Parfois nous voyons apparaître des titres comme « Chute du bitcoin alors que la Chine s’attaque aux cryptomonnaies » ou encore « Dégringolade du bitcoin sous les 40 000 dollars suite à un avertissement de la Chine concernant les cryptomonnaies ». Et j’en passe. Alors est-ce que cette baisse du bitcoin est un Ponzi qui s’effondre car il ne repose sur « rien » ? Ou bien faut-il voir cette fluctuation sous un autre angle ? C’est une question à laquelle vous devez réfléchir car votre sentiment à l’égard de cette chute est très révélateur sur la façon dont vous approchez l’investissement.
La prétendue interdiction des cryptomonnaies en Chine
Est-ce que la Chine est en train de tuer bitcoin comme la presse semble fortement nous le suggérer ? Si l’on remonte à la source du mal, la baisse de Bitcoin est due à une déclaration commune de 3 organisations proches de l’État chinois :
- L’Association nationale de la finance sur Internet de Chine qui s’occupe de la régulation de la finance en ligne.
- L’Association des banques chinoises en charge de la régulation des banques.
- L’Association des paiements et du clearing chinois qui est encore une organisation d’État liée au système bancaire en Chine.
Et qu’ont elles dit ?
Déjà, je dois dire que j’en ai bavé pour trouver la source originale, car visiblement en matière de journalisme chinois, ce n’est pas la peine de donner la source lorsqu’elle provient de l’État. J’ai bataillé pour la trouver mais la voici :
Il s’agit d’une déclaration conjointe publiée sur Wechat, une application utilisée par la quasi totalité de la population en Chine.
Si comme moi, votre chinois est un peu rouillé, prenez la source, collez-là dans Deepl et vous aurez une traduction exploitable.
En résumé, elles ont fait une déclaration commune pour rappeler aux institutions financières de tous poils que toucher au bitcoin, c’est mal. L’interdiction de base a été faite en 2017.
Provoquer la chute du bitcoin pour renforcer le yuan numérique ?
La Chine a interdit les échanges nationaux de cryptomonnaies dans les secteurs bancaire et financier. C’est à cette occasion que Binance, qui est chinois à l’origine, est parti aux États-Unis pour rencontrer l’immense succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Depuis 2017, la Chine souffle le chaud et le froid régulièrement.
À l’inverse, on aurait pu interpréter cette communication comme une volonté de la Chine de faire tomber le cours du bitcoin, pour que sa population puisse s’en mettre un peu plus dans les poches. Cela contribuerait à renforcer le poids du yuan numérique si une grande quantité de bitcoins, vus comme un nouvel étalon monétaire, étaient détenus en Chine.
Cette hypothèse n’est pas plus bête qu’une autre car on ne sait tout simplement rien des intentions de la Chine. Mais alors comment peut-on savoir ce qu’il faut en penser ? Tout ce que je sais, c’est que je ne sais pas ce que pense la Chine ou les banques chinoises. En revanche, je sais que les différentes banques centrales dans le monde, la FED et la BCE en tête, ont déjà eu ce discours sur Bitcoin sans pour autant que cela ne perturbe ses fondamentaux.
Comprendre le bitcoin et la blockchain
Dans le fond, quelle est la promesse de Bitcoin ?
Créer un système d’échange de valeur et de stockage de la valeur avec un degré de pureté de confiance plus élevé qu’avec les monnaies gérées par des banques centrales.
Notez bien que dans cette promesse je ne parle pas de bitcoin comme d’une monnaie, car bitcoin n’a pas plus de points communs avec la cryptographie qu’il n’en a avec la monnaie. Il est juste différent, même si certaines de ses caractéristiques partagent les mêmes fonctions que les monnaies fiduciaires classiques. Bitcoin reste un token décentralisé qui dispose de sa propre blockchain.
Plus d’explications dans cette vidéo :
Donc la plus grosse attaque que l’on peut imaginer sur le bitcoin serait dans un premier temps portée sur le minage, pour tenter de déstabiliser sa sécurité, et dans un second temps sur les exchanges, pour tenter de l’empêcher d’être échangé. Un exchange c’est un site sur lequel on peut échanger des bitcoins ou autres tokens décentralisés.
