Doit-on avoir peur de la Russie ? Comprendre son évolution de 1989 à aujourd’hui

15 décembre 2021

« La Russie n’a jamais perdu la guerre froide, parce que la guerre froide n’est pas finie. »

VLADIMIR POUTINE

La Russie est une puissance nucléaire qui effraie, en particulier les États-Unis. Cette année, le président Vladimir Poutine s’est adressé à deux reprises aux pays occidentaux de façon menaçante. Le 21 avril, il les a mis en garde de ne pas dépasser une certaine limite dans les relations diplomatiques sous peine de représailles. Il a également proposé aux États européens d’être payés en euros plutôt qu’en dollars (une arme américaine selon lui). Alors, cet ancien empire des tsars : danger réel ou tigre de papier ?

Grandeur et décadence de la Russie au XXe siècle

Cette période de l’Histoire siècle a été marquée par la confrontation de deux nations opposées en tous points : la Russie et les États-Unis. D’un côté le modèle communiste soviétique et de l’autre le système capitaliste. L’inimitié entre les pays de l’Est et de l’Ouest a failli entraîner à plusieurs reprises un nouveau conflit mondial durant la période de la guerre froide.

Russie soviétique et Occident libéral

En effet, 1989 marque la défaite de la Russie soviétique aux niveaux idéologique, économique et politique. Le secrétaire général du Parti communiste de l’époque, Mikhaïl Gorbatchev, opte avec sagesse pour la désintégration de la nation slave fédérale. Après la chute du mur de Berlin, le modèle libéral s’est imposé au monde, permettant à une vaste population de sortir de la pauvreté. Ce constat est très marquant sur ce graphique, nommé la « courbe éléphant ».

Nom : courbe éléphant / Description : évolution du revenu mondial entre 1988 et 2008
La « courbe éléphant ». Source : Milanovic, B., économiste et chercheur à la Banque mondiale, inégalités mondiales en chiffres

La Russie après la chute du Mur

Entre 1988 et 2008, la mondialisation a été particulièrement profitable pour les pays émergents et les ultra riches. Ainsi, les classes moyennes occidentales et celles exclues du système économique n’ont pas bénéficié d’une augmentation de richesses. La Russie quant à elle a vécu une période vraiment sombre sous la présidence de Boris Eltsine.

Les conséquences de la fin de l’empire soviétique

Après son effondrement, la chute s’est accélérée pour l’empire soviétique à cause notamment de la collusion du chef de l’État avec les USA. Il est admis qu’entre 1989 et 2012, la population russe a baissé d’environ 5 %, un chiffre énorme !

Nom : courbe démographique de la Russie depuis 1920 / Description : graphique de l'évolution démographique de 1920 à 2020, exprimée en millions d'individus
Évolution démographique de la Russie en 100 ans. Source : Wikipédia

La Russie actuelle : des résultats mitigés

La situation a commencé à s’améliorer avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000. Ses dérives autocratiques sont connues, mais il jouit néanmoins d’une grande popularité car il défend ardemment les intérêts de sa nation. Aujourd’hui, la Russie a tout de même du mal à se redresser et ne parvient pas à retrouver sa puissance d’antan. Pour démontrer cela : son PIB en termes réels est d’à peine 30 % au-dessus de son niveau de 1990 (après effondrement). À titre de comparaison, celui des États-Unis a doublé durant la même période.

Nom : courbe du PIB réel de la Russie depuis la fin de l'URSS / Description : graphique représentant le PIB réel de la Russie en millions de dollars US depuis 1990
Évolution du PIB réel de la Russie depuis la chute de l’URSS. Source : FRED
Nom : courbe du PIB réel des USA depuis 1990 / Description : Description : graphique représentant le PIB réel des USA en milliards de chained dollars depuis 1990
Évolution du PIB réel des USA depuis 1990. Source : FRED

Quelle situation économique pour la Russie de Poutine ?

Malgré sa superficie, la richesse annuelle de la Russie équivaut à celle de l’Italie. Le PIB par habitant est de 11 000 dollars, ce qui signifie que le Russe moyen est six fois plus pauvre que l’Américain et trois fois plus que l’Italien.

Une nation d’envergure mais fragile

La puissance de la Russie actuelle se mesure à travers deux atouts majeurs :

  • des ressources en gaz et en pétrole abondantes ;
  • des quantités de têtes nucléaires au potentiel de nuisance certain.

Un pays en reconstruction

Cette nation intimide, mais sa marge de manœuvre est réduite. La confédération de Russie a la possibilité de rationner les approvisionnements en énergie de l’Europe, mais guère plus. Une démonstration de la force militaire russe serait très dommageable pour l’Europe de l’Ouest, mais comporterait un risque d’annihilation en retour pour la Russie. Selon nous, le pays cherche encore à se rétablir après 70 ans de dictature communiste, qui a causé de la mort de 100 millions d’individus.

Un État qui ne craint pas de faire des démonstrations de force

À partir de ce bilan catastrophique, il est plus aisé de comprendre les déclarations de son président. Poutine est un pragmatique qui utilise sa seule arme, la rhétorique guerrière pour tenir les puissances de l’Ouest à distance. Ainsi, agiter le spectre dissuasif d’une apocalypse collective fait peur et peut être efficace, mais uniquement à court terme. Dans ce contexte, la Russie se heurte toujours à la véhémence des États-Unis à son égard (pour des raisons idéologiques principalement). Mais quelle est l’utilité pour le gouvernement américain de maintenir cette animosité à l’encontre d’une nation déjà fragile ?

Résurgence des tensions Est-Ouest

L’hostilité historique entre la Russie et les États-Unis est un élément à prendre en compte. Depuis 2008, les États-Unis imposent l’extraterritorialité du dollar, c’est-à-dire qu’ils imposent le droit américain à l’étranger lorsqu’une personne physique ou morale à recours au dollar. Par conséquent, Poutine propose aux Européens de payer le gaz et le pétrole en euros, afin d’éviter les sanctions américaines. Malgré la charge symbolique et historique de cet acte de défiance, il ne faut pas enterrer le dollar pour autant. Et puis, la Russie actuelle n’occupe qu’une place minime dans la masse des échanges mondiaux en dollars. 

Selon nous, cette information confirme l’avancée du déclin des États-Unis. Car la monnaie agit comme le dernier rempart au moment de la perte d’influence d’un empire.

Investir en Russie, une bonne ou mauvaise idée ?

Les atouts économiques

Pour schématiser, cela indique une destruction de la valeur du dollar structurelle et sur le long terme. Il faut donc diversifier votre cash en un panier de devises et le minimiser, car toutes les grandes monnaies se dévalorisent avec le temps. Alors, devriez-vous investir dans ce pays de l’Est ? Il faut reconnaître que sa monnaie est bien gérée et que ses dettes sont inexistantes (si l’on dresse le bilan de ses actifs et de son passif). 

La Russie de Poutine, un espace surveillé…

Cependant, cette idée n’est des meilleures. Pourquoi ? Parce que la Russie est une petite nation en termes économiques. Investir dans ce pays équivaut à parier sur la hausse des hydrocarbures, sa principale source de revenus. Pourtant, le point positif est que les entreprises exportatrices russes paient leurs charges en roubles et vendent en dollars, euros ou yuans. Mais n’oubliez pas que les sociétés pétrolières et gazières sont étroitement contrôlées par l’État. 

L’important est de parvenir à trier les bonnes et les mauvaises informations dans l’actualité économique, car l’espace médiatique est saturé d’inepties. Faites-vous votre propre idée en étant prudent et curieux.

Richard Détente