Le mélodrame diplomatique du rappel par l’État français des ambassadeurs américains et australien, qui répond à la rupture du fameux « contrat du siècle », cette commande de sous-marins français par l’Australie, ne doit pas occulter le bras de fer qui se joue en ce moment même. Bien loin du bruit médiatique et des annonces tonitruantes, la réalité des alliances géostratégiques pourrait vous emmener faire trempette en mer de Chine. En octobre 2021, on pouvait assister à la signature d’un vaste partenariat de sécurité, réunissant à la fois les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni visant à protéger la zone indo-pacifique.
Un navire anglais dans le détroit de Taïwan
Cet accord, signé au moment même où l’Australie dénonçait le contrat avec la France, était accompagné par les images étonnantes de ce navire de guerre britannique traversant le détroit de Taïwan. Détroit qui, je vous le rappelle, sépare la Chine de l’île de Taïwan.
Mais qu’allaient donc faire les Anglais si loin de leurs côtes ? Et surtout, si près de la Chine ?
Sur son compte Twitter, la frégate HMS Richmond a annoncé qu’elle venait de traverser une période chargée en travaillant avec ses partenaires et alliés en mer de Chine orientale et qu’elle faisait route vers le Vietnam.
On a parfois du mal à en croire ses oreilles : des alliés militaires des États-Unis en mer de Chine ? La traversée du détroit de Taïwan par un navire de guerre battant pavillon britannique ?
Cette situation inédite, qui a déclenché la colère des plus hautes autorités chinoises, mérite sûrement qu’on s’intéresse à cette curieuse situation.
Pourquoi les Britanniques, les alliés historiques des Américains, viendraient-ils se perdre dans le détroit de Formose s’ils n’y voyaient pas un intérêt économique et géostratégique ?
Comment les Chinois, à la tête de la deuxième puissance économique du monde, gèrent-ils les conflits lorsqu’ils interviennent dans ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée ?
Mais aussi, comment vous pouvez, en tant qu’investisseur, mettre à profit ces informations géopolitique pour adapter votre stratégie d’investissement ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
Escalade des tensions entre la Chine continentale et l’île de Taïwan
Si le ministre taïwanais de la défense n’a pas commenté la réaction des Chinois à la présence d’un bâtiment de guerre à proximité de leurs côtes, il a affirmé qu’il ignorait les missions des navires britanniques dans le détroit de Taïwan.
Mais le ministre a ajouté que son gouvernement surveillait de près tous les mouvements à proximité de Taïwan.
Et il est vrai que la Chine déploie ces derniers temps autour de l’île de Taïwan une activité militaire intense, à la suite des dernières déclarations chinoises qui revendiquent l’île en tant que territoire chinois.
La Chine envoie presque chaque jours des supersoniques dans l’espace aérien taïwanais ; en même temps qu’elle envahit de bateaux de guerre et de prétendus bateaux de pêche des régions contestées en Mer de Chine Méridionale.
Taïwan se retrouve régulièrement au centre de graves tensions entre la Chine et les États-Unis. Des frictions visibles à travers des mouvements militaires importants mais aussi à travers les menaces à peine voilées où le mot « guerre » semble de plus en plus prononcé.
Taïwan : lieu d’affrontements indirects entre la Chine et les États-Unis
Si les marchés boursiers ne s’inquiètent pas encore de la situation, elle est pourtant bien plus problématique qu’il n’y paraît.
En janvier 2021, le porte-avions américain Theodore Roosevelt est entré en mer de Chine méridionale avec pour objectif affiché de préserver et protéger une région indo-pacifique libre et ouverte, afin de promouvoir la liberté de navigation.
L’escalade des tensions a atteint un pic lorsque 25 avions militaires chinois ont frôlé les côtes taïwanaises en mai dernier. Cette démonstration de force inédite a eu lieu au lendemain de l’intervention de Antony Blinken, secrétaire d’État américain, car les USA jugeait l’attitude de Pékin agressive envers Taïwan.
Joe Biden a ensuite envoyé une délégation non officielle pour signifier l’engagement du président américain à l’égard de l’île.
Cette visite a déclenché une réaction immédiate des Chinois qui se sont fermement opposés à tout contacts officiels entre les États-Unis et Taïwan.
On peut penser que les tensions entre Taiwan, Pékin et les États-Unis n’ont jamais été aussi vives depuis près de 70 ans.
Joe Biden s’est bien entretenu tout récemment avec Xi Jinping, mais c’était la première fois depuis sa présidence, si on met de côté l’appel de courtoise suivant sa nomination.
Joe Biden souhaitait que, je le cite : la « concurrence » entre leurs deux pays ne se transforme pas en « conflit ». Ce à quoi Xi Jinping auraient répondu que, je cite encore : leur « deux pays et le monde entier souffriraient en cas de confrontation sino-américaine ».
La liste des désaccords reste pourtant longue entre Washington et Pékin. On pourrait lister : la compétition commerciale, les revendications de Pékin sur la mer de Chine méridionale et la question de Taïwan.
Rappels géo-politiques et économiques sur l’île de Taïwan
L’île de Taïwan est un État indépendant de facto qu’on peut appeler aussi République de Chine depuis 1949, pour la différencier de la RPC ou République Populaire de Chine. Cependant, l’île est légalement parlant une « province de Chine sur laquelle la République populaire de Chine n’exerce actuellement aucun pouvoir ».
L’île, de la taille de la Belgique, est séparée du continent asiatique par le détroit de Taïwan. Elle est entourée au nord par la mer de Chine orientale, à l’est par l’océan Pacifique et au sud par la mer de Chine méridionale.
Pour vous donner une idée de l’importance stratégique de la mer de Chine méridionale, sans entrer dans le sujet de la pêche qui fait rage depuis des années entre la Chine et ses voisins, il suffira de dire que plus de la moitié du trafic commercial maritime mondial transite chaque année par ses nombreux détroits.
Les ports régionaux comme Shenzhen, Guanzhou, Hong Kong, Singapour ou Taïwan figurent par ailleurs parmi les plus importants du monde en termes de volume.
Et pour enfoncer le clou, la mer de Chine renfermerait d’importantes ressources d’hydrocarbures, de l’ordre de 11 milliards de barils de pétrole et plus de 5 000 milliards de mètres cubes de gaz.
Taïwan n’est pas un État souverain du point de vue de l’ONU ; le nom de « Republic of China » ou ROC (en anglais) que se donne officiellement Taïwan n’est reconnu que par 16 États. Une liste qui se raccourcit chaque année avec les efforts constants de la diplomatie de la RPC.
Mