Depuis plus d’un an maintenant, je ne cesse de me poser cette question : sommes-nous finalement en crise inflationniste ou déflationniste ? La nature de la crise que nous traversons est plus complexe qu’elle n’y paraît. Pour beaucoup d’observateurs, la réponse est évidente. Pourtant, j’ai plutôt la sensation que nous sommes toujours sur une ligne de crête, même si l’inflation a clairement pris l’avantage ces derniers mois. D’un côté, les fermetures à répétition de pans entiers de l’économie poussent vers l’inflation, car la quantité de biens et services se raréfient, tandis que l’argent coule à flots. De l’autre côté, l’atrophie progressive du tissu économique nous pousse vers la déflation. Pour le moment, la seule chose dont je suis sûr, c’est que le système est de plus en plus sensible aux chocs, toujours plus instable. Aujourd’hui, nous parlerons du VIX, ce fameux indicateur de la peur, et de la récession déflationniste d’Irving Fischer.
La spirale déflationniste d’Irving Fischer : l’exemple des années 30
En ce moment, nous vivons une course entre la déflation qui menace l’économie occidentale et l’inflation stimulée par les banques centrales. Pour commencer, il faut comprendre comment fonctionne le cycle déflationniste d’Irving Fischer. Le principe est assez simple. Pour une raison ou pour une autre, le cycle démarre avec une économie surendettée. Si c’est le secteur privé qui est sur endetté, c’est encore mieux. À un moment, comme dans tout cycle de surchauffe de l’économie, la croissance n’est pas suffisamment au rendez-vous pour soutenir le remboursement de la dette. Donc des entreprises commencent à faire faillite.
Cela a deux conséquences. Dans un premier temps, de nombreux actifs se retrouvent à la vente car la banque vend tout ce que l’entreprise en faillite possède pour se rembourser. Les prix de ces actifs sont donc orientés à la baisse puisque l’offre augmente mais pas la demande. Dans un second temps, ce sont les banques qui se retrouvent en danger. Donc non seulement elles ne prêtent plus d’argent, et lorsqu’elles commencent à faire faillite, elles entraînent les déposants avec elles. À ce stade, la spirale déflationniste devient inarrêtable.
Pour récapituler, lorsque la croissance ne permet plus de supporter le coût des dettes, les entreprises font faillite en masse, ce qui entraîne la faillite du secteur bancaire puis des épargnants. Au final, tout le monde vend tout ce qu’il a sous la main, jusqu’à ce que l’économie se soit purgée des dettes qui correspondent à ce que j’appelle des fausses valeurs.
Ça, c’était le scénario des années 30, et il a fait très mal. Sauf qu’à l’époque, les banques centrales étaient à la ramasse. Elles n’ont pas compris ce qui se passait et la misère s’est abattue sur le monde. C’est en souvenir de cette période douloureuse que tous les politiques et économistes poussent des cris d’orfraie lorsque la déflation pointe le bout de son nez.
Mais alors, que se passe t-il aujourd’hui quand les banques centrales comprennent très bien ce qui se passe ?
L’alternance de cycles inflationnistes et déflationnistes de 2007 à 2008
Reprenons le cycle de Fischer. La croissance ralentit au point que les dettes ne sont plus supportables. Nous avons clairement passé cette étape en 2008. Pour éviter trop de faillites d’entreprises, les États ont sauvé les banques en leur donnant tout ce qu’elles désiraient. Le mécanisme décrit par Fischer ne s’est donc pas enclenché. Par conséquent, la crise s’est déroulée dans une période inflationniste, car les banques centrales ont assuré le service.
Je peux le montrer grâce à Neystor, ma plateforme d’assistance à la gestion libre en ligne. Regardez, sur le graphique ci-dessous, vous voyez la situation des États-Unis entre 2007 et 2012 en fonction de l’inflation et de la croissance. En vert clair : la récession déflationniste, en rouge : la récession inflationniste :
Ci-dessous, vous voyez qu’entre 2007 et 2008, la lutte a été dure pour trancher sur la nature inflationniste ou déflationniste de la récession :
Le krach financier entraînait la déflation, mais les banques centrales ont allumé tous les contre-feux pour booster l’inflation. Et cela à magnifiquement bien marché, puisque la crise s’est stabilisée dans l’inflation, pour ensuite repartir sur un cycle de croissance. C’est de la croissance achetée, mais de la croissance quand même si vous aviez des actions à l’époque. Ce scénario s’est reproduit durant la crise de 2012, et bien sûr, en mars 2020.
