La Chine signe le plus grand accord commercial au monde !

26 novembre 2020

La Chine, en dépit de son statut de puissance mondiale au cœur de l’Asie, est pourtant très mal connue en Europe et aux USA. Les informations que nous avons en tête sont souvent datées car la situation évolue rapidement. Comme j’ai la chance d’être proche de la société Gavekal, qui fait de la recherche économique et financière depuis Hong Kong pour les grands institutionnels de ce monde, je vous propose de faire un point sur ce qu’est la Chine aujourd’hui. Ce sera l’occasion de remettre en cause quelques idées reçues.

Quelles sont les idées reçues à propos de la Chine ?

Pour beaucoup, la Chine est encore un pays en voie de développement. En gros, les Chinois ont des salaires peu élevés et leur pays est une puissance économique en raison de ses seules exportations, massives. L’un des clichés répandus consiste à faire de la Chine un pays très dépendant des autres pays qui lui achètent ses produits pas cher et de mauvaise qualité.

Alors reprenons. 

La Chine n’est plus un pays émergent mais émergé

Olivier BERRUYER avait fait sensation avec un article en septembre 2019. Certes, on parle de la Pologne, de la Lituanie, de l’Estonie et la comparaison est faite avec le salaire médian des grandes villes chinoises comme Shanghai, Pékin ou encore Shenzen qui est l’usine high-tech d’une bonne partie du monde.

Mais il faut avoir à l’esprit que la population de ces trois grosses villes représente 59 millions d’habitants. La comparaison est donc tout à fait légitime puisqu’en Pologne on est à 38 millions d’habitants. Quant à l’Estonie et à la Lituanie, on parle de 4 millions d’habitants tout au plus.

On rétorquera peut-être : « Oui mais en Chine ils sont 1,4 milliards. » Sous-entendu : s’il y a peut-être quelques centaines de millions d’habitants au niveau de la Pologne, il n’en reste pas moins un gros milliard de pauvres qui luttent pour survivre comme en Corée du Nord. C’est ainsi que beaucoup de gens se représentent la Chine.

Le salaire moyen chinois : explications

L’avantage de cet indicateur est de pouvoir obtenir, lorsqu’on le multiplie par le chiffre de la population, la totalité des salaires. En 2020, le salaire moyen en Chine s’élève à 876 € soit 10 500 € par an. Sachant que la population active compte 806 millions de personnes, cela représente une masse salariale distribuée à l’année de 8 500 milliards €. Pour rappel, le PIB de la France est de 2 400 milliards d’euros avant la crise du Covid-19 et le PIB des USA représente en gros 17 000 milliards d’euros. À ce stade nous sommes loin d’un pays pauvre. Poussons le raisonnement un peu plus loin.

Des économistes de médias grand public affirment avec aplomb que la croissance chinoise repose essentiellement sur sa capacité à vendre à l’étranger ce qu’elle fabrique. Ces personnes ont toujours en tête l’image du petit Chinois qui fabrique des t-shirts dans son atelier pour les vendre aux USA et en Europe. L’idée de fond qui reste ancrée dans les esprits est bien que la Chine, sans les USA et sans l’Europe, ne serait rien ou pas grand-chose. En quelque sorte, les Chinois parasiteraient notre pouvoir d’achat pour se construire leur propre puissance. Là aussi c’est une idée éculée.

Intuitivement, on peut le démontrer facilement. Puisque l’on sait que les Chinois actifs gagnent 8 500 milliards d’euros par an et que l’on admet que la Chine sait tout fabriquer, on peut en conclure que le marché intérieur chinois est à peu près égal à 8 500 milliards d’euros. Bien sûr certains achètent des biens à l’étranger mais globalement cette estimation ne doit pas être éloignée de la réalité. On peut d’ailleurs le vérifier.

En 2020, la part de la consommation dans le PIB en Chine est d’environ 58 % du PIB

Puisque le PIB en 2020 se chiffrera aux alentours de 12 300 milliards d’euros, alors la consommation représente 7 250 milliards d’euros. Nous retrouvons donc notre estimation de 8 500 milliards.

Mais quelle est la signification de ce chiffre ? Ces 60 % de consommation sur le PIB suffisent-ils à faire de la Chine un pays indépendant du pouvoir d’achat de l’Occident ? Le refrain entonné dans les journaux et sur les télévisions est connu : il faut que la consommation reparte pour soutenir la croissance. 

Aux USA, la part de la consommation est d’environ 67 % selon les années

L’inconvénient d’une part de consommation trop grande dans le PIB tient à ce qu’elle entraîne un déficit annuel très important. En économie, comme dans beaucoup de domaines, tout est affaire d’équilibre. Si vous consommez beaucoup et que vous ne travaillez pas assez, vous sombrez.

C’est le prix Nobel d’économie français Maurice Allais l’a théorisé avec sa fameuse règle d’or. Grosso modo, il explique que la rémunération de l’épargne, donc les taux d’intérêts, doivent permettre de trouver l’équilibre optimal entre consommation et investissement.