Interdire Bitcoin dans les banques c’est un peu comme interdire l’alcool dans les pays musulmans, si vous me permettez cette image. On sait bien qu’il y a de l’alcool en circulation au sein de ces pays, mais si vous voulez mettre à terre l’industrie de la picole, je vous déconseille de commencer par là si vous voulez avoir un impact significatif.
Observer les activités de minage pour détecter les menaces potentielles
De façon tout à fait pragmatique, je sais que les Chinois de Chine connaissent très bien leur pays et leur gouvernement. J’ai donc tendance à regarder ce que font les mineurs chinois et non ce que l’on raconte à leur sujet. Notons que ce sont les mineurs qui sont au cœur du business model de Bitcoin. Donc si Bitcoin était devenu un enfer, les mineurs auraient été les premiers à partir en courant.
Et par chance, il se trouve que l’on peut mesurer l’activité du minage. Miner du bitcoin consiste à gagner sa vie en participant activement à la sécurisation du réseau en faisant tourner de la puissance de calcul. Or, on sait que 60 % du minage de Bitcoin s’effectue en Chine, et que jusqu’à ce jour, le gouvernement chinois ne s’est jamais attaqué aux mineurs de bitcoin, contrairement à certaines bêtises qui ont pu être dites.
Dès lors, si la Chine veut mettre des bâtons dans les roues du Bitcoin, ce n’est pas aux banques qu’il faut imposer des interdictions, car aujourd’hui les services bancaires en bitcoins sont très peu nombreux. Non, ce que je ferais pour m’attaquer à Bitcoin si j’étais un gouvernant chinois énervé, c’est d’aller pourchasser le mineur de bitcoins dans les campagnes. Cela me permettrait d’affaiblir directement la sécurité du réseau et démontrer que Bitcoin c’est de l’esbroufe.
Les mineurs chinois seraient très vite au courant de ces mesures coercitives et on devrait voir les fermes de minage s’éteindre en Chine très rapidement. L’activité du minage est mesurable via un indicateur appelé hashrate qui est suivi en temps réel. En gros, le hashrate indique la difficulté de minage du bitcoin. Plus le bitcoin vaut cher, plus il y a de concurrents pour miner du bitcoin et plus le hashrate monte. À l’inverse, quand les prix du bitcoin baissent, des mineurs font faillite et le hashrate baisse.
Eh bien du côté du hashrate sur le terrain, on ne voit rien d’anormal.
Il y a bien des baisses en ce moment mais elles sont dues aux pénuries sur les semi-conducteurs qui sont utilisés pour fabriquer les cartes Asics qui servent au minage. On le constate très clairement sur le prix du matos qui a littéralement explosé :
Pénurie des machines à miner du bitcoin aggravée par la liquidation des stocks de Bitmain en août
Et je peux vous dire que les mineurs sérieux se frottent les mains en ce moment car il y a des places à prendre.
Bref, si les mineurs chinois sentaient la police arriver à leur porte, on peut penser qu’ils auraient débranché leurs machine fissa pour partir a minima dans un autre pays. C’est donc un mouvement monstrueux sur 60 % du hashrate que nous aurions vu ici. Sans compter les remous que cela aurait causé sur le minage à l’échelle mondiale. Or, il n’en a rien été, et d’ailleurs plus personne ne parle du minage en ce moment.
Le recours au ratio de Sharpe
Ratio de Sharpe : définition
À ce stade de la discussion vous allez me dire : « Oui mais le prix du bitcoin s’effondre, c’est une réalité non ? »
Ça se discute. Comme tout actif côté, le bitcoin a une volatilité. Son prix baisse et monte autour d’une tendance. Sur le SP500, le marché américain pour les actions, la volatilité est d’environ 1 % par jour pour faire simple et de 20 % sur l’année. Si l’on considère que le SP500 gagne en moyenne 12 % par an, alors vous pouvez faire un ratio entre la volatilité et le rendement.
Ce ratio s’appelle le ratio de Sharpe. Je vous passe les détails mais pour les actions, il est en général compris entre 0 et 2. Lorsque le ratio de Sharpe est à 0, cela signifie que la rentabilité de votre actif ne vaut pas la peine de courir le risque de la volatilité.
Entre 0 et 1, sa tendance courante, cela signifie que pour compenser la volatilité vous allez devoir attendre plusieurs années de rendement. Par exemple, si vous avez 3 % de rendement mais que la volatilité annuelle est de 10 %, vous ne saurez pas si vous avez gagné de l’argent ou si votre performance n’est due qu’aux aléas du marché.
