La défaite américaine en Afghanistan accélère la dédollarisation du monde

24 avril 2022

Dans un article sur l’Institut des libertés, Charles GAVE revient sur les conséquences du retrait des États-Unis de l’Afghanistan. Car les conséquences sur le dollar et la suprématie des USA sont potentiellement très grandes. Je reprends ici l’essence de cet article de Charles et nous verrons ensuite quelles dispositions prendre pour nos portefeuilles financiers. Notre monde change et il va falloir rester très adaptable.

L’Afghanistan : le cimetière des empires

Au-delà du drame humain du retour des Talibans à Kaboul pour les Afghans, cette situation est un domino important qui vient de tomber dans la géopolitique du monde.

Pour rappel, l’Afghanistan est une zone clef, une porte entre le Moyen-Orient et l’Asie. Ce n’est pas pour rien que tant d’empires se sont enferrés dans cette région. On se souviendra que l’Afghanistan est aussi appelé le cimetière des empires, tant ils sont nombreux à s’y être cassé les dents.

L’Afghanistan était tenu par les États-Unis depuis 2001, suite aux attentats meurtriers contre le World Trade Center. La thèse des USA était la suivante : il faut lutter contre le terrorisme et l’Afghanistan est une plaque tournante du terrorisme mondial.

États-Unis : l’ancien gendarme du Moyen-Orient grâce à la base de Bagram

Les Américains n’ont eu de cesse d’envahir à répétition des pays de la région. Afghanistan, Irak et Syrie. À chaque fois, la première offensive fut gagnée quasi instantanément contre les forces autochtones. Mais rapidement, la superpuissance s’enlise dans ces régions et finit par perdre la guerre après de lourdes dévastations de ces pays. C’est le même schéma qui s’est produit au Vietnam ou encore en Lybie. Depuis 1946, les USA n’ont plus gagné de guerre à l’étranger.

Ce recul de la dissuasion militaire des USA est d’autant plus marqué depuis que les Russes se sont dotés de missiles hypersoniques capables d’infliger de lourds dommages à toute la flotte américaine.

De son côté, la puissance militaire chinoise ne fait que rattraper son retard à grande vitesse.

En Afghanistan, l’enjeu était la plus grande base militaire aérienne des États-Unis dans la région, la base de Bagram :

Avec un rayon d’action d’environ 2 000 km, elle servait à couvrir tout le Moyen-Orient jusqu’à la Russie et jusqu’au Tibet.

Cette base militaire donnait le contrôle de l’espace aérien sur toutes les voies terrestre du commerce entre la Chine, la Russe et l’Europe.

La base de Bagram était couplée avec de nombreuses bases navales au Moyen-Orient près de Bahreïn :

Les USA contrôlaient à la fois la terre et les mers. Avec cet arsenal militaire, l’Amérique s’était auto-attribué le rôle de gendarme dans cette région.

De plus, la base de Bagram servait également à assurer une présence aérienne au-dessus de la région iranienne, riches en pétrole et en gaz.

Tout cela pour dire qu’avec le retrait des USA de l’Afghanistan, c’est une bonne partie de la région dans son ensemble qui change de nature.

La Chine, les pays du Moyen-Orient et la Russie retrouvent donc une part de souveraineté dans cette zone, ce qui va sans aucun doute engendrer des changements profonds dans la géopolitique du monde.

Le retrait des troupes américaines en Afghanistan est symptomatique du déclin de la puissance militaire US

Amorcé par Donald Trump, Joe Biden poursuit le repli des troupes américaines. C’est un des grands axiomes que je développe dans ma lettre d’investissement depuis février 2019. Les USA réduisent progressivement leur hégémonie, car leurs finances et l’écart de puissance militaire entre eux et le reste du monde n’est plus assez grand pour être omniprésent. Les USA doivent à présent choisir leurs combats.

Ensuite, d’un point de vue financier, il y a 2 grands problèmes qui sont les conséquences de ce retrait.

Premièrement, si les pays du Moyen-Orient et les pays de la Chine étendue paient leur énergie en dollar, c’est pour profiter de la stabilité du dollar, même sous la contrainte militaire tacite des USA. Puisque le dollar est une monnaie de moins en moins stable, avec des déficits commerciaux abyssaux qui ne cessent de l’affaiblir, la Chine et la Russie devraient continuer de dédollariser la zone au profit du yuan, du rouble et de l’euro. C’est logique puisque c’est un objectif tout à fait connu de ces puissances de l’Est.

Deuxièmement, les USA se sont lancés dans une transition énergétique sur leur propre continent. Une baisse du cours du dollar est à attendre dès lors qu’une énorme quantité de pétrodollars mobilisée pour le commerce de l’énergie dans la région va se retrouver sur le marché américain. Les perspectives pour le yuan chinois sont donc fondamentalement positives.

