Anthony Blinken, le 3 octobre 2022, a qualifié de « gigantesques opportunités » la destruction partielle des gazoducs Nord Stream 1 et 2. Ces deux gazoducs, qui relient la Russie à l’Europe en passant par les mers du nord du continent européen, ont été attaqués et partiellement détruits fin septembre. La thèse d’Anthony Blinken est qu’il s’agit d’une grande chance pour l’Europe de se couper de l’énergie russe, qui était un levier de pression à la disposition des Russes sur l’Europe.
Pendant que le secrétaire d’État Blinken parle d’opportunité, Bruno Le Maire s’étonne de voir arriver des factures de gaz pour des importations depuis les USA, avec une facture multipliée par 4 par rapport au prix du marché sur son territoire. Il a déclaré à l’Assemblée nationale : « Nous ne pouvons pas accepter que notre partenaire américain vende son GNL 4 fois le prix auquel il le vend à ses propres industriels. Pas question non plus que nous laissions le conflit en Ukraine se solder par une domination économique américaine et un affaiblissement européen ».
Pourtant, tout cela est déjà connu. Dès la fin août 2022, la secrétaire d’État à l’Énergie des USA, Jennifer Granholm, a envoyé une lettre aux sociétés de raffinerie de produits pétroliers américaines pour leur demander de ne pas augmenter les exportations de pétrole vers l’Europe. Mais on peut se poser la question suivante : si nous n’avons plus accès directement au gaz russe, peut-on le substituer en allant le chercher ailleurs ? Pourquoi cette crise de passion entre alliés autour de cette ressource ? La France risque-t-elle de finir dans le noir ?
Une crise prévisible depuis longtemps
Il est évident que le problème de l’approvisionnement en gaz sur le continent eurasien est un sujet de préoccupation depuis longtemps. En fait, cela fait plus de 10 ans que des experts tirent la sonnette d’alarme. Par exemple, en 2012, j’ai présenté une analyse sur ce sujet dans le cadre d’un groupe de travail sur les bâtiments et énergie positifs pour l’Opac du Rhône, un bailleur social. J’ai également partagé cette présentation avec Luc Voiturier, qui était à l’époque vice-président du Conseil Régional Rhône-Alpes.
Le problème est relativement simple : le gaz est une source d’énergie locale à l’échelle d’un continent, car il est moins dense que le pétrole et son transport coûte très cher. En 2012, les pays du Nord de l’Europe fournissaient 60% de l’approvisionnement en gaz de l’Europe, mais leur production avait atteint son pic vers 2006 et depuis 2010, elle ne cesse de diminuer. L’autre source d’approvisionnement en gaz de l’Europe est la Russie, mais sa production de gaz avait également atteint son pic à l’époque et se trouvait sur un plateau de production pour les prochaines années.
En 2012, Gazprom avait pour objectif de compenser la diminution de la production de ses grands champs gaziers avec de nouveaux champs plus modestes. Cependant, la demande en énergie étant proportionnelle à la croissance économique, je me suis posé la question à l’époque : que se passera-t-il si la demande continue d’augmenter alors que l’offre des pays du Nord diminue et que la production de gaz russe ne peut pas augmenter ?
De plus, étant donné que la Russie se trouverait dans la position de devoir choisir à qui elle doit refuser le gaz faute de pouvoir servir tout le monde, je me suis également demandé : que peut-on penser des contrats commerciaux avec la Russie ? Sera-t-il toujours possible de commercer avec eux dans le futur et si oui, à quel prix ?
Ces questions sont d’autant plus pertinentes aujourd’hui, alors que les tensions politiques et économiques entre l’Europe et la Russie s’intensifient. La récente destruction partielle des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et l’augmentation des prix du gaz américain mettent en lumière la nécessité de trouver des alternatives durables à long terme pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe.
