Les marchés mondiaux secoués par les tensions Israël-Palestine

4 décembre 2023

Le monde entier observe ce qui se passe à Gaza

Comme anticipé depuis que le Hamas a cruellement assassiné plus d’un millier de civils en Israël, Israël a entrepris de manière brutale le massacre de milliers de Gazaouis qui ont le malheur de se trouver au-dessus d’installations souterraines du Hamas dissimulées sous des structures civiles, tout en étant conscient que cela implique de sacrifier des innocents dans le but d’accroître la pression internationale sur Israël et d’influencer les marchés. On peut se demander qui a attaqué l’hôpital, mais les 200 morts demeureront inaltérés… À ce jour, les observateurs du monde entier se regardent, les diplomates parcourent le globe, et tous les ministères des affaires étrangères préparent des plans avec différents niveaux de réponses, allant de la diplomatie à un engagement militaire en fonction de l’évolution des relations entre Israël, le monde arabe.

Encore une fois, et pour ce que cela vaut, ne cherchez pas à trouver une quelconque morale ou justice dans ces événements. Comme l’histoire nous l’a enseigné, les mains ensanglantées du vainqueur seront lavées par ses propres historiens, tandis que le vaincu sera magnifié afin de donner de la prestance et de la grandeur à celui qui aura eu le courage et le mérite de le massacrer. Gardez toujours à l’esprit que la grande majorité des cultures que le monde a connues et la plupart des peuples qui ont marché sur cette terre ont disparu à travers la guerre ou se sont fondus dans d’autres.

Comme le disent les tueurs charismatiques dans les films hollywoodiens avant d’exécuter une victime innocente : « Ça n’a rien de personnel. » C’est pourquoi, en tant qu’Européen, j’aborde ce conflit avec le pragmatisme d’une personne qui n’est pas directement concernée et examine la question de son propre point de vue européen. Si l’on me demandait mon avis, je dirais que l’Europe aurait intérêt à rester à l’écart de ce conflit qui n’est pas le sien. En tant qu’observateur, je vous propose une analyse de ce qui est en train de se produire et comment cela nous affecte essentiellement d’un point de vue économique, car c’est la perspective de cette Grand Angle.

OTAGE

Israël n’était pas préparé au conflit

Il apparaît ainsi qu’Israël n’était pas préparé à ce conflit, et son armée a été prise au dépourvu. Objectivement, ils consacrent un temps précieux à se préparer pour envahir Gaza afin de se débarrasser du Hamas et éventuellement déplacer deux millions de civils de la bande de Gaza vers l’Égypte ou la Jordanie. Cependant, il est évident que l’Égypte et la Jordanie refusent catégoriquement cette option. Malgré cela, une invasion terrestre de Gaza semble imminente, une question de jours, voire d’heures, bien que l’armée israélienne soit consciente que cette opération peut entraîner des coûts élevés voire échouer dans une certaine mesure. Cela a des implications considérables au-delà du bilan humain.

Pendant ce temps sur les marchés…

En ce qui concerne l’Europe, le prix de l’or augmente significativement en même temps que les prix du pétrole se tendent sur les marchés. Pour le pétrole, à 91 $, nous sommes clairement entrés dans une zone critique pour l’Union européenne. Le passage de 84 $ à 91 $ représente la différence entre la stabilité de l’économie et une récession. Si le prix du pétrole devait dépasser les 100 $ et plus, une récession violente nous attend. Cette perspective n’est pas du tout improbable pour deux raisons : d’une part, nous ne disposons pas de sources d’approvisionnement de secours, ayant rompu nos liens énergétiques avec la Russie ; d’autre part, les pays du Moyen-Orient pourraient utiliser les livraisons de pétrole comme un levier diplomatique. Bien que nous n’en soyons pas encore là, ce sont ces préoccupations qui alimentent les inquiétudes sur les marchés. L’or témoigne de ces préoccupations. Seuls les marchés ne semblent pas trop s’en inquiéter. L’Eurostoxx 50 stagne depuis la crise, tandis que le S&P500 est même légèrement à la hausse.

Pourquoi ce qui est mauvais pour le monde est bon pour les marchés ?

