La monnaie des BRICS : la fin du règne du dollar ?

28 avril 2023

Le monde continue d’évoluer rapidement et récemment, nous avons entendu parler des aspirations des BRICS à créer leur propre monnaie commune, voire leur propre monnaie unique. Cela soulève la question de savoir si le dollar est vraiment voué à disparaître et où en sont les BRICS sur cette question. En quoi la création d’une monnaie commune au BRICS serait-elle une bonne idée ? Tout d’abord, il convient de se demander à quoi sert une monnaie commune ou une monnaie unique, et quelle est la différence entre les deux.

L’alliance contre le dollar

Qu’est-ce qu’une monnaie unique (dollar $, euro €) ? 

Commençons par la monnaie unique, dont le principe est assez simple : lorsque des peuples souhaitent vivre ensemble, qu’ils partagent des normes sociales communes et ont des solidarités budgétaires déjà en place, supprimer toutes les monnaies locales pour en instaurer une seule permet d’obtenir des gains d’efficacité. C’est ce qu’ont fait les États-Unis en instaurant le dollar comme monnaie unique en 1785, lorsque les différents États ont souhaité s’intégrer politiquement dans un même ensemble. Cette décision a été couronnée de succès.

En revanche, la zone euro, qui est également une monnaie unique, rencontre des difficultés car les différents pays de la zone n’ont pas la même volonté de s’intégrer politiquement. Les Allemands souhaitent travailler davantage, exporter davantage et thésauriser davantage, tandis que les Français souhaitent embaucher des fonctionnaires et que les Italiens voudraient dévaluer leur monnaie pour protéger leur industrie locale. Cette situation a fonctionné pendant huit ans, mais lors de la première crise financière importante qui a mis à l’épreuve l’intégration politique de l’euro, les différences entre les pays ont été mises en lumière et ont causé des divergences importantes, devenant trop difficiles à gérer pour une monnaie unique. La création d’une monnaie unique présente des avantages en termes d’efficacité économique, mais nécessite une véritable intégration politique pour fonctionner de manière optimale et éviter les divergences qui peuvent mettre en péril son existence.

Le graphique présenté ci-dessus constitue un outil approprié pour illustrer le fait que les exportations allemandes se transforment en dette italienne, dont le remboursement demeure incertain.

Qu’est-ce qu’une monnaie commune (yuan chinois) ? 

En ce qui concerne la monnaie commune, le principe est différent. Prenons l’exemple de la Chine étendue, qui correspond à l’Asie hors-Japon. Dans cette zone, les échanges commerciaux se développent localement en grande quantité. Ainsi, la Chine accepte d’utiliser la monnaie vietnamienne ou thaïlandaise pour les transactions, car elle considère que les relations commerciales sont bonnes et que les relations politiques à long terme sont saines. Elle estime qu’elle parviendra toujours à trouver un arrangement pour équilibrer les balances commerciales à long terme. En d’autres termes, si la Thaïlande devait un peu d’argent à la Chine sur une période d’un ou deux ans, la banque centrale accorderait un crédit en yuan. Si le déficit devenait structurel, les Chinois pourraient toujours demander des partenariats stratégiques avec la Thaïlande pour construire des infrastructures telles que des ports, des chemins de fer ou autres, afin de rééquilibrer les relations commerciales. C’est ce type de relation que la Chine a commencé à construire avec ses pays voisins, ce qui engendre une sorte de serpent monétaire asiatique qui gravite autour du yuan, la Chine jouant le rôle de centre de gravité.

Sur le graphique présenté ci-dessus, il est possible de constater une harmonisation rapide des taux de change suite à la crise de 2008 aux États-Unis. À partir de ce constat, il est envisageable d’envisager une réduction des mécanismes de swap déficitaire de contre-valeur en or et autres, dans l’optique de créer une monnaie commune. Cette démarche permettrait de simplifier le système et, par conséquent, d’optimiser son efficience.

