L’inflation est de retour, la FED est résolue à la laisser filer

11 janvier 2022

La déclaration de Jay Powell du 23 juin 2021 marque un tournant décisif : désormais l’inflation est de retour et est là pour durer. C’est le premier risque pour les marchés financiers et la croissance à l’échelle de quelques mois. La FED le sait très bien, et pourtant son gouverneur Jay Powell semble nier l’évidence. Un premier pas important à été franchi dans la crise que nous vivons lorsque les banques centrales ont fait céder les digues entre le financement des États et l’impression monétaire. Peut-être sommes-nous en train de passer un nouveau cap dans cette crise. Nous nous rendons compte que l’inflation est obligatoirement ravageuse pour l’économie et que les marchés financiers restent notre dernière option pour s’en sortir le moins mal possible. Mais de quelle inflation parle t-on et est-ce qu’elle pourrait être un remède, ou tout du moins, une potion amère que nous serions contraints d’avaler ?

Laisser filer l’inflation pour réduire la dette publique : un jeu dangereux

Tout d’abord, gardons bien à l’esprit que les États-Unis, comme une bonne partie des pays européens, sont condamnés à constater leur appauvrissement réel à un moment ou à un autre. L’accumulation de déficits annuels depuis près de 50 ans ne peut pas rester éternellement sans conséquences.

Sur ce graphique des déficits américains, ce que vous voyez entre la courbe qui plonge et le trait épais à 0, c’est tout simplement l’écart entre la réalité et notre train de vie :

Ces déficits ont engendré une dette abyssale. Gardez à l’esprit que l’on peut échapper au remboursement d’une dette extérieure, mais qu’elle est toujours payée d’une façon ou d’une autre. Toutes les méthodes pour payer une dette sur laquelle on fait défaut ont des inconvénients majeurs, qui vont de l’appauvrissement de la population à une guerre dans le pire des cas.

L’inflation est un moyen de payer une dette sans la rembourser réellement, car elle nécessite de sacrifier la monnaie. Or, la monnaie est le réservoir de confiance ultime dans l’économie d’un pays. Les travaux de Ray Dalio ont d’ailleurs montré que lorsqu’un empire est en déclin, l’effondrement de la monnaie est l’étape qui précède la chute finale. L’inflation efface donc la dette en effaçant l’épargne. Comme le disait John Meynard Keynes, c’est l’euthanasie du rentier. Attention car les retraités sont, économiquement parlant, des rentiers.

L’inflation permet aux entreprises productives qui sont capables de monter leurs prix de survivre, tandis qu’elle va tuer les entreprises avec une compétitivité faible. Le seul grand avantage de l’inflation revient aux politiciens qui peuvent lever les mains au ciel en invoquant la fatalité car l’inflation n’est décrétée par personne.

L’impact sur l’économie de la baisse des taux d’intérêts des banques centrales

L’inflation de notre époque provient d’un grand nombre de matières premières. Pourtant, tout cela est très curieux. Si des pénuries de pétrole peuvent arriver, pourquoi est-ce que les États-Unis manquent de planches de bois alors que le Canada voisin ne manque certainement pas d’arbres ? Une des réponses est la suivante : l’arrêt de l’économie lors de la crise du Covid-19 a fait plonger les stocks des entreprises à leur plus bas niveau depuis longtemps. Or, avec la réouverture de l’économie, c’est presque la totalité du monde qui a besoin de se refaire. De plus, les grandes quantités d’argent injectées à échelle internationale font qu’il y a assez de monnaie pour acheter bien plus de choses que le monde n’en dispose aujourd’hui.

Mais alors me direz vous, ce n’est que temporaire ? C’est exactement ce que dit Jay Powell. Pas d’inquiétude à avoir car tout cela est lié à la reprise de l’économie. Oui sauf que… l’inflation est un phénomène contrôlable par les taux d’intérêts. Pour éviter qu’elle ne se propage, il faut raréfier la quantité d’argent en circulation et pour cela, monter les taux d’intérêt est la solution la plus efficace. Le principe est simple : comme l’argent-dette dont nous disposons est issu de la quantité de prêts créés dans l’économie, lorsque l’on monte les taux d’intérêts, il y a moins de prêts en circulation, donc la masse monétaire diminue.

