Chine : la désindustrialisation programmée de l’Occident

14 juillet 2021

La Chine, puissance mondiale au cœur de l’Asie reste pourtant très mal connue en Europe et aux États-Unis. Les informations que nous avons en tête sont souvent dépassées car la situation évolue rapidement. Pour certaines personnes, de prime abord, la Chine est encore un pays en voie développement. Pour aller encore plus loin dans ce stéréotype, les Chinois ne sont pas très bien payés et la Chine est une puissance économique, car elle exporte énormément. Ou encore, la Chine ne pourrait pas s’en sortir si nous n’achetions pas ses produits, sous-entendu, de mauvaise qualité mais bon marché. Faisons le ménage parmi ces idées reçues et voyons ce que représente vraiment la Chine aujourd’hui.

La Chine n’est plus un pays émergent, c’est un pays émergé

Alors oui, on parle de la Pologne, de la Lituanie, de l’Estonie et la comparaison est faite avec le salaire médian des grandes villes chinoises comme Shanghai, Pékin ou encore Shenzhen qui est l’usine high tech d’une bonne partie du monde. Mais n’oublions pas que la population de ces trois grosses villes représente 59 millions d’habitants. Un comparatif, donc, tout à fait légitime puisque la Pologne est habitée par 38 millions d’habitants. Et si on additionne l’Estonie et la Lituanie, on approche des 4 millions d’habitants.

Certes, mais en Chine, ils sont 1,4 milliard. Donc, d’un certain point de vu, c’est incomparable.

Le salaire moyen en Chine

Certaines choses peuvent être comparées entre l’Orient et l’Occident, comme par exemple le salaire moyen. L’avantage du salaire moyen est que, lorsque vous le multipliez par la population, vous avez la totalité des salaires.

En 2020, le salaire moyen en Chine est de 10 500 yuans par mois, soit 876 euros. Sachant que la population active chinoise est de 806 millions, cela représente une masse de salaire distribuée à l’année de 8 500 milliards d’euros. Pour rappel, le PIB de la France c’est 2 400 milliards d’euros avant le COVID, et le PIB des États-Unis tourne autour des 17 000 milliards d’euros.

Le PIB chinois

On peut avoir tendance à croire que PIB de la Chine est surtout lié au nombre conséquent d’exportations made in china. Globalement, si on suit ce raisonnement, la Chine n’est pas grand-chose sans les États-Unis et l’Europe. En quelque sorte, ils parasitent notre pouvoir d’achat pour se construire leur propre puissance.

Là aussi c’est une idée éculée. En 2020, la part de la consommation en Chine représente à peu près 58 % du PIB. Si le PIB chinois en 2020 est d’environ 12 300 milliards d’euros, la consommation représente donc 7 250 milliards d’euros.

Et qu’est-ce que cela signifie ? 60 % de consommation sur le PIB suffit pour être un pays indépendant du pouvoir d’achat de l’Occident ?

Aux USA, par exemple, la part de la consommation est d’environ 67 % selon les années :

Part de consommation dans le PIB américain (1950-2020)

Seul bémol à ce constat : une part de la consommation trop importante c’est un déficit annuel trop important.

La règle d’or en économie

En économie, comme dans beaucoup de matière, tout est affaire d’équilibre. Si vous consommez beaucoup et que vous ne travaillez pas assez, vous sombrez. C’est un prix Nobel d’économie, le Français Maurice Allais, qui a théorisé cela avec sa fameuse « règle d’or ». Il y explique notamment que la rémunération de l’épargne, c’est-à-dire les taux d’intérêts, doivent permettre de trouver l’équilibre optimum entre consommation et investissement.

Si vous consommez trop, vous n’investissez pas assez et le capital productif de votre pays finit par disparaître. C’est ce qui se passe en Europe et aux États-Unis. Les délocalisations ne sont que la conséquence de notre envie démesurée de consommer. Bilan : nous vivons au-dessus de nos moyens.