Au-delà de 1, vous devriez avoir une performance annuelle supérieure au bruit du marché.
Au final, le ratio de Sharpe permet d’évaluer la dose de volatilité d’un actif par rapport à son rendement. Ce ratio est associé à une mesure du risque par les financiers sur les marchés.
Pour mieux vous le représenter, vous pouvez tracer un canal sur la tendance de long terme d’un actif financier. Vous constaterez que les cours se promènent dans ce canal la plupart du temps. C’est ce que l’on appelle des écarts types.
Ration de Sharpe : utilisation
Voici un exemple avec le SP500 dans Neystor, j’affiche la régression historique qui me permet de dessiner la tendance de long terme autour de laquelle oscille le SP500. Ensuite je passe en échelle logarithmique, histoire de bien visualiser les oscillations de cours sur le long terme. De fait, on voit que le SP500 oscille autour de sa tendance de long terme. Après j’affiche les écarts type qui permettent de donner une probabilité de retour à la tendance de long terme. Plus le cours s’éloigne de la tendance, plus la probabilité est grande qu’il reparte dans l’autre sens.
Donc il faut acheter entre – 1 et – 2 écarts types, c’est-à-dire lorsque ce n’est pas cher et inversement. Par ailleurs, si vous avez la chance de voir une déviation de plus de 2 écarts types à la baisse, cela signifie que, soit votre actif est mort, soit il a fait faillite, ou alors qu’il est vraiment décoté à cause d’une situation exceptionnelle. Dans le cas contraire, à plus de 2 écarts types, vous êtes soit sur une révolution car la réalité change, soit sur un actif très surcoté.
C’est comme ça que je sais que, sur les marchés, je dois être très sélectif aujourd’hui. Le SP500 est plutôt cher en ce moment sans être dans une bulle.
Ratio de Sharpe appliqué au bitcoin
Avec cette histoire d’écart type et de ratio de Sharpe, regardons le cas du bitcoin, qui éclate toutes les autres classes d’actifs. Que ce soit l’or, les actions ou les obligations :
Dit autrement, si on considère la volatilité comme étant un risque (comme c’est le cas pour beaucoup de financiers), alors cela fait de bitcoin l’actif le moins risqué au monde. Ah, ça vous en bouche en coin, vous ne l’aviez pas vu venir celle-là je pense !
Par ailleurs si je trace la même tendance de long terme avec les écarts types sur le cours du bitcoin voici ce que l’on obtient :
Eh oui, c’est la même chose avec Bitcoin. Il oscille autour de sa tendance. Il dépasse rarement les 2 écarts types et cela finit par le renvoyer sur sa tendance de long terme.
Aujourd’hui, si l’on zoome :
Le bitcoin est juste en train de grenouiller autour de sa tendance de long terme. Autrement dit, compte tenu de ses caractéristiques si particulières, bitcoin est à son prix dans un canal compris entre 23 000 $ et 217 000 $.
Encore plus surprenant :
Les évolutions possibles du bitcoin
Une valeur entre 664 000 et 7 600 dollars
Selon cette façon de voir les choses, tant que Bitcoin n’est pas au-delà de 664 000 $ ou au-dessous de 7 600 $, soit au-delà de 2 écarts types, alors il n’est pas excessivement surcoté. Cela peut sembler fou, mais il faut garder en tête que sur 10 ans il a une performance de 164 %, ce qui est déjà complètement fou en soi mais c’est la réalité.
Donc, en ce qui concerne une variation de 60 000 $ à 30 000 $, on parle en réalité de broutilles. Cela pourrait très bien être un épiphénomène qui n’a aucune importance et qui n’a peut être même pas de cause identifiable. Cela pourrait être simplement le bruit du marché, la simple action de la volatilité.
Ces histoires de Chine, d’Elon Musk ou je ne sais quoi d’autre n’ont probablement aucun impact sur la valeur du bitcoin. C’est comme si l’action Google passait de 2 200 $ à 2 100 $. On s’en fiche royalement.
Mais dans cette logique vous allez me dire, voyons ce n’est pas possible, à ce rythme-là, bitcoin vaudra plus que tout l’or du monde dans quelques années. C’est un rythme de croissance insoutenable ! Et c’est tout à fait juste.
Un actif antigragile qui révolutionnerait nos modèles de sociétés ?