La situation économique de l’UE

En ce qui concerne l’Europe, l’euro sera probablement utilisé au profit du dollar dans les échanges avec la Russie, ce qui serait positif pour l’euro mais en même temps, l’approvisionnement énergétique européen sera dans les mains de Vladimir Poutine. Si tel est le cas, la Russie aura un droit de seigneuriage sur l’économie européenne. Qui fixe le prix et les quantités de l’énergie fixe également un plafond à la croissance économique.

Si on ajoute les problèmes de cohésion politique de l’UE, comme je ne suis pas non plus un enthousiaste forcené de l’euro, je persiste à dire que ces deux monnaies sont vouées à baisser ensemble, même si les raisons sont différentes.

Plus que jamais, il est important que vous vous posiez la question de la monnaie dans laquelle vous vivez et de la monnaie dans laquelle vous avez votre cash.


C’est pour cela que dans ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET, je vous propose une solution pour faire travailler votre cash à environ 10 %. Ce n’est pas sans risque, mais vu la configuration sur les marchés, c’est une option à considérer fortement. Je vous parle également des qualité du yen, en tant que monnaie antifragile, et alternative au dollar et à l’euro en période de crise.

Comment la Chine et la Russie avancent-elles leurs pions sur ce nouvel échiquier ?

Question difficile tant les prédictions qui concernent l’avenir sont périlleuses. Pour autant, si on essaie de prendre de la hauteur, la Chine étendue, et la Russie avec sa zone d’influence, disposent toutes les deux de nombreuses ressources énergétiques et de matières premières.

À l’inverse de l’Occident, la Chine et la Russie émergent d’un cycle très dur pour leur population et leurs dirigeants. La Russie a toujours en tête l’état de pauvreté et de misère dont elle est sortie après l’effondrement de l’URSS en 1989. Quant à la fin du maoïsme en Chine, il date de 1978.

Ce que je veux dire c’est qu’au-delà des régimes politiques en place, c’est bien la configuration mentale des hommes qui prime. Poutine est un ancien membre du KGB et Xi Jingping a vécu les conséquences de la révolution culturelle dans sa propre famille. On est loin de personnalités comme Joe Biden ou Emmanuel Macron qui n’ont connu que la richesse et le confort depuis leur naissance.

Les traces des guerres mondiales en Occident ont disparu du cœur des Occidentaux. Nous en gardons un souvenir documenté par des reportages et des films, mais ce n’est simplement pas comparable aux stigmates issus de la violence vécue.

Les temps faciles engendrent des hommes faibles, et les hommes faibles engendrent des temps difficiles qui engendrent des hommes forts.

Une dédollarisation progressive du monde

Quelles que soient les contraintes énergétiques ou géopolitiques auxquelles nous faisons face, je pense que les peuples les plus résolus à travailler durement sont ceux qui bénéficieront des meilleures perspectives.

Le corollaire de cette situation de rééquilibrage des forces, c’est un monde logiquement plus instable. L’ordre imposé par le dollar est voué à laisser place à plus de chaos. L’épargne qui était globalement libellée en dollar dans le monde va avoir plusieurs possibilités pour s’investir. Le yuan poursuit son ascension et devient de plus en plus attractif pour les capitaux étrangers.

Sur le plan monétaire, nous retrouvons deux conceptions idéologiques de la monnaie. À  l’Ouest, la monnaie est largement cogérée avec le secteur privé. J’en veux pour preuve, la banque fédérale américaine (la FED) qui est une institution privée en cogestion avec le public. À l’Est, la Chine propose un modèle monétaire étatique, centralisé autour d’un parti unique.

Les cryptomonnaies, symbole de deux visions du monde

Ces vues sur la monnaie se retrouvent d’ailleurs très bien dans l’exemple des cryptomonnaies. Les USA ont laissé faire et aidé les entreprises à créer leur propre stablecoin sur le dollar, tandis que la Chine a imposé à son système bancaire et financier de ne pas toucher aux cryptos.

Par ailleurs, la Chine est la première a avoir réellement pris le sujet de sa monnaie numérique au sérieux. Elle a publié son livre blanc sur le e-yuan, environ 100 millions de transactions ont été réalisées et elle s’achemine vers sa mise en circulation.

Enfin, l’UE, comme à son habitude, ne semble pas prendre de direction claire. La BCE a annoncé un euro numérique, mais pas avant plusieurs années. Dans le même temps, les stablecoins en euros n’émergent pas, car les entreprises craignent des représailles de la part du régulateur qui n’a pas encore interdit ni autorisé.

Le monde n’a donc jamais été aussi instable qu’aujourd’hui, puisque nous vivons une période de transition vers un monde futur que nous avons encore du mal à voir se dessiner. Pour autant, c’est bien dans ces époques que se présentent de nombreuses opportunités pour celui qui est prêt à faire son deuil de l’ancien monde pour aller vers le nouveau.

Richard DÉTENTE