Le remplacement de la dépendance énergétique
Les ressources en gaz naturel liquéfié (GNL) aux États-Unis sont insuffisantes pour satisfaire la demande du marché intérieur des clients réguliers et de l’Europe. Ainsi, nous avons remplacé notre dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz américain. Politiquement, les États-Unis sont perçus comme moins menaçants que la Russie, mais en termes d’énergie, le gazoduc Nord Stream était optimisé pour réduire les coûts de livraison de gaz, contrairement au transport par méthanier, qui coûte cher. Par conséquent, non seulement les ressources en gaz sont en voie de raréfaction, mais les coûts augmentent structurellement en raison du changement des moyens de transport. Nous pouvons être les meilleurs alliés des États-Unis, mais il est peu probable que ces derniers sacrifient leurs intérêts pour alléger la facture énergétique des Européens. Il est inutile de rappeler l’épisode des contrats de sous-marins militaires avec l’Australie, que les États-Unis ont récupérés sans excuses en septembre 2021. Nous avons été trompés sans que cela leur porte préjudice. Il n’est pas exclu que dans quelques années, nous découvrions que ce sont les États-Unis qui ont saboté le Nord Stream 1 et 2. L’opportunité était trop belle, car le chantage exercé par la Russie, qui coupait et rouvrait régulièrement l’approvisionnement en gaz, était une arme redoutablement efficace. En outre, il ne s’agit pas de complotisme, car le président américain Joe Biden a lui-même annoncé en février 2022 que, en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie, les États-Unis mettraient fin au projet Nord Stream 2.
La catastrophe de la destruction des gazoducs
Il est clair que les gazoducs Nord Stream sont un avantage stratégique pour la Russie, même si cela n’est pas dit explicitement. Il n’y a aucun intérêt pour la Russie de détruire ces leviers de pression. Il faut noter que la réparation des trois gazoducs touchés sur les quatre existants est hautement improbable car les travaux sont pharaoniques. Les tuyaux Nord Stream s’étendent sur des milliers de kilomètres au fond de l’eau à des profondeurs variables. Des plateformes mobiles ont déposé des tuyaux en continu au fond de l’océan presque d’un seul tenant, la conception de ces gazoducs prévoyait au minimum 50 ans de fonctionnement sans maintenance, hormis pour les attentats terroristes éventuels. Ainsi, l’eau de mer s’infiltre dans les gazoducs, détruisant l’intérieur du réseau en acier nu, ce qui rend tout ou partie du réseau littéralement mort. De plus, les différentiels de pression ajoutés à la corrosion des réseaux peuvent entraîner des ruptures à d’autres endroits du réseau, qui sont potentiellement totalement irrécupérables. Si l’on voulait reconstruire ces infrastructures à neuf, il faudrait sûrement compter de l’ordre d’une vingtaine de milliards d’euros d’investissements. Ce qui n’est pas concevable tant que les rapports diplomatiques entre l’Union européenne et la Russie ne sont pas au beau fixe, et cela ne risque pas d’arriver demain. En somme, les prix de marché du gaz en Europe vont être impactés à la hausse pour un bon moment.
L’escalade militaire en Ukraine
Sur le front de la guerre, la situation devient d’autant plus inquiétante que les États-Unis utilisent le peuple ukrainien comme un instrument de guerre contre la Russie, ce qui est une pratique courante pour eux. En effet, les États-Unis ont souvent recours à des populations locales pour mener leurs propres batailles. Ainsi, lorsque l’on voit un président ukrainien, Volodymyr Zelensky, appeler à des frappes nucléaires préventives ou lorsque l’on constate l’enthousiasme à Kiev suite au sabotage du pont de Karch, probablement perpétré par les services secrets ukrainiens en utilisant des moyens très artisanaux, on peut légitimement s’inquiéter pour la stabilité en Europe à long terme.
Contrairement aux attentats sur les gazoducs Nord Stream, cette attaque contre le pont de Kirch est plus symbolique qu’une réelle offensive militaire efficace, car elle a touché une section minime du pont. D’ailleurs, le pont a réouvert à la circulation le 8 octobre. Cependant, la Russie n’a pas du tout apprécié cette attaque symbolique et a réagi par une escalade militaire, à laquelle les Ukrainiens, soutenus par l’OTAN, ont également répondu. Dans ce contexte, Joe Biden a réaffirmé deux choses : d’abord, que la guerre menée par la Russie est illégale, et ensuite, que les États-Unis soutiennent militairement les Ukrainiens.
Il est important de souligner que les États-Unis voient tout cela d’un œil plutôt bienveillant, car cela sert leurs intérêts. En effet, grâce au conflit en Ukraine, ils peuvent amoindrir la puissance russe pour quelques dizaines de milliards de dollars, sans avoir à sacrifier de vies américaines ou à prendre des risques sur leur propre sol. Comme le dit l’adage, les nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts. Il est donc primordial de définir clairement la position géopolitique qui sert les intérêts de sa propre nation.