Cette croissance peut signifier 2 choses selon moi :
- On est sur une bulle qui dure depuis 10 ans et elle va se terminer dans le sang une fois que bitcoin vaudra 0 $. C’est le scénario tulipe !
- Bitcoin est un actif révolutionnaire au sens où il va disloquer la société comme cela a été le cas lors de l’invention de l’électricité. Sous l’impulsion des tokens décentralisés, avec bitcoin au premier rang pour l’instant, nos sociétés vont passer d’une structure hiérarchisées à une structure décentralisée avec toutes les conséquences que cela implique et que nous avons du mal à imaginer.
Dans ce cas, bitcoin est un actif antifragile qui se nourrit des crises pour grandir rapidement, car il apporte une solution aux crises que nous rencontrons.
Et là, s’il est effectivement antifragile, il va poursuivre sa tendance de fou jusqu’à ce qu’une nouvelle structure économique et sociale se mette en place. Une fois que cette révolution aura eu lieu, les tokens décentralisés, quels qu’ils soient, seront les actifs les mieux adaptés à ce nouveau monde. Et c’est ça devenir fragile, c’est être l’animal le mieux adapté à son milieu. La performance du bitcoin va se rationaliser pour rejoindre la performance de l’économie.
Cette histoire d’antifragilité n’est rien d’autre que l’histoire de la création destructrice théorisée par l’économiste Joseph Schumpeter. Le propre de ces situations, lorsqu’on les vit de l’intérieur, c’est de penser que le monde devient fou et qu’il est en proie à une gigantesque bulle. Tout dépend ensuite du point de vue que vous adoptez. Est-ce que Bitcoin est une tulipe ou est-ce qu’il vient révolutionner le monde ? Il y a peu de place pour des scénarios intermédiaires car sa croissance est bien trop forte.
Personnellement, comme je ne suis pas suicidaire, j’ai tendance à rechercher le meilleur des deux mondes. Je ne sais pas si bitcoin est antifragile ou si c’est une blague. En revanche, je sais que si Bitcoin est la prochaine révolution de l’Internet de la valeur, alors j’ai intérêt à en prendre en peu car les gains potentiels sont immenses dans ce cas. Si bitcoin passe à 1 million de dollars d’ici quelques années, j’aurai multiplié ma mise par 33 à 30 000 $ le bitcoin. Si bitcoin disparaît, je perds tout.
Donc si je mise 3 % de mon portefeuille sur bitcoin, je peux doubler sa valeur rien qu’avec Bitcoin. Si je perds tout, je perds 3%. Tout est question de savoir ce que vous êtes prêt à perdre. Donc, personnellement, Elon Musk ou l’avis des banques chinoises, je m’en contrefiche comme de ma première chemise.
La lettre d’investissement : La Stratégie Grand Angle
C’est pour cela que dans la lettre d’investissement que je co-rédige avec Guillaume ROUVIER, je vous donne une méthode et des moyens pas à pas pour investir un peu dans le bitcoin mais très régulièrement. Je vous donne aussi une méthode de débancarisation de votre compte courant via les cryptos car il y a des paris : pile je gagne et face je ne perds pas à prendre de ce côté-là.
Par ailleurs avec Neystor, ma plateforme en ligne d’assistance à la gestion, grâce à la méthode des écarts types vous pouvez également analyser les actifs que vous voulez acheter pour savoir s’ils sont chers ou pas. Avec Guillaume ROUVIER, nous analysons une action chaque mois, et si vous rentrez aujourd’hui, vous pouvez choisir de rentrer sur les actions les plus décotées en ce moment par rapport à leur tendance de long terme.
Neystor vous donne également des indications précises sur les risques en cours sur les marchés et les timing pour entrer et sortir des marchés grâce aux quadrants Gavekal et à l’indice des maçons :
Enfin, dans le cas où bitcoin est bien une révolution disloquante, est-ce que les États vont laissez faire sans rien dire ? Bien sûr que non car cela signifierait une reconfiguration profonde du pouvoir monétaire. Le cas échéant, la lutte sera dure et impitoyable. Aujourd’hui nous n’en sommes clairement pas là et qu’il s’agit pour nous, simples investisseurs, de comprendre le plus clairement possible ce que signifie Bitcoin pour nous. Le temps fera le reste.
Richard Détente
Sources :