À l’inverse, si vous investissez trop et que vous ne consommez pas assez, vous êtes une fourmi invétérée, alors vous risquez d’appauvrir votre population et/ou de faire les mauvais investissements pour satisfaire des clients étrangers qui vous paieront en monnaie de singe.

C’était le cas de la Chine il y a 20 ans. Elle accumulait des dollars et des bons du trésor américains en contrepartie de leurs exportations. Aujourd’hui la Chine a plus d’un millier de milliards de réserves de change essentiellement en dollars et ils savent pertinemment que cela va mal se passer pour ce gros stock de dollar (mais également d’euros).

La stratégie de la Chine face à L’Occident

Un yuan volontairement sous-évalué

Pendant 40 ans, la Chine a fait en sorte d’accumuler des dollars et des euros pour deux raisons :

  1. raison politique : être en bon terme avec les USA et l’Europe était important pour construire leur empire. 
  2. raison financière : cette grande quantité de dollars a permis à la Chine de maintenir un yuan bas par rapport au dollar.

Si le yuan est bas, ce n’est pas parce que la Chine est une dictature. Dictature ou pas, si les équilibres économiques ne sont pas là, un pays s’effondre. La Turquie en ce moment est un bon exemple. Ils ont un dictateur au pouvoir mais la livre turque est très mal en point.

Taux de conversion livre turque-euro

Un pacte faustien Chine – Occident

Il faut comprendre l’accord tacite qui a été passé entre la Chine et l’Occident.

La Chine :

  • s’engage à fabriquer sur son territoire les produits que veulent les Occidentaux ;
  • n’achète pas d’actifs américains sur le sol de Washington ;
  • recycle des dollars en obligations américaines, cela permet d’acheter encore plus de produits chinois.

En contrepartie, l’Occident s’engage :

  • à délocaliser ses usines et emplois en Chine ;
  • à laisser le yuan sous-évalué par rapport au dollar.

La désindustrialisation programmée de l’Europe et des États-Unis

C’est cette politique occidentale qui va provoquer de gros déficits budgétaires. L’Occident dépense plus qu’il ne gagne en Chine. Mais, étant donné que la Chine rachète cette dette, l’Occident peut se le permettre jusqu’à ce que ce cycle de désindustrialisation soit fini.

Dit autrement, les USA et l’Europe ont acheté les importations chinoises en contrepartie d’une désindustrialisation programmée. Un yuan sous-évalué et des réserves de changes explosives ne sont que le moyen monétaire et financier pour procéder à ce transfert de richesse.

Si on suit ce raisonnement, la Chine finit riche et l’Occident pauvre. Mais alors pourquoi l’Occident a accepté un deal aussi mauvais ?

La raison est simple : on a vendu les bijoux de famille pendant 40 ans. Pendant 40 ans, l’Occident a vécu au-dessus de ses moyens. Pendant que les Chinois travaillaient 60 heures par semaine.

D’ailleurs, si les USA ont été des partenaires indéfectibles de ce deal pendant 40 ans, aujourd’hui, alors que l’heure est venue de donner son âme au diable en contrepartie de ces 40 années de fêtes, les USA ne veulent pas en entendre parler. Ce deal est la cause fondamentale de la guerre commerciale entre la Chine et les USA.

C’est pour cette raison que, peu importe qui est le président des États Unis, cette guerre commerciale aura lieu et devrait être perdue par les USA. Tout cela s’est bien illustré pendant la pandémie qui a frappé toute la planète. La Chine détient les moyens de production. Les Occidentaux se sont battus entre eux pour avoir le droit d’acheter des masques, des médicaments et du matériel médical aux Chinois.

Pour comprendre comment la Chine a changé son modèle économique en passant de puissance exportatrice à un pays en train de développer son marché intérieur, cliquez sur la vidéo !

Richard DÉTENTE