelle alliance stratégique » qui explore un sujet complémentaire et passionnant.
Richard Détente