Quelles en sont les conséquences ?
La prolifération des entreprises zombies
On observe ces dernières années une fragilisation de l’économie, à travers la hausse du nombre d’entreprises zombies. Cela provoque, une fragilisation des marchés qui sont de plus en plus sensibles aux chocs et à la volatilité. Les entreprises zombies sont celles qui paient plus d’intérêts sur la dette qu’elles ne font de bénéfices. En Europe leur nombre est grandissant. Cela concerne 20 % à 50 % des entreprises, une fois que l’on retire les aides gouvernementales pour les mesures anti-Covid.
Au sujet de la fragilité des marchés, regardez le graphique suivant qui vous montre la corrélation entre la hausse du VIX et le principal marché américain, le SP500. En bleu vous avez le VIX et en rouge le SP500 :
Ne faites pas attention aux échelles, j’ai bricolé pour afficher les 2 courbes en même temps. En gros, lorsque le VIX passe au dessus 25, ce n’est pas bon, et au dessus de 30 c’est encore pire.
Qu’est-ce que l’index VIX ?
Plus communément, on l’appelle l’indice de la peur. C’est la volatilité sur les marchés. Plus les marchés sont fragiles et susceptibles de kracher, plus l’impact de la moindre nouvelle économique ou politique est fort. Par exemple, lorsque la FED a annoncé qu’elle réfléchissait à éventuellement augmenter ses taux d’intérêts dans 2 ans, ce qui en soit n’est pas une annonce extraordinaire, eh bien le VIX a bondi ponctuellement au-dessus de 20. Les marchés sont fébriles.
Sur ce graphique, vous pouvez voir que toute augmentation du VIX engendre une baisse des marchés actions :
Maintenant que nous avons posé le décor, modélisons très simplement la course qui se passe entre deux scenarii possibles.
Alors, crise inflationniste ou crise déflationniste ?
Crise déflationniste selon le modèle d’Irvin Fischer
Prenons 2 courbes. La première représente la quantité de monnaie et la seconde représente la quantité de biens et de services. Ce que nous allons regarder ce n’est pas le niveau de ces 2 courbes mais l’évolution du rapport entre elles. Si l’écart augmente, on est en inflation. Si l’écart diminue, on est en déflation. Ce ne sont pas les niveaux qui sont importants, mais l’évolution du rapport. L’inflation ou la déflation est une dynamique.
Bien, commençons à 100 en 2008, pour faire simple.
La crise des subprimes fait plonger la courbe rouge – soit la quantité de monnaie – car les banques font faillite. Elles ne prêtent plus et menacent d’entraîner l’économie dans une crise déflationniste de type Fischer. Hop -10 % sur la courbe rouge, on passe de 100 à 90. Du coup, l’écart entre la courbe rouge et la courbe bleue augmente. Nous sommes en dynamique déflationniste car la quantité de monnaie se contracte par rapport à la quantité de biens et services.
La suite logique d’une récession déflationniste de type Fischer, c’est que la courbe bleu commence à chuter également, mais dans le même temps la courbe rouge chute plus vite. Allez, la courbe bleue perd 5 %, passe à 95, et menace d’augmenter la contraction monétaire à cause d’une cascade de faillites d’entreprises à venir.
Crise inflationniste suite à l’intervention des banques centrales
Comme la courbe rouge est en avance sur la bleu, le cycle déflationniste continue jusqu’à la purge du système. Mais voilà, les banques centrales ont agi et injecté beaucoup d’argent. Donc la courbe rouge est remontée au cric, à grand coup d’impression monétaire. La FED et la BCE font remonter la courbe rouge à 110, en faisant exploser les bilans des banques centrales. Bim ! Le rapport entre la monnaie comparé aux biens et services à la vente repart à la hausse. Pour autant, comme les entreprises ne sont pas plus performantes qu’avant, ceux qui bénéficient de cet argent investissent dans les marchés actions et l’immobilier, ce qui envoie ces deux marchés dans l’espace avec des émoticônes fusée tout partout !
