Les positions de vente à découvert ou short selling | le match Mike Burry vs. Cathie Wood

17 avril 2022

Dans son rapport trimestriel à la Securities and Exchange Commission, le gendarme de la bourse américaine, Michael BURRY, dévoile qu’il a une position de vente à découvert – à hauteur de 31 millions de dollars tout de même – contre le fond emblématique Ark Invest de Cathie WOOD. Bien sûr, chacune de ces deux parties se sont expliquées sur les réseaux sociaux, et cela nous donne l’occasion de confronter deux visions du monde actuel radicalement opposées. Même Peter Schiff s’y met 😉 D’un côté, Michael BURRY affirme que nous vivons une grande bulle de tous les actifs portée principalement par les politiques monétaires. De l’autre, Cathie WOOD défend que le monde bascule d’un ancien vers un nouveau monde, structuré autour des entreprises de la tech. C’est l’occasion rêvé de parler de positions de vente à découvert mais aussi de gestion du risque sur les marchés.

Qui est Michael Burry ?

Michael BURRY est un financier qui a atteint une renommée internationale pour avoir prédit la crise des subprimes. Il avait pris une position de vente à découvert contre le marché des subprimes. Cela a rapporté 700 M $ à ses investisseurs et 100 M $ pour lui-même, c’est juste colossal.

En 2005, lorsqu’il découvre la crise des subprimes en gestation, BURRY ne part pas de rien. Son fonds de l’époque, Scion Capital, s’est déjà fait remarquer pour ses très bonnes performances lors de l’éclatement de la bulle de 2000.

BURRY s’est spécialisé dans la vente à découvert du marché, il comprend, sait analyser et timer les crises du système financier.

Qui est Catherine Wood ?

De l’autre côté du spectre, il y a Cathie WOOD, la célèbre patronne d’Ark invest. Son profil est radicalement différent.

Elle ne voit pas les crises mais les opportunités. Elle avait prédit une explosion du cours de Tesla en 2018 de 1000 %, ce qui est arrivé contre toute attente. Elle a également prédit un Bitcoin à 500 000 $ sans donner de date précise.

En 2020, elle est nommée meilleure stock picker (sélectionneuse d’action en français) par Bloomberg. Cathie Wood voit le potentiel du monde et non ses failles. Dans son optique, les crises que nous vivons ne prédestinent pas le monde au déclin, mais permettent au contraire au monde futur de naître.

C’est pour cela que son fonds Ark Invest a fait des étincelles en 2020. En se positionnant lourdement sur les entreprises de la tech, elle a pris pleinement le rebond des marchés.

Pas étonnant qu’ils ne se comprennent pas.

WOOD est furieuse contre les vendeurs à découvert qui font courir le risque des prophéties auto-réalisatrice. Comme Elon MUSK, WOOD pense que les vendeurs à découvert sont des grincheux qui risquent d’empêcher l’arrivée du nouveau monde, qui porte, selon eux, les solutions aux problèmes de l’ancien monde.

Les positions de vente à découvert : un garde-fou contre l’euphorie des marchés

C’est pour cela que la vente à découvert (short en anglais) est honnie par de nombreux investisseurs.

Pourtant, si on est honnête, on peut convenir que les vendeurs à découvert ont pour rôle de siffler la fin de la partie lorsque les marchés fantasment une création de valeur qui n’arrivera pas.

Par exemple, si en 2008, les vendeurs à découvert avaient été plus nombreux, alors la folie des subprimes nous aurait emmené beaucoup moins loin dans la grande crise financière.

En 1992, ce fut la même chose avec l’attaque coordonnée de SOROS et DRUCKENMILLER contre la livre sterling, aux dépends de la banque centrale d’Angleterre. Marc EICHINGER, qui a participé à cette attaque en 1992, en parle très bien dans une interview.

Il revient sur les événement entre 1:13:31 et 1:14:21

Fondamentalement la possibilité de la vente à découvert agit comme une corde de rappel à la réalité. Lorsqu’une bulle se forme (comme c’est le cas sur la dette des États occidentaux) si ces États souverains ne font pas le travail du retour à la bonne gestion par eux-mêmes, ce sont les vendeurs à découvert qui se chargent d’arrêter cette folie.

Alors oui, c’est dur et violent, mais il faut bien se dire que s’ils n’étaient pas là, au bout du compte, c’est un effondrement encore plus violent qui attend les États ou les marchés.

On peut aussi dire que si un marché est vraiment solide, alors les vendeurs à découvert se font ramassés et ils perdent tout.

Prendre une position courte et vendre à découvert sur les marchés : un jeu risqué

Pour vendre à découvert, vous avez besoin de faire appel à l’emprunt pour y arriver. Le temps joue naturellement contre la vente à découvert. Donc lorsque Mike BURRY short le fond de Cathie WOOD il a intérêt à être solide sur ses bases.

Sur les marchés, le cimetière des vendeurs à découvert ne manque pas de clients.

C’est pour cela que, lorsque des particuliers me demandent comment faire de la vente à découvert avec des produits dérivés comme les options, je prends plutôt le parti de leur déconseiller de telles pratiques.

Si vous pensez qu’un secteur va chuter, vous pouvez tout simplement vous tenir à l’écart et éventuellement l’acheter une fois que vous aurez jugé qu’il est redevenu sain.

