Turquie : Monnaie instable, opportunités d’investissement

23 juin 2023

80% d’inflation en Turquie !

La première fois que je me suis rendu en Turquie remonte à décembre 2021, dans le but d’acquérir deux appartements en compagnie de mon partenaire, Huse. Nous avons effectivement acheté deux appartements à Antalya, mais ce qui a été particulièrement marquant, c’est que nous avons également été témoins d’une chute impressionnante d’environ 30 % de la livre turque, passant de 13 livres pour 1 dollar à un pic de 20 livres pour 1 dollar pendant les quatre jours où nous étions sur place. Par la suite, peu après notre retour, le président Erdogan a pris des mesures afin de réduire la pression et le taux de change de la livre a repris près de 50 % par rapport au dollar ! Cependant, ce répit n’a été que de courte durée, car aujourd’hui la livre turque s’échange à plus de 22 pour un dollar, démontrant ainsi que la situation monétaire ne s’est clairement pas améliorée. Bien entendu, cette fluctuation monétaire n’est pas sans conséquences pour la population, qui souffre énormément de cette gestion de la monnaie. Néanmoins, fondamentalement, la Turquie se porte plutôt bien et nos investissements immobiliers prospèrent lorsque nous les évaluons en dollars, bien sûr ! Cela demeure d’autant plus surprenant lorsque l’on considère que l’inflation atteint un taux d’environ 80 % en rythme annuel. N’est-ce pas étonnant, comme conclusion, pour un pays dont la monnaie s’effondre d’année en année ? Mais alors, que se passe-t-il réellement ?

Agent double

Que se passe-t-il en réalité avec l’économie turque ?

Le cas de la Turquie est d’autant plus intéressant car il nous permet de comprendre ce qui est probablement en train de se dérouler en Europe, notamment en France et en Allemagne. Reprenons donc. Quel est le problème fondamental en Turquie ? Si vous souhaitez une version complète et détaillée, je vous invite à consulter une vidéo que j’ai fait à ce sujet. Si vous préférez une version plus concise, retenez que la Turquie a financé sa forte croissance en s’endettant en dollars. Par conséquent, lorsque les conditions monétaires liées au dollar se sont durcies, la Turquie a préféré sacrifier sa monnaie en imprimant de l’argent pour payer ses dettes, plutôt que d’augmenter les taux d’intérêt au prix d’une récession économique, afin de réduire son niveau d’endettement en dollars, comme cela lui a été conseillé par le monde occidental. En fin de compte, la Turquie se retrouve coincée avec une monnaie qui ne cesse de perdre de sa valeur, entraînant une inflation galopante qui détruit l’épargne de ses citoyens. Ainsi, tous les économistes compétents dénoncent vivement Erdogan en le traitant de fou furieux qui ne comprend rien à l’économie, car il refuse d’augmenter les taux d’intérêt. Officiellement, Erdogan justifie cette décision en affirmant que le taux d’intérêt sur la dette en dollars est immoral. Pour étayer son argument, il fait référence au concept islamique de la riba, qui interdit l’usure monétaire. Pour simplifier, la finance islamique vous empêche de générer de l’argent à partir de l’argent, c’est-à-dire de réaliser des profits sans partager les risques et les rendements avec le producteur du capital. Si vous souhaitez mieux comprendre ce concept de finance islamique, j’ai réalisé une vidéo à ce sujet. En résumé, à l’échelle individuelle, nous serions tous bien inspirés de nous interdire l’usure monétaire, car cela nous obligerait à comprendre dans quoi nous investissons. C’est là que ce précepte religieux est intéressant. Cependant, si nous l’appliquons à l’échelle d’une société, l’économie de notre pays perdrait en efficience, car nous ne pourrions plus avoir de livrets A ni d’assurances-vie en fonds euros, qui sont deux moyens de déléguer la gestion de notre épargne à des tiers qui réfléchissent à notre place. Alors oui, il vaut mieux éviter ces instruments financiers aujourd’hui, mais dans un pays qui fonctionne correctement et où la monnaie est bien gérée, disposer d’un moyen d’investissement sérieux pour tous les citoyens qui se soucient peu de la manière dont on gagne de l’argent sur les marchés, est une bonne idée. Erdogan a prouvé à maintes reprises au cours des dernières années qu’il n’était pas le dernier des idiots, bien au contraire, et je soupçonne volontiers qu’il soit pleinement conscient de tout cela. Mais alors, quelle est son idée ?