Comment peut-on expliquer cette sérénité sur les marchés alors qu’à la fin du mois de juillet, ces derniers étaient tout de même orientés à la baisse ? Une explication plausible, bien que cynique, se présente du point de vue des marchés. Ce que vous observez ici est ce que l’on appelle le spread Italie-Allemagne sur le taux à 10 ans. En termes simples, il s’agit de l’écart entre les taux d’intérêt de la dette italienne et allemande à 10 ans. Plus ce spread augmente, plus l’euro est menacé, car le taux de change arbitre les taux sur la dette. En Suisse, par exemple, les taux sont structurellement plus bas qu’en France, ce qui se traduit par un cours du franc suisse plus élevé.

Dans la zone euro, le taux de change étant fixe dans tous les pays de la zone, si le taux d’intérêt d’un pays, représenté ici par l’Italie, s’éloigne trop de celui de l’Allemagne, référence principale, cela perturbe l’économie des pays de la zone euro. Les usines se dirigent vers l’Allemagne, et les investisseurs placent leurs fonds en Italie tant que la BCE garantit que l’euro ne s’effondrera pas. Ainsi, les retraités allemands et les entrepreneurs italiens s’appauvrissent ou disparaissent au profit des chefs d’entreprise allemands et des retraités italiens. Cependant, cette dynamique ne fonctionne pas, car le chaos finit par s’installer au sein des nations, augmentant le risque de rupture, car les Italiens vivent avant tout avec leurs compatriotes italiens, tout comme les Allemands avec les leurs.

Par conséquent, lorsque le spread Italie-Allemagne augmente, la pression sur l’euro s’intensifie, et la BCE peut rapidement se retrouver contrainte de réduire ses taux directeurs dans la zone euro et d’émettre de la monnaie pour racheter la dette italienne, afin de faire baisser les taux italiens et éventuellement faire monter les taux allemands en vendant des obligations allemandes, bien que dans une moindre mesure.

En somme, lorsque le spread Italie-Allemagne augmente, les marchés anticipent l’arrivée d’argent facile, ce qui les rend plutôt optimistes, sachant que cela favorisera leurs intérêts. Cela conduit à une inversion des valeurs, où ce qui est préjudiciable au monde est favorable à l’euro, donc bénéfique pour eux, car jusqu’à présent du moins, la BCE intervient pour éviter que tout ce système ne subisse des pertes. Regardez l’année 2011, marquée par la crise de l’euro : les taux montent, puis Mario Draghi annonce des mesures d’assouplissement, entraînant une baisse. Ensuite, la BCE relève ses taux, les resserre légèrement jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau problématique avec la récession de 2018, et le spread avec l’Italie repart à la hausse. Cela conduit à une nouvelle baisse des taux d’intérêt de la BCE pour apaiser les marchés.

Par la suite, il y a eu des tensions géopolitiques avec la Russie, et maintenant les marchés envisagent qu’Israël puisse éventuellement sauver une situation qui commençait à être préoccupante depuis l’été. Ainsi, pour les marchés, grâce à l’intervention de la BCE, c’est plutôt une bonne nouvelle. Peut-être cela vous semble-t-il cynique ? Je répondrais que c’est plutôt mécanique. Si la situation devait réellement dégénérer, les marchés obligataires et financiers seraient les premiers à en prendre conscience, car, tout comme les nations, les marchés n’ont pas d’âme. Ce sont des entités fonctionnant selon leurs propres dynamiques.

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Ce qu’il faut surveiller en priorité

Pour obtenir un indice sur l’évolution de cette crise, il est judicieux de surveiller en premier lieu les prix du pétrole. La question qui se pose est de savoir si nous assisterons à une augmentation du baril à 150 $ ou même 200 $. Cela reste une possibilité très ponctuelle. Si les quantités de pétrole disponibles sur le marché diminuent, de tels prix pourraient indiquer que les entreprises disposant de marges plus importantes pour acheter de l’énergie afin d’assurer leur production sont en train de mettre sous pression les entreprises aux marges plus serrées, qui n’auront d’autre choix que de fermer boutique.