Le Dollar ou comment dépouiller les nations faibles 

Pour appréhender les avantages d’une monnaie commune, il est nécessaire de comprendre les enjeux liés à l’absence d’une telle monnaie, notamment dans le contexte asiatique. Sans monnaie commune ou système de change fixe, les pays asiatiques utilisent l’or ou le dollar pour régler leurs soldes commerciaux. Toutefois, le dollar étant émis par les États-Unis, emprunter en dollars pour financer une activité en baht thaïlandais, par exemple, peut entraîner des crises économiques majeures. C’est ce qui s’est produit lors de la crise asiatique de 1997, où le dollar a connu une hausse importante alors que le baht thaïlandais a subi une chute brutale. Les États-Unis ne se sont guère préoccupés des problèmes rencontrés par les Coréens, les Thaïlandais et autres populations de la région, et le Fonds monétaire international (FMI) est intervenu pour imposer une cure d’austérité, qui a eu pour conséquence le transfert d’une part significative de la valeur des actifs et de l’épargne des populations locales vers les États-Unis. Ces derniers ont alors profité de la crise pour racheter les actifs à bas prix et aider les pays touchés à sortir de l’ornière.

Une monnaie commune en Asie (yuan) pour contrer le dollar 

Suite à la crise asiatique qui a entraîné la ruine de la région, la Chine a décidé de prendre les choses en main en coordonnant les différentes banques centrales asiatiques afin que chacun puisse disposer de la monnaie locale dont il a besoin. Cette démarche s’inscrit dans une perspective d’établissement d’une monnaie commune en Asie, qui ne serait pas dénuée d’intérêt. En attendant que les systèmes financiers se structurent, c’est la banque centrale chinoise qui pilote l’ensemble de ce processus. Dans le même temps, la Chine et ses voisins mettent progressivement en place leurs propres instances internationales, témoignant ainsi d’une volonté de renforcer leur poids économique et financier dans la région.

L’ancien prototype de monnaie commune : BANCOR 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, John Maynard Keynes avait proposé la création d’une monnaie de règlement internationale, appelée le bancor, qui aurait pris la forme d’une sorte de monnaie commune. L’idée sous-jacente était simple, mais toujours d’actualité : l’utilisation de la monnaie d’un pays pour régler les déficits commerciaux mène inéluctablement à l’instabilité économique et, en fin de compte, à une explosion du système.

Les USA détournent BANCOR au profit du dollar

L’idée du Bancor consistait à constituer un panier de monnaies comprenant les 5 ou 6 principales monnaies mondiales, chacune étant pondérée en fonction de l’économie de leur pays respectif. Cette idée rejoignait celle du serpent monétaire international et était élégante et bien pensée. Toutefois, les États-Unis ont préféré faire du dollar la monnaie de réserve internationale, car cela leur permettait de régler leurs déficits commerciaux en imprimant des billets, ce qui était bien moins contraignant que de faire des économies, voire pire, de travailler.

Le graphique ci-dessus montre de manière très concrète que les milliers de milliards de dollars au-dessus de la courbe bleue représentent les déficits financés par les autres pays du monde pour les États-Unis. Si les États-Unis réduisent leur déficit extérieur, cela peut entraîner une crise asiatique ou une crise en Turquie, mais s’ils laissent filer leur déficit, le dollar finit par perdre de sa valeur, ce qui met en danger sa crédibilité en tant que monnaie de réserve et déséquilibre le système international qui en est la base. Cette situation avait été anticipée par des économistes comme Keynes ou Jacques Rueff, un économiste français qui avait parlé du « privilège impérial » du dollar. Cette situation ne fonctionne plus correctement aujourd’hui et nous sommes dans une situation monétaire mondiale difficile.

BRICS : l’alliance Chine, Russie, Inde, Brésil et Afrique du sud

Revenons à présent aux BRICS, acronyme désignant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.