Le premier problème, c’est qu’en économie, les taux d’intérêts ne servent pas à réguler l’inflation mais à optimiser l’allocation du capital. Par conséquent, lorsque l’on touche aux taux, on dérègle l’économie. Le deuxième problème, c’est que la dette abyssale des pays occidentaux interdit une remontée des taux trop forte car cela pousserait les États à faire encore plus de dettes pour payer des taux d’intérêts astronomiques. En bout de course, si vous montez les taux d’intérêts, cela revient à déprécier le dollar ou l’euro au point de faire baisser le taux de change. Ceci est très embêtant car, par la même occasion, vous mettez en péril votre balance commerciale. Bref, le problème quand on touche aux boutons de réglage de l’économie c’est que l’on augmente nos chances de faire dérailler la machine toute entière.

Le retour de l’inflation est le pire cauchemar des marchés financiers

Au delà des péripéties de nos politiciens qui se contentent de gérer le déclin, qu’en est-il de cette histoire d’inflation ? Eh bien c’est tout à fait préoccupant car c’est la principale menace qui pèse sur les marchés et l’économie aujourd’hui.

Selon nos modèles avec Didier DARCET, c’est officiel, la tendance à l’inflation s’est globalement propagée dans la majorité des pays du monde :

C’est une mauvaise nouvelle, car lorsqu’une dynamique inflationniste durable prend le dessus, le potentiel de hausse des marchés devient limité. Dit autrement, l’inflation dévore l’avenir. Donc à partir du moment où la FED renonce à monter ses taux d’intérêts pour contrer l’inflation, elle envoit le message suivant : puisque la dette est trop importante et que notre tissu économique est trop fragile à cause d’injections monétaires paroxysmiques depuis 10 ans, nous refusons d’imposer une contrainte monétaire qui pousserait le tissu économique à prendre toute la mesure de la rareté des matières premières aujourd’hui. Du moins c’est comme ça que je le comprends.

Quel est le problème de cette position ? J’en vois deux principaux :

  1. Une banque centrale ne peut pas imprimer de matières premières. Ainsi tôt ou tard, l’ajustement par l’inflation va se produire. C’est ce que nous sommes en train de vivre.
  2. Renoncer à constater la rareté d’un ou plusieurs biens, en laissant son prix ajuster sa demande, permet aux entreprises les moins biens gérées d’avoir accès à ces ressources et cela augmente le gaspillage.

C’est un gros problème, car l’emploi de matières premières dans l’économie a des conséquences en termes de disponibilité de la ressource, mais aussi en termes de pollution. Tout comme dans un match sportif, si l’arbitre truque les règles, vous pouvez faire illusion à court terme, mais à long terme vous attaquez la crédibilité et l’efficacité du système.

La lettre d’investissement : La stratégie Grand Angle

C’est pour cela que dans la lettre d’investissement que je corédige avec Guillaume ROUVIER, Didier DARCET nous parle des impacts de cette inflation en gestation sur notre portefeuille financier. Néanmoins, je sais que certains appellent l’inflation de leurs vœux car la destruction monétaire à ceci de fascinant qu’elle permet une sorte de remise à zéro de certains problèmes que la politique n’a pas su régler, comme la retraite ou la dette. Certains espèrent même, peut-être à juste titre, qu’ils verront leur endettement effacé par une hausse des prix et des salaires qui leur permettra de s’enrichir aux dépens du banquier qui sera remboursé en monnaie de singe. C’est vrai, ça peut marcher.

Le problème c’est que traiter les problèmes sans s’y confronter honnêtement via un débat ou une décision politiques créent d’énormes tensions dans la société qui peuvent ressurgir de façon brutale. Dit autrement, laisser filer l’inflation est une solution de lâche qui permet de ne pas aborder les sujets qui fâchent. À ce stade, on peut se demander si nos problèmes d’Occidentaux viennent simplement de la dette, qui est un constat comptable, ou alors d’un manque de remise en question en profondeur de notre modèle social. Les politiques qui rêvent d’inflation sont en quelques sortes comparables aux élèves qui espèrent tomber malade pour échapper à l’interro du lendemain. Faire face à ses problèmes c’est une des dimensions qui incombent à l’adulte responsable. À titre personnel je suis déçu par cette attitude de fuite en avant.

En attendant, en tant que particulier, tout cela nous échappe largement. Notre sujet à titre individuel c’est bien l’adaptation dans ce cadre qui nous tombe dessus sans pouvoir rien y faire. Donc, pour votre portefeuille financier, il faut être conscient de cette situation et adapter votre portefeuille en conséquence, sans jugement moral. Comme le dit l’adage : content ou pas content, ce sera la même chose. Alors restez pragmatique sur le contexte mondial et concentrez vos efforts là où vous avez un impact réel pour changer votre vie et celle de votre entourage.

Cliquez sur cette interview de Didier DARCET pour en savoir plus sur les risques de l’inflation et sur la potentielle démondialisation à venir :

Richard DÉTENTE

Sources :