Les conséquences pour la France
L’Union européenne a pris la décision de se priver de l’approvisionnement énergétique provenant de la Russie, malgré le fait qu’il n’existe aucun substitut disponible en quantité et à un prix comparable. Les relations amicales entre la France et les Etats-Unis ne changeront rien à cette situation. C’est pour cela que j’ai envoyé un message d’alerte aux abonnés de la stratégie Grand Angle le 16 juillet 2022 pour les informer que la situation allait devenir plus difficile, et en réalité, cela se vérifie. Au lieu de mettre en place une économie de guerre comme Emmanuel Macron l’avait annoncé, les dirigeants français semblent abandonner, laissant les usines fermer les unes après les autres avec une grande déception. Plutôt que de se concentrer sur des mesures économiques de survie telles que le rationnement de l’énergie pour protéger nos industries électro-intensives, comme les usines d’aluminium ou les grandes exploitations agricoles, ils semblent impuissants. Bien que les petits gestes du quotidien soient utiles, la situation est simplement critique. La filière agricole est également durement touchée, avec une menace existentielle pour de nombreux producteurs, car l’énergie est nécessaire pour les outils de production tels que les tracteurs, les serres ou les engrais dont l’approvisionnement repose en grande partie sur les exportations de matières premières en provenance de Russie. Enfin, les collectivités territoriales sont également en détresse car elles risquent de voir leur facture énergétique tripler.
Que faire ?
À l’heure actuelle, l’Union européenne est confrontée à un choix crucial : soit elle doit établir des priorités dans l’utilisation de l’énergie en raison des contraintes de volume, mais aussi financer le surcoût d’acquisition de l’énergie grâce à l’endettement public, soit elle doit se résigner à exposer le tissu économique de l’Union européenne à une nouvelle phase de désindustrialisation, qui aura également des coûts élevés.
Valeur travail vs valeur marché
Le graphique ci-dessus représente l’évolution des prix de l’électricité entre juin 2019 et juin 2022. Il s’agit d’un sujet important car les prix de l’électricité sont en constante augmentation. La question que tout le monde se pose est la suivante : pourquoi les prix de l’électricité en France augmentent-ils en moyenne jusqu’à 500 euros le mégawattheure alors que la production d’électricité en France repose principalement sur le nucléaire, une source d’énergie peu coûteuse dont le coût de production est estimé entre 30 et 50 euros le mégawattheure ? Qui profite de cette augmentation des prix et comment est-ce possible ? Cette question est souvent débattue par les économistes entre la valeur travail et la valeur marché. Qu’est-ce qui définit la valeur d’un bien ? Est-ce le coût de production ou le prix que les consommateurs sont prêts à payer pour l’acquérir ? Dans un marché qui fonctionne correctement, la réponse est simple : c’est la valeur marchande, la valeur réelle des choses. Selon un principe universel, l’univers se moque de savoir si vous avez travaillé beaucoup ou peu pour produire quelque chose. La seule chose qui importe pour un acheteur est le prix qu’il est prêt à payer pour acheter ce dont il a besoin. Ce principe peut sembler injuste, mais voyons comment cela se traduit dans les cycles de prix de l’énergie pour mieux comprendre ces principes économiques concrets. Le marché a besoin de production d’électricité pour répondre à la demande.
L’offre énergétique en France
Pour produire de l’électricité, plusieurs solutions techniques sont disponibles, telles que les centrales nucléaires, les centrales à gaz, à pétrole ou au charbon. En tant qu’acheteur, je me soucie principalement du prix que je paie, peu importe la manière dont EDF, qui me fournit de l’électricité, produit un kilowatt-heure. Si le nucléaire est la source la moins chère, alors les autres formes de production d’électricité devraient être éliminées mécaniquement par le marché. Cependant, comme les capacités de production nucléaire ne suffisent pas à alimenter tout le monde toute l’année, les vendeurs d’électricité composent un mix énergétique avec toutes les formes d’énergie à leur disposition, en fonction des contraintes inhérentes à chacune d’entre elles. Par conséquent, le prix de votre électricité est en fait un mélange de toutes les énergies présentes.