C’est pour cela que dans ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET, nous adoptons une démarche prudente de gestion du risque. Le plus important n’est pas de savoir si un marché va monter ou descendre, mais plutôt de savoir si les probabilités jouent en votre faveur ou non.

Le match BURRY vs. WOOD

L’argument principal de Mike BURRY, c’est que nous sommes allés trop loin dans la dégradation des fondamentaux économiques et financiers. Entreprises zombies, dettes, émissions monétaires. En soit, il veut bien adhérer à l’idée que Tesla ait le potentiel de révolutionner la  voiture, mais tout ce qu’il dit c’est que la valorisation de TESLA, sur laquelle il a des positions à découvert ouverte, est bien trop élevée.

Burry, tout comme les vendeurs short squeeze du marché, sont prêts à parier leur argent sur l’hypothèse que nous vivons dans l’excès et qu’il faut stopper la partie.

Alors qui a raison ?

Honnêtement, je n’en sais rien. Je suis plutôt de l’avis de Mike BURRY, mais en même temps, je ne peux pas nier que la tech a accompli une transformation extraordinaire de la société. Est-ce que ce courant est durable ? Si on me demande de parier, je dirai non, mais au fond je n’en sais rien.

Comment gérer le risque financier sur les marchés

Mon approche se base sur une gestion du risque. À court terme c’est-à-dire sur l’échelle de quelques mois, on peut capter de la valeur sur les marchés. Nous l’avons fait dans ma lettre d’investissement entre août 2020 et juin 2021. Durant cette période, les marchés US ont pris 20 % et les obligations chinoises environ 10 %. Dans le même temps, l’or a régressé de 6 %. Au final, la performance de ce que nous proposions à nos lecteurs a été moins forte que les 100 % du SP500 depuis ses plus bas en mars 2020.

Mais en même temps, là où je suis très content, c’est que pendant la crise de mars 2020, nous avions tous les actifs en main pour ne pas perdre d’argent, ou très peu, comparativement aux marchés qui ont chuté jusqu’à 40 %.

Il y a une chose à bien comprendre sur les marchés.

Soit vous voulez développer un patrimoine sereinement, car vous avez déjà un capital auquel vous tenez, comme pour un retraité par exemple. Soit vous êtes jeune et vous voulez prendre beaucoup de risques pour tenter votre chance de créer un gros capital rapidement.

Les 2 stratégies sont bonnes. Tout dépend de votre situation personnelle.

Gérer le risque financier lorsqu’on est jeune

Je peux comprendre qu’un jeune de 20 ans qui a 5 000 € en banque mette 1000 € sur les cryptos, en espérant multiplier sa mise par 10. D’un côté, s’il perd les 1 000 €, il les regagnera en travaillant assez rapidement. De l’autre côté, il s’expose à une augmentation forte de son capital.

Pour en savoir plus sur Bitcoin notamment, allez voir ma nouvelle vidéo crypto si cela vous intéresse :

Par contre, attention tout de même, si vous êtes jeunes et que vous faites de gros gains en prenant de gros risques. Le danger c’est de ne plus voir le risque et de tout perdre le coup d’après. C’est un classique.

C’est pour cela que les jeunes ont intérêt à sécuriser leur épargne au fur et à mesure qu’ils construisent leur avenir en prenant des risques.

Gérer le risque financier chez les seniors : attention aux assurances vies

De la même façon, je comprends le retraité qui gère le capital d’une vie et ne supportera pas une baisse de 20 % de son capital car il en a besoin pour vivre.

Le danger pour un retraité qui adopte une stratégie très conservatrice, sans se diversifier un minimum sur des nouveaux actifs plus risqués, c’est de s’exposer au risque systémique maximum.

Je m’explique. Aujourd’hui une personne de 70 ans serait tentée de mettre toute son épargne en obligation d’État. Même si les rendements sont à 0, il peut se dire qu’il préfère vivre en sécurité sur son capital, plutôt que de prendre du risque pour obtenir un rendement dont il peut se passer vu son espérance de vie.

Le problème c’est que les obligations d’États concentrent les risques de ces 50 dernières années où la dette s’est accumulée. Du coup, le jour où la dette des États explose, notre retraité subit de lourdes pertes.

Les gros patrimoines ne doivent donc pas oublier de garder une part de leur portefeuille sur des actifs avec du risque, pour rester résilient face au changement du monde.

Notre lettre d’investissement : la stratégie Grand Angle

Dans ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET nous avons adopté en septembre une démarche macro-économique sur les marchés, avec des indicateurs quantitatifs issus de Neystor. Nous avons également ouvert une rubrique « Le coin crypto » pour ne pas oublier de se diversifier dans cette nouvelle classe d’actifs qui ouvre une fenêtre sur l’avenir. Comme par exemple, comment générer environ 10 % de rendement sur votre cash en passant par la finance décentralisée sur la blockchain.

Les temps sont difficiles, mais il faut garder en tête que les crises engendrent leurs solutions. Toute la complexité c’est d’adopter une gestion du risque qui vous permet d’éviter d’être là où il ne faut pas, et dans le même temps, de garder l’esprit ouvert sur les futures opportunités.

Richard DÉTENTE

Sources :