Lorsque suffisamment d’entreprises font faillite, la demande diminue et les prix du pétrole sur le marché baissent également. C’est pourquoi les fortes hausses temporaires des prix de l’énergie sont observées. Le manque de pétrole ne garantit pas nécessairement une augmentation durable de son prix, mais cela indique surtout que certaines entreprises en manqueront, laissant ainsi de l’espace pour d’autres acteurs sur le marché. Ainsi, les fluctuations dans les prix du pétrole peuvent fournir des indices sur la santé économique générale et les pressions concurrentielles au sein des entreprises.

Ce qui menace la France : une récession de plus de 20% !

Aujourd’hui, un péril guette particulièrement la France, que j’ai nommé le « diviseur keynésien », en référence au concept du multiplicateur keynésien. Pour commencer, définissons ce fameux multiplicateur keynésien, chéri par les partisans de la gauche. Le principe est simple : dans une économie, un billet change de mains plusieurs fois par an, créant un système circulaire d’échanges. Supposons que vous gagnez 100 €, en mettez 20 de côté et dépensez 80 € chez votre boucher. Celui-ci fait de même, épargnant 16 € sur les 80 et dépensant les 64 autres, et ainsi de suite. Au final, nos 100 € de départ auraient peut-être généré 250 € de PIB. C’est à ce moment que John Maynard Keynes envisage que donner 100 € à n’importe qui stimulerait l’économie, car cet argent alimente le cycle économique. Ainsi, en rémunérant des personnes peu productives, le PIB pourrait augmenter. L’État a rapidement compris qu’au lieu de financer des emplois non productifs, il pouvait utiliser cet argent pour des dépenses publiques à moindre coût, voire même de manière rentable si le multiplicateur keynésien est suffisamment élevé.

Si cela peut sembler saugrenu, sachez que la France Insoumise apprécie cette idée. Tous les partis politiques en France utilisent cette stratégie pour relancer l’économie chaque fois qu’ils évitent de faire face à la réalité. Ainsi, 70 ans plus tard, l’État représente plus de 60 % du PIB français en stimulant et en relançant l’économie. Bien sûr, les emplois non productifs sont nombreux. Pour vous donner une idée, voici les dépenses de l’État en 2022 par mission. En ne considérant que les dépenses régaliennes, on obtient : 23 milliards pour la sécurité, 62 milliards pour la défense, 82 milliards pour l’éducation, 30 milliards pour la recherche, 12 milliards pour la justice. Le total s’élève à 209 milliards sur 785, soit environ 25 % des dépenses de l’État, sans optimisation interne. En cas de crise grave en France, on pourrait se passer de 75 % du budget de l’État pour assurer la survie. Cependant, retirer des centaines de milliards de l’économie, même s’ils étaient des revenus pour des emplois non productifs, aurait un impact sur les entreprises qui les alimentent.

Assainir la situation serait donc douloureux, car de nombreuses entreprises bien gérées dépendent de l’argent public. La descente pourrait être très douloureuse, nécessitant la fermeture d’entreprises pour permettre à un tissu économique basé sur une véritable valeur de reprendre sa place. Pour donner une idée, un pays bien géré consacre entre 30 % et 40 % de son PIB aux dépenses de l’État, alors que la France est à 60 %, soit environ 25 points de PIB de trop, représentant 41 % des dépenses publiques, soit 330 milliards. Soyons optimistes et considérons un multiplicateur keynésien de 1,5. Dans ce scénario, une baisse d’au moins 500 milliards du PIB se produirait, ce qui serait très préjudiciable, équivalant à une récession de plus de 20 %. Pour rappel, le COVID a entraîné une baisse d’environ -5 % et la crise de 2008 un peu moins de 10 %. Personnellement, je préférerais que cela se produise progressivement. Tout cela pour dire que le conflit israélo-palestinien, combiné au conflit en Russie, au coût colossal de la crise due aux mesures anti-COVID, à 15 ans de politique monétaire souple et à 30 ans de désindustrialisation, pourrait coûter cher à l’Union européenne, en particulier à la France.

Pour mieux comprendre la grande désindustrialisation en France, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessus dans laquelle j’explique la stratégie française dans le domaine industriel.

Richard Détente