Veuillez observer attentivement ces graphiques de Charles Gave. Sur celui-ci, il est clairement visible que tout investissement en support monétaire s’est révélé désastreux pour les investisseurs turcs. Les placements monétaires à court terme ont subi une perte de 50% de leur valeur, tandis que les obligations à 10 ans ont été divisées par 10, ce qui constitue une véritable catastrophe pour les détenteurs d’assurances-vie, de livrets d’épargne ou de fonds de trésorerie. Par conséquent, les retraités, les fonctionnaires et les personnes dépendant de l’assistance sociale sont pratiquement ruinés. Cependant, il est important de noter que malgré cela, la Turquie n’a pas sacrifié sa croissance économique. Examinons maintenant comment les entrepreneurs ont réussi à traverser cette période difficile grâce au graphique.

En livres turques, le marché des actions turques a connu une nette augmentation, mais en dollars, depuis 2019, les actions ont en moyenne généré un rendement réel de 4% après ajustement de l’inflation. En d’autres termes, la croissance économique du pays s’est poursuivie comme si de rien n’était. Et c’est exactement ce que j’ai constaté sur place lors de ma visite. Comme on le sait, j’aime beaucoup échanger avec les commerçants locaux, avec lesquels j’ai eu de nombreuses discussions en préparant nos appartements. Les vendeurs de meubles, les revendeurs de climatisation, les agents immobiliers, même le vendeur d’appartements qui était professeur de sport, tous partageaient une aversion pour la livre turque. L’agent immobilier a immédiatement perçu sa commission en euros, le vendeur de meubles nous a expliqué le soir, lors de notre dîner avec lui, qu’il conservait 90% de ses réserves en stock pour éviter d’avoir des livres turques, et le vendeur d’appartements nous a demandé de verser une grande partie de la somme en euros, etc. D’ailleurs, il est également observé que la Turquie est l’un des pays où l’adoption du Bitcoin est très forte. En gros, les entrepreneurs utilisent la livre turque pour régler leurs dépenses courantes, mais ils s’en débarrassent rapidement afin de protéger leur épargne. Dans ce contexte et pour ces personnes, tout se passe très bien. En revanche, ce sont les fonctionnaires et les retraités qui souffrent énormément, car leur revenu est littéralement amputé par l’inflation. C’est pourquoi, dans le cas de nos appartements avec Huse, nous les louons à des touristes étrangers qui paient en dollars. Nous avons des dépenses en livre turque et des revenus en dollars, et tout se déroule très bien pour nous.

En Turquie, Erdogan a élaboré un plan visant à dévaluer sa propre monnaie et à affaiblir l’Occident.