Au cours des années précédentes, le prix du mégawattheure se situait entre 40 euros et 50 euros en France. Cependant, dans une période de crise où nous nous fâchons avec la Russie et où nous manquons de gaz, la demande devient supérieure à l’offre, ce qui crée un problème de volume. Il va donc falloir choisir qui n’aura pas d’électricité, car il n’y en a plus pour tout le monde. Dans ce cas, deux options s’offrent à nous : soit nous rationnons l’énergie, soit nous laissons le marché faire monter les prix pour éliminer par le pouvoir d’achat une partie de la demande. Il n’y a aucune échappatoire.
L’option « marché libre »
Si nous disposions d’un marché libre ou si nos dirigeants étaient intelligents, les prix seraient probablement beaucoup moins élevés. Les mécanismes économiques peuvent expliquer pourquoi. Une réponse de marché libre aurait conduit à une augmentation des prix pour tout le monde, mais les agents économiques qui produisent le moins de valeur ajoutée auraient été les premiers à arrêter de payer, en particulier les particuliers à faible revenu. Cela aurait été cruel, sans aucun doute, mais le marché est un mécanisme qui assure la survie du système, sans s’occuper des cas particuliers qui composent ce système. Dans cette configuration, le facteur limitant devient la rupture de l’ordre social. Des personnes mécontentes, telles que les Gilets Jaunes, pourraient menacer la stabilité du système politique, ce qui ne serait viable que pendant une période très courte dans les démocraties où le niveau de mécontentement social est plus bas que dans les régimes autoritaires.
L’option « rationnement »
La logique voudrait donc que nous optons pour une deuxième solution intelligente : instaurer des quotas d’énergie pour répartir les volumes d’énergie disponibles, sans pour autant entraîner une hausse des prix. Il est logique que les ménages consentent des efforts pour ménager l’outil productif du pays et préserver toutes les chances du pays de rebondir une fois la crise passée. L’Allemagne a été le pays qui s’est le plus rapproché de ce modèle en instaurant des mesures d’économie d’énergie, comme le billet de train illimité à 9 euros par mois. Au lieu de baisser les prix de l’essence, ils ont proposé une alternative de substitution avec le train pour réduire la consommation de pétrole des ménages. Cette mesure est une forme de rationnement, mais elle a été mise en place intelligemment. Cependant, ce n’est pas la voie que la France a choisie.
La réaction de la France
Au lieu de reconnaître le problème lié aux volumes d’énergie disponibles, la France a abordé la question des prix en subventionnant l’essence avec un bouclier tarifaire coûteux et inefficace. Personne n’a limité sa consommation d’essence, ce qui n’a fait qu’aggraver la pénurie d’essence. Ironiquement, cela a attiré les frontaliers qui venaient faire le plein en France aux frais des contribuables français, qu’ils soient Belges, Allemands ou Suisses. Cette initiative n’était donc pas une bonne idée.
Les problèmes auxquels la France doit faire face
Pour ce qui est des prix de l’électricité, il se produit la même chose. Étant donné que nous avons un problème fondamental avec les volumes, il aurait fallu prendre des mesures de rationnement pour empêcher les prix d’augmenter. Cependant, deux problèmes majeurs se posent : le premier concerne l’internationalisation du marché du gaz, avec l’utilisation des méthaniers en substitution des gazoducs russes qui ont été coupés puis détruits. Ainsi, le plus offrant n’est plus au niveau européen comme c’était le cas pour les gaz, mais plutôt au niveau mondial. Par conséquent, nous assistons de plus en plus à des scénarios dans lesquels un méthanier fait deux fois le tour du monde avant de livrer sa cargaison, car il est dévié de sa course à chaque fois que quelqu’un surenchérit sur le prix de cette dernière. Ce méthanier, qui était parti pour l’Asie, finira sa course en Angleterre, ce qui fait quelques kilomètres de plus lorsque l’on part du Golfe du Mexique. C’est un véritable problème, car l’Europe traverse une crise énergétique, alors que le monde ne l’est pas. Cependant, le marché est mondialisé.