Une trop forte consommation se traduit par une baisse de l’investissement et, à la longue, le capital productif du pays finit par disparaître. C’est ce qui se passe en Europe et aux USA. Les délocalisations occidentales en Chine ne sont que la conséquence de notre envie démesurée de consommer.

Dans ce cas, nous voici dans une situation où nous vivons au-dessus de nos moyens. À la fin de l’histoire, ces pays, plus cigales que fourmis, finissent pauvres. C’est l’histoire de l’Occident telle qu’elle s’écrit en ce moment.

À l’inverse, des investissements très nombreux et une faible consommation risquent d’appauvrir la population et/ou d’aboutir à de mauvais placements pour satisfaire des clients étrangers qui paieront en monnaie de singe.

C’est le cas de la Chine, il y a 20 ans, qui accumulait des dollars et des bons du trésor américains en contrepartie de leurs exportations. Aujourd’hui la Chine a plus d’un millier de milliards de réserves de change, essentiellement en dollars, et elle sait pertinemment que ce gros stock de dollars et d’euros va perdre de la valeur. C’est pour cette raison qu’elle a cherché à construire sa propre demande interne.

Un yuan volontairement sous-évalué

Pendant 40 ans, les Chinois ont mis la priorité sur le travail pour accumuler des dollars et des euros. Cet argent a été poliment placé en bons du trésor américain afin de rester en bons termes avec les USA. Concernant l’Europe, l’enjeu était bien moindre dans la mesure où les Européens n’ont ni armée ni stratégie politique en matière internationale. La Chine a utilisé cette grande quantité de dollars pour maintenir son yuan bas par rapport au dollar, en attendant l’arrivée de son Yuan Digital. Le e-yuan est le nom de la monnaie numérique chinoise, également appelée e-CNY. Le projet de numérisation, enclenché en 2014, est enfin arrivé à son terme, et le gouvernement chinois veut désormais le rendre accessible au plus grand nombre.

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Il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Contrairement à une idée répandue, si le yuan est bas ce n’est pas parce que la Chine est une dictature. Dictature ou pas, sans équilibres économiques, un pays s’effondre. Il suffit de voir la Turquie en ce moment. La dictature actuellement en place n’empêche pas la livre turque de se trouver mal en point.

Voici le marché conclu entre la Chine et l’Occident

La Chine s’est engagée à fabriquer tous les biens que voulaient acheter les Occidentaux. De plus, elle a assuré qu’elle n’achèterait pas d’actifs américains dans des États occidentaux. Elle s’est également engagée à recycler ses dollars en obligations américaines afin de permettre aux Américains de lui acheter encore plus de biens.

En échange, l’Occident s’est fait fort de délocaliser ses usines et ses emplois en Chine en laissant le yuan sous-évalué par rapport au dollar. Cette politique a certes conduit à des déficits budgétaires colossaux, puisque les dépenses se sont avérées plus importantes que les recettes faites en Chine, mais, pour compenser cette situation, la Chine promettait d’acheter les dettes occidentales, et ce jusqu’à ce que le cycle de désindustrialisation prenne fin.

Dit autrement, les USA et l’Europe ont échangé les importations chinoises en échange d’une désindustrialisation programmée. Un yuan sous-évalué et des réserves de changes explosives n’ont constitué que le moyen monétaire et financier de procéder à ce transfert de richesses. Ainsi on comprend finalement que c’est la Chine qui finit riche et l’Occident pauvre. Mais pourquoi, dans ces conditions, accepter un tel marché ?

Les raisons de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis

La raison est simple. Pendant 40 ans, nous avons pu vivre au-dessus de nos moyens et ce fut très agréable. Pendant que les Chinois travaillaient 60 heures par semaine, nous chantions et dansions en achetant des cadeaux de Noël pas cher. D’ailleurs, si les USA ont été des partenaires indéfectibles de ce marché pendant 40 ans, aujourd’hui que l’heure est venue de régler l’addition, ils ne veulent pas en entendre parler. Ce pacte faustien est la cause fondamentale de la guerre commerciale entre la Chine et les USA.

C’est pour cette raison que, qui que soit le président des États Unis, cette guerre commerciale aura lieu et sera perdue par les USA, dont l’hégémonie commence à prendre fin. Tout cela s’est bien illustré pendant la pandémie qui a frappé toute la planète. C’est à ce moment que l’Occident s’est rendu compte que c’est la Chine qui détient les moyens de production. Les Occidentaux se sont battus entre eux pour avoir le droit d’acheter des masques, des médicaments et du matériel médical aux chinois. Alors, qui sont les vrais capitalistes ?

La lettre d’investissement : la Stratégie Grand Angle

Ainsi, dans la lettre d’investissement que je co-rédige avec Guillaume ROUVIER, et avec la participation de Charles GAVE, j’évoque les marqueurs de fin de crise qui viendront évidemment de la Chine, et, dans la rubrique Cultur’ Invest, j’indique un portefeuille-type à détenir pour y faire face. Bien sûr dans les numéros précédents vous saurez comment acheter des obligations chinoises puisque c’est le seul marché obligataire issu d’une puissance mondiale sur lequel il est encore intéressant d’investir.

Richard DÉTENTE