La Chine n’est pas une démocratie. Qu’on soit pour ou contre cette manière de gérer un pays, un fait est certain avec ce régime politique : une planification stratégique long terme peut se faire. Si nos gouvernants sont obsédés par la prochaine élection, ce n’est pas le cas des dirigeants chinois. Prenons une idée fausse qui circule encore très largement : la Chine doit atteindre 6 % à 7 % de croissance par an pour s’assurer que la hausse du niveau de vie de sa population suffise à faire accepter la nature du régime communiste. Cette idée, bien ancrée, est issue de nul autre que Xi Jinping lui-même. Il a notamment expliqué ce constat en 2015.
Une croissance de 6,5 % par an pour soutenir l’exode rural chinois
Ce que certains considèrent encore comme une découverte de l’agenda secret chinois n’est qu’une information publique qui eut court entre 2002 et 2020. Aujourd’hui, la donne est différente. La migration des populations des campagnes vers les villes – colossale jusqu’à aujourd’hui – est terminée. Chaque année, environ 20 millions de personnes quittaient les campagnes pour s’installer en ville. Sur 20 ans, la Chine a déplacé 500 millions de personnes. À titre de comparaison, cela représente presque 2 fois la population des États-Unis.
Cette migration interne nécessitait effectivement une croissance du PIB de 6,5 % par an afin de pouvoir subvenir aux besoins de cette masse incroyable. Les performances de croissance de la Chine s’expliquent aussi beaucoup grâce à cette migration. L’augmentation de la population est souvent en lien avec l’augmentation de la production. Il y a 20 millions de travailleurs en plus chaque année, donc forcément la production a tendance à augmenter, surtout si les infrastructures sont présentes. C’était ça le challenge de la Chine des 20 dernières années. Arriver à faire suivre l’investissement dans les infrastructures du pays pour accueillir cet exode rural.
Maintenant que les mouvements de population entre la campagne et la ville sont essentiellement terminés, il est logique que la croissance prenne un rythme de croisière plus bas. C’est dans ce contexte que nous arrivons en 2020. L’objectif de long terme est profondément différent. Maintenant que de nombreuses infrastructures sont en place et que les usines sont installées, la production chinoise peut monter en gamme.
Ces 30 dernières années, la Chine était vue comme une puissance économique dans les technologies du passé. Dit autrement, la Chine copiait et fabriquait les technologies occidentales. Ce deal, qui a duré plusieurs décennies, a mené à la désindustrialisation de l’Occident au profit de l’Asie. En contrepartie d’une vie de cigale pour les Occidentaux.
L’objectif à long terme de la Chine : devenir une puissance innovante
La guerre commerciale Chine-US des semi-conducteurs
C’est logiquement à ce moment-là que les États-Unis disent stop. Ce fut par exemple le cas avec le domaine des semi-conducteurs. Ce domaine est au centre des restrictions commerciales des USA envers la Chine. Les USA ne veulent plus honorer leur pacte faustien avec la Chine maintenant que le Diable vient chercher les âmes qu’on lui a promis. La guerre commerciale fait alors rage et cela continuera quel que soit l’administration au pouvoir. Démocrate ou Républicain, peu importe, c’est une question de survie de l’empire US.
Et pourtant, la grande Histoire suit son cours. Aujourd’hui la Chine produit plus de smartphones que n’importe quel autre pays :
Quant à Taïwan, avec l’entreprise TSMC, le pays devient leader dans la fabrication de semi-conducteurs de très haute qualité. Le géant occidental, Intel, se retrouve sur le carreau.
Évidemment, retrouver Taïwan au cœur d’une haute technologie clef ne va pas apaiser les tensions diplomatiques et militaires entre les États-Unis et la Chine. Il est finalement assez logique que Trump ait concentré cette guerre commerciale USA-Chine sur la high-tech. En rentrant dans un conflit très dur sur les semi-conducteurs d’une part, et en interdisant le système Android de Google pour les smartphones Huawei d’autre part. La technologie est le nerf de la guerre.
D’ailleurs, l’impact sur Huawei est tout à fait réel :
En réaction à cela, la Chine poursuit d’autant plus rapidement l’expansion de sa capacité de production de semi-conducteurs :
Selon l’agenda chinois, le plan appelé China 2025 a pour objectif de mettre à niveau l’industrie chinoise sur les technologies d’avenir par rapport à l’Occident.
Le parti communiste chinois a également fixé un autre horizon à 2035. L’objectif est le suivant : dépasser l’Occident et devenir une puissance innovatrice. Le but est notamment de supprimer 40 % à 80 % des importations de hautes technologies dont la Chine est dépendante, essentiellement sur les secteurs des semi-conducteurs, des véhicules du futur et des énergies renouvelables.
À ce stade, nous ne sommes pas encore en capacité de dire si la Chine y parviendra ou non. En revanche, tous les marchés actions semblent y croire lorsque l’on regarde les sources de financements des entreprises qui doivent produire ces innovations :
Le financement par les marchés pèse à peu près la même chose en 2020 que l’investissement par la dette.
Le principe de double circulation
Enfin, depuis la crise du covid, la Chine vise ce qu’elle appelle « la double circulation ». Concept qui consiste à minimiser sa dépendance aux technologies étrangères et notamment US. Cette dépendance vis à vis du high-tech étranger est la principale cause de la chute du PIB Chinois au printemps 2020. Ce terme de « double circulation » fait référence à la consolidation d’une demande intérieure suffisante sur tous les secteurs de production pour satisfaire la demande chinoise, tout en continuant à échanger avec le monde. La Chine cherche à être suffisamment solide pour faire du commerce international, sans toutefois s’exposer à des dépendances trop fortes et potentiellement préjudiciables à son économie.
Par ailleurs, conserver les investissements étrangers en Chine permet au pays de stimuler l’innovation dans son économie. Grâce à cela, ils ont eu la technologie de nos avions de ligne ou de nos trains à grande vitesse.
La stratégie à long terme de la Chine
Les achats massifs d’or par la Chine, la mise en place de la cotation en yuan du pétrole, la mise en place d’un équivalent du FMI asiatique ou encore d’un marché de cotation de l’or ne sont que des étapes prévisibles et annoncées des grands plans de la Chine pour asseoir sa stratégie à long terme.
La Chine est doucement en train de créer un concurrent au dollar. Le yuan est réévalué progressivement et va bénéficier d’une couverture en or.
Le pays de Xi Jinping va poursuivre ses achats d’actifs à l’étranger afin d’asseoir sa puissance. C’est aussi une des raisons pour laquelle la Chine possède des participations dans tous les ports sur la route de Shanghai à San Francisco en passant par l’Europe.
En conclusion, il ne faut pas oublier que la Chine dans l’Histoire du monde, c’est environ 20 % du PIB et que les 19e et 20e siècles sont une phase de dépression pour la Chine qui a pris fin au 21e siècle. Si le 20e siècle a été celui de l’hégémonie américaine, on se dirige doucement vers un 21e aux couleurs de la Chine.
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Richard Détente