Le deuxième problème concerne le niveau de compréhension très bas de ces questions de la part de nos dirigeants. Comme ils ne veulent pas rationner les ménages pour des raisons politiques, la France a instauré un bouclier tarifaire sur l’énergie pour les particuliers, ce qui est très naïf pour les mêmes raisons qu’avec le pétrole cet été. Comme les ménages continuent de consommer comme avant, ce sont les entreprises qui doivent surenchérir pour se partager une part plus petite des volumes d’énergie restant, et les prix s’envolent pour repérer une sélection par la valeur ajoutée des entreprises à qui on va couper le jus. Le problème, c’est que la valeur ajoutée des secteurs économiques n’est pas un indicateur de résilience pour préserver une économie. La grande majorité des industries électro-intensives ont très peu de marge de manœuvre sur leur coût de production, et pourtant, elles sont à la base de tout le tissu économique. Autrement dit, si on laisse le marché faire, les usines s’en vont et le tissu économique s’effondre par la suite par effet de choc et propagation, et cela devient très problématique.
Les crises énergétiques sont cycliques
En France, nous avons connu le massacre du fameux tarif ARENH, qui signifie l’accès régulier à l’électricité nucléaire historique. Pour bien comprendre, il convient de savoir que les crises énergétiques se produisent par cycles de 15 à 30 ans en raison de la longueur des cycles d’investissement dans l’énergie. Lorsque l’on manque d’énergie, tout le monde est prêt à payer cher, ce qui incite les entreprises du secteur énergétique à construire des infrastructures pour produire davantage. Une fois que ces raffineries et autres puits sont en production, les prix baissent car il y a plus d’offres que de demandes. Les années passent tranquillement avec des prix qui baissent, jusqu’à ce que la demande rattrape l’offre et que l’on revienne à la capacité de production maximale. Les prix explosent alors, l’économie entre en récession et c’est reparti pour un tour. C’est pourquoi vous pouvez constater que les hausses des prix du pétrole sont annonciatrices de récession. Il convient de rappeler que la croissance économique est principalement due à l’énergie transformée. Tout cela pour vous dire que les périodes de crise énergétique durant lesquelles les entreprises du secteur énergétique réalisent des superprofits – comme on dit aujourd’hui – font partie de ces cycles de très long terme et que ce sont ces superprofits qui motivent les énergéticiens à investir pour augmenter la capacité de production globale. Si vous qualifiez ces entreprises de profiteurs de guerre, c’est tout simplement ne pas comprendre de quoi on parle.
De l’impératif du développement nucléaire
À ce stade, il convient de souligner que le deuxième problème réside dans le faible niveau de compréhension des questions posées par nos dirigeants. Pour des raisons politiques, ils ne souhaitent pas rationner les ménages, ce qui a conduit la France à instaurer un bouclier tarifaire sur l’énergie pour les particuliers. Cette mesure est très malavisée pour les mêmes raisons qu’avec le pétrole l’été dernier. Étant donné que les ménages continuent de consommer de manière habituelle, les entreprises doivent surenchérir pour obtenir une part plus petite des volumes d’énergie restants. Cela entraîne une flambée des prix et une sélection par la valeur ajoutée des entreprises à qui l’on va couper le courant. Cependant, la valeur ajoutée des secteurs économiques n’est pas un indicateur de résilience permettant de préserver une économie. La grande majorité des industries électro-intensives ont très peu de marge de manœuvre sur leur coût de production et pourtant, elles constituent la base de tout le tissu économique. Autrement dit, si l’on laisse le marché faire, les usines s’en vont et le tissu économique s’effondre par la suite par effet de choc et de propagation, ce qui est très préoccupant.
Cependant, avant d’aborder la question des tarifs ARENH, il est essentiel de comprendre que les ressources naturelles en pétrole et en gaz sont désormais plafonnées en termes de capacité de production. Nous devons donc inévitablement nous tourner vers une production nucléaire pour sortir de cette impasse. Or, le secteur du nucléaire a été complètement détruit par l’État français. En d’autres termes, pourquoi ne pas taxer Total pour financer EDF et la construction nucléaire ? Cela aurait du sens. En revanche, taxer tout et n’importe quoi pour financer des éoliennes et des panneaux solaires n’a aucun sens, puisque ces deux sources d’énergie renouvelable sont dépendantes d’une énergie fossile ou nucléaire abondante et peu coûteuse. Il convient également de souligner que les filières de production de ces technologies renouvelables solaires et éoliennes, ainsi que l’équilibrage du réseau lorsqu’elles sont en fonctionnement, reposent sur la disponibilité d’une puissance de production équivalente en énergie pilotable. En somme, la question des tarifs ARENH est un sujet à part entière qu’il convient d’aborder ultérieurement.