Mais alors, comment cette histoire va-t-elle se terminer ? Quel pourrait être le plan d’Erdogan pour sortir de cette situation délicate ? Si je me risque à faire une prospective, exercice qui comporte toujours des risques, je dirais qu’Erdogan finira par abandonner définitivement la livre turque et éteindra par la même occasion sa dette libellée en dollars. Cependant, cela reste une tâche complexe. Il convient de modérer cette considération, car selon mes connaissances, ce sont les banques européennes qui ont prêté en dollars à la Turquie. Il est donc moins grave de froisser Paris que de se fâcher avec Washington. J’imagine donc que des institutions telles que la Société Générale ou une banque similaire, comme Deutsche Bank, pourraient être impliquées dans ce génie financier dont nous entendrons peut-être parler un jour lorsque la Turquie fera défaut. Je pense que ce scénario n’est pas impossible, car avec la dédollarisation qui s’accélère, la Chine serait particulièrement intéressée à prêter des yuans à la Turquie, et les Russes, par exemple, pourraient également financer la Turquie en roubles, en échange de l’achat de pétrole et d’autres biens interdits par les sanctions occidentales à la Russie. Comme nous avons eu la merveilleuse idée de priver la Russie de l’accès au système SWIFT, Charles Gave m’a dit que nous pourrions voir les importations exploser en Turquie, mais sans avoir de visibilité sur les exportations qui ne pourraient pas être réalisées via le système SWIFT afin de maintenir une hyprocrisie hygiénique minimale vis-à-vis des partenaires européens et américains de la Turquie. Par conséquent, certains pourraient penser, en regardant simplement les statistiques, qu’il n’y a que des importations et pas d’exportations, et que la Turquie se dirige droit dans le mur, alors qu’en réalité ce n’est pas du tout le cas. Bien sûr, tout le monde le saura, mais si Washington venait à se plaindre trop vivement, n’oublions pas que la Turquie pourrait menacer de se retirer de l’OTAN et de fermer toutes les bases militaires américaines présentes sur son sol, qui sont très utiles aux États-Unis pour surveiller la région. Pour rappel, l’Ukraine est le pays juste au-dessus de la mer Noire, qui borde la Turquie au nord. La Turquie contrôle également le détroit du Bosphore et des Dardanelles, qui sont les voies d’accès de la mer Noire à la mer Méditerranée. À bon entendeur… En matière de compromis, la Turquie n’est pas nécessairement démunie. Il y a cinq ans, j’aurais trouvé cette stratégie un peu audacieuse, mais aujourd’hui, étant donné que l’hégémonie américaine diminue considérablement, elle me semble être une voie beaucoup plus praticable. Donc, une façon de s’en sortir serait de laisser la livre turque mourir une bonne fois pour toutes, d’introduire une nouvelle monnaie et de repartir sur des bases solides, si je puis dire. Je pense qu’il existe un scénario où tout cela n’est pas du tout impossible. Une fois cette transition réalisée, le pays pourra rétablir des salaires attractifs pour les fonctionnaires et des pensions décentes pour les retraités, ce qui se traduira par une augmentation du pouvoir d’achat global de la population, qui ne manquera ni d’énergie, ni de monnaie, ni de partenaires. Autant dire que je ne vais pas vendre mes biens immobiliers en Turquie, bien au contraire. Oui, les prix ont déjà doublé en dollars depuis 2021, ce dont je suis ravi, vous pouvez l’imaginer, mais en réalité, la Turquie est en train de s’intégrer dans une zone du Moyen-Orient et de l’Asie dont le développement est devant elle, car les Européens viennent de lui céder ses ressources en hydrocarbures qui étaient historiquement destinées à l’Europe. Cela ne peut que l’aider. C’est pourquoi, dans ma lettre d’investissement de ce mois-ci, que je coédite avec Didier DARCET, je parle d’investissements immobiliers, notamment hors de France.

Quelles conséquences en Europe ?

En ce qui concerne la France et l’Allemagne, plusieurs conclusions peuvent être tirées. Premièrement, et c’est fondamental, puisque nous exportons notre croissance vers ces pays sous la forme de sanctions à l’encontre de la Russie, les pays de l’Union européenne se sont créé une contrainte de croissance, tout comme l’Inde l’a subi au cours des 50 dernières années, appelée contrainte pétrolière sur la croissance. Alors oui, cela réduira considérablement les émissions de CO2 dans l’atmosphère, mais cela rendra l’épargne très compliquée. Deuxièmement, seuls les entrepreneurs et les employés du secteur privé qui peuvent négocier leurs salaires pourront espérer s’en sortir convenablement. Parmi ceux-ci, il convient de distinguer ceux qui travaillent au sein du tissu économique local de ceux qui travaillent pour des multinationales. Fondamentalement, le pouvoir d’achat diminuera dans l’Union européenne en raison du manque d’énergie, ce qui affectera également le secteur privé local, qui aura moins de clients parmi les personnes bénéficiant de l’aide sociale, les fonctionnaires ou les retraités. Cependant, pour ceux qui resteront, les choses devraient bien se passer. En ce qui concerne les multinationales, nous pourrions voir le CAC40 continuer à augmenter tandis que l’euro s’effondre, car ces entreprises réalisent déjà près de 70% de leur chiffre d’affaires à l’international. C’est ce que nous avons observé en Turquie au cours des cinq dernières années. Cependant, cela signifie également que ces entreprises vont de plus en plus se détacher de l’Union européenne pour produire ailleurs, car la production nécessite de l’énergie. Oui, vous avez bien entendu, environ 30% des PME envisagent des solutions pour quitter l’Allemagne. Notez que 16% des PME ont déjà pris des mesures pour partir à l’étranger. Et cela est tout à fait logique, car en tant qu’industriel, vous savez que vous avez le choix entre partir ou faire faillite. On ne peut pas leur en vouloir. C’est pourquoi je vous encourage à bien réfléchir à votre situation. Si partir n’est pas possible ou souhaitable pour tout le monde, vous pouvez au moins délocaliser votre épargne. C’est ce à quoi nous nous efforçons de vous aider à faire dans notre lettre d’investissement, car avec Charles Gave, lorsque nous avons commencé à parler de cette lettre et de Grand Angle, notre objectif était le suivant : aider les gens à sauver leur épargne.