BRICs

Comme on peut le voir sur la photo, cette assemblée ressemble davantage à une publicité pour Benetton qu’à une réunion de travail, représentant la diversité à l’état pur. C’est certes une image séduisante, mais il ne faut pas perdre de vue que les intérêts de ces pays sont souvent contradictoires, voire conflictuels, comme dans le cas de la dispute territoriale entre la Chine et l’Inde concernant le Tibet. De plus, ces pays n’ont pas encore développé d’industrie financière assez sophistiquée pour mettre en place la panoplie de produits dérivés nécessaire à une telle convergence monétaire. Lorsque l’Inde souhaite lever des fonds obligataires, elle fait appel à des institutions financières étrangères telles que Goldman Sachs. Bien que difficilement envisageable à court terme, une monnaie commune des BRICS n’est pas totalement exclue pour l’avenir. En attendant, ce qui est remarquable, c’est que ces pays commencent à accepter les monnaies des uns et des autres pour s’affranchir du dollar dans les échanges non réalisés avec les États-Unis. Il s’agit là d’une véritable révolution en soi.

Ceux qui se sont opposés au dollar 

Je souhaite rappeler que les dirigeants qui ont exprimé de telles envies dans le passé, tels que Saddam Hussein ou Kadhafi, sont rapidement passés d’amis à ennemis et ont connu un sort tragique. Si tous les BRICS s’alignent simultanément, cela deviendra difficile pour les États-Unis de les neutraliser. C’est là que la situation devient révolutionnaire.

En outre, on peut considérer que le conflit en Ukraine n’est pas la cause de la régionalisation de la mondialisation, mais plutôt sa conséquence. La Russie reçoit un soutien mondial important, à l’exception de l’Occident, qui ne représente qu’une minorité en termes de nombre. Nous pouvons ne pas approuver cette position, mais nous ne pouvons nier le fait que l’Occident a suffisamment exporté la démocratie pour que les non-occidentaux ne se sentent pas trop coupables. Pour ces raisons, je vous invite fortement à envisager la régionalisation de votre épargne et la  débancarisation de la zone euro, afin de ne pas être pris dans le déclin de l’Union européenne. Ces grands changements ont des conséquences qui pèsent avant tout sur l’Union européenne, car nous avons rompu les relations avec la Russie, qui est le principal fournisseur de croissance, c’est-à-dire d’énergie, de la région. Pour en savoir plus sur le Protocole de Débancarisation Express Grand Angle et pour apprendre à protéger votre épargne, inscrivez-vous gratuitement à ma formation.

Le boom des accords commerciaux en Asie 

En ce qui concerne la Chine élargie et probablement les BRICS en général, nous assistons actuellement à la mise en place d’un grand phénomène appelé la croissance ricardienne. En d’autres termes, ces pays qui ont besoin de tout passent des accords commerciaux dans tous les sens pour construire des infrastructures propices à la croissance. Cela correspond à la phase de développement qui s’est produite pendant les Trente Glorieuses en Europe. Concrètement, cela signifie des obligations en Chine, qui s’est engagée à être le pourvoyeur de la stabilité monétaire, ainsi que des actions dans ces régions, ce qui est nettement plus complexe, nous travaillons sur la question avec Didier Darcet. En outre, la tech américaine pourrait également réserver de grosses et bonnes surprises dans les 10 prochaines années, car les États-Unis ont de bons atouts à jouer dans ce nouveau chapitre du 21e siècle. Alors, ne soyons pas naïfs, mais gardons le moral, car si le monde devient plus incertain, il offre également de bien meilleures opportunités. Pour bien comprendre pourquoi c’est l’Union européenne qui va souffrir, je vous invite à regarder la vidéo « Alliance contre les USA ? » sur la nouvelle alliance surprise entre la Russie et l’Arabie Saoudite.

Si vous avez aimé cet article, je vous invite à découvrir l’article « G7 vs. BRICS: Basculement de pouvoir » qui explore un sujet complémentaire et passionnant.

Richard Détente