Les tarifs ARENH
Le coût de l’énergie est élevé, mais il existe une opportunité pour EDF de gagner beaucoup d’argent en vendant son électricité sur le marché à un prix bien supérieur à son coût marginal de production de 30 euros par mégawattheure. Cela pourrait permettre à EDF d’investir dans la construction de nouvelles centrales nucléaires, malgré les difficultés liées à ce processus.
Cependant, l’Union européenne a créé un mécanisme appelé ARENH qui oblige EDF à vendre de l’électricité à 46 euros le mégawattheure à des concurrents sans réelle valeur ajoutée sur le marché. Ces derniers empochent la différence entre le prix de vente et le coût de production d’EDF. Cette réglementation européenne empêche donc EDF de tirer profit de ses avantages compétitifs et est donc néfaste pour l’entreprise.
Il est donc nécessaire de comprendre le rôle fondamental des prix qui se font à la marge plutôt qu’au coût de production pour développer une politique énergétique efficace et compétitive.
Les conditions du désastre
Nous sommes confrontés à une pénurie d’électricité qui entraîne une hausse des prix. Nous faisons face à une protection excessive du confort quotidien des ménages, qui ne doivent pas être dérangés dans leurs activités non productives. Cette situation entraîne inévitablement une destruction du tissu économique français qui ne peut pas supporter cette charge. De plus, les dirigeants européens ont organisé délibérément la fuite des profits vers des acteurs économiques inutiles, au nom d’une pseudo-concurrence sur les marchés de l’énergie, y compris l’électricité. Pourtant, tout économiste compétent sait que les secteurs d’infrastructure ne peuvent pas être soumis à une libre concurrence sur le marché, car cela ne fonctionne tout simplement pas. Il s’agit d’une réalité bien connue. Comment pouvons-nous sortir de cette impasse ?
Comment s’en sortir ?
D’un point de vue individuel et patrimonial, l’objectif principal de la lettre d’investissement que je co-rédige avec Didier Darcet est de vous inciter à déplacer votre patrimoine loin de l’euro, de l’Europe et du secteur bancaire européen. En effet, les pertes seront importantes et votre patrimoine sera affecté car vous êtes la contrepartie. Nous vous expliquons comment constituer des portefeuilles financiers dans le but de protéger votre épargne et vous conseillons également sur la façon de vous débancariser, car cela est plus que jamais critique. De plus, en cas d’événements majeurs sur les marchés que nous anticipons, nous vous enverrons une alerte par e-mail.
Du point de vue collectif, je m’efforce actuellement de promouvoir l’idée qu’il incombe à la population de lancer une pétition pour inciter l’État à procéder à des coupures effectives chez les ménages pendant les heures de pointe, afin de favoriser les industries et autres entreprises consommatrices d’énergie.
Le choix du confort ou de la résilience
Lorsque les volumes d’énergie sont insuffisants, il est nécessaire de faire un choix entre le confort des ménages et la préservation des emplois. Couper l’électricité entre 20 heures et minuit ne serait pas dramatique pour une famille, à condition de planifier et de s’adapter en conséquence. Bien que cela ne soit pas amusant, c’est largement supportable. En revanche, si nous perdons nos entreprises, cela entraînera une spirale d’appauvrissement sévère qui touchera en premier lieu les plus vulnérables. C’est pourquoi j’ai demandé à mon député de me rencontrer pour discuter de cette idée et, si possible, de la promouvoir. Si nos dirigeants n’osent pas prendre leurs responsabilités, montrons-leur que nous ne craignons rien et que nous sommes plus responsables qu’eux.
Conclusion
Il est vrai que je réside en Suisse et que cela pourrait sembler facile pour moi de prôner l’abstinence énergétique pour la France. Cependant, ce reproche ne saurait m’être adressé car j’ai d’ores et déjà pris les mesures nécessaires pour réduire considérablement la consommation de chauffage de ma famille. En effet, nous avons stocké 10 stères de bois sous notre carport dans le jardin, car la Suisse a également fait également face à des problèmes similaires. Je suis donc fermement convaincu que cette crise ne se résoudra pas d’elle-même.
Richard Détente