Quand les banques vous disent non !

La troisième conclusion concernant la Turquie est que les promesses ne sont valables que pour ceux qui les écoutent. Il ne faut pas croire aux contrats ou aux promesses de garantie sur les dépôts bancaires ou les rendements. Tout cela est conçu pour fonctionner en temps normal et pour gérer le déclin lorsque le système se détériore. Actuellement, vous avez le temps de vous préparer, car une part suffisante de personnes croit encore à ces histoires, ce qui permet aux banques d’effectuer des virements à l’étranger, bien que cela devienne de plus en plus difficile. Pour rappel, avec notre société CleanSat Mining, dont je suis le président, nous avons récemment réalisé une levée de fonds d’environ 5 millions de francs suisses en avril, avec un montant minimum d’investissement de 100 000 francs suisses. C’est beaucoup, mais ce n’est pas non plus des millions. Eh bien, environ un quart des investisseurs ont eu des problèmes avec leur banque, et certains se sont tout simplement vu opposer une interdiction. Oui, la banque leur a dit non. Ils n’ont pas eu le droit de transférer leur argent chez nous, sous peine de voir tous leurs comptes personnels et professionnels fermés, et évidemment, même si ce n’est pas dit, d’être signalés aux autorités de lutte contre le blanchiment d’argent, ce qui entraînerait des semaines agréables en leur compagnie. Sachez que ce type de contrôle, même pour les personnes qui n’ont rien à se reprocher, est aussi agréable qu’une coloscopie qui durerait plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction de la complexité de vos affaires personnelles. Enfin, et je tiens à insister sur ce point, tout cela finira inévitablement par des contrôles des changes et des capitaux lorsque trop de personnes commenceront à retirer leur argent. Je connais des personnes dont le métier est de gérer les expatriations de fortune, et je peux vous assurer qu’elles n’ont jamais réalisé autant de chiffre d’affaires. À un certain moment, cela deviendra un problème pour les banques, et le gouvernement prendra des mesures pour y mettre fin. Je peux paraître insistant sur ce point, mais sachez que je dispose de personnes comme Charles Gave ou Didier Darcet autour de moi, qui sont capables de théoriser ce phénomène. De plus, en travaillant à l’international dans l’immobilier, l’industrie minière et le private equity (investissement direct dans des entreprises), je vois ce processus se dérouler sous mes yeux. Sachez que j’ai vendu tous mes biens immobiliers en France pour les déplacer en partie aux États-Unis, mais surtout en Turquie. Lorsque je constate mes rendements de 10% aux États-Unis et de 20% en Turquie au cours des deux dernières années, tandis que la France annonce la fin des aides, des obligations de travaux et des restrictions sur le marché du crédit, comprenez que je vis littéralement ce que je vous raconte.

Si vous désirez appréhender les raisons pour lesquelles la croissance de l’Union européenne est intimement liée à l’énergie, je vous invite à visionner la vidéo ci-dessus où je vous livre des clés afin de comprendre le changement en cours entre l’Occident et les BRICS.

Richard Détente