Les cycles inflationnistes et déflationnistes s’alternent, mais l’économie s’affaiblit à l’issue de chaque cycle, puisque tout cela n’est qu’artifice monétaire.
Ensuite, en 2012, la crise de l’euro rejoue le même scénario, mais sur le plan de la dette des États. Bref, disons que la courbe bleu passe à 90 et que la rouge passe à 120. Les étapes sont les mêmes : risques déflationniste puis passage en mode inflationniste après impression monétaire massive des banques centrales.
L’écart se creuse en même temps que l’économie se zombifie et que les bulles immobilières et actions continuent de grossir. Depuis ce moment, on assiste au plus gros bull run de tous les temps sur le SP500. Jusqu’en 2020, c’est la fête à la K’Fete :
Inflation à l’échelle mondiale suite à la pandémie de Covid-19
Vient maintenant la crise des mesures anti-Covid. Là, la courbe bleu de l’économie passe à 80. De nombreuses entreprises sont forcées de fermer par décision administrative. La déflation repointe le bout de son nez, plus forte que jamais. Mais… voilà les banques centrales de nouveau à la manœuvre pour les plus grosses injections jamais vues dans l’histoire de l’humanité.
Les banques centrales provoquent une inflation en mode + + :
La FED multiplie son bilan par 2 grosso modo.
Et voilà comment transformer une crise déflationniste en crise inflationniste. Sauf qu’aujourd’hui, l’inflation est mondialisée :
Par contre, le pétrole s’envole et c’est peut-être l’énergie et les matières premières qui siffleront la fin de la partie.
Comment mettre un terme à tout cela ?
Stopper un cycle inflationniste : mode d’emploi
Eh bien soit le système rentre en déflation, car les entreprises qui devaient faire faillite, finissent par faire faillite, et nous revivons ce qui s’est passé dans les années 30. Soit les banques centrales continuent d’inonder le monde d’argent tant qu’elles le peuvent, ce qui provoque une inflation du tonnerre de Dieu. Au bout du compte, quand plus personne ne voudra de la monnaie d’imprimerie, la déflation prendra place pour liquider les fausses valeurs. Les vieilles monnaies sans valeurs seront toujours en pleine inflation mais plus personne n’en voudra. Au Zimbabwe, ils ont des billets en milliards, mais exprimée en vraie monnaie… la déflation a lieu.
Vous ne me croyez pas ? Pourtant cela a déjà commencé.
Regardez les prix de l’immobilier exprimé en or :
La déflation est là depuis 1971.
C’est aussi la tendance sur les marchés actions exprimés en or :
Depuis 2000, la tendance est à la baisse.
La lettre d’investissement : la Stratégie Grand Angle
C’est pour cela que dans ma lettre d’investissement, que je corédige avec Didier DARCET et Guillaume ROUVIER, nous vous donnons des stratégies pour fuir l’euro et le dollar qui sont au cœur de cette spirale de destruction de la valeur. Nous vous donnons une stratégie pour ré-articuler votre portefeuille financier autour d’actifs qui ont des chances de s’en sortir et de progresser.
La bonne nouvelle c’est qu’il y a des actifs qui nous permettront de nous en sortir. La mauvaise c’est que votre épargne en euros va voir sa valeur diminuer avec le temps. Ce sont les premiers qui s’en sortiront le mieux car ils verront leur épargne s’apprécier grâce à la déflation en or, en immobilier, peut-être en bitcoin, etc… Pour ce qui est des retardataires, ils perdront une partie de leur épargne sous la forme d’une inflation galopante en euros. Voilà, il ne faut donc pas penser en terme d’inflation ou de déflation de façon générale, mais bien par classe d’actifs.
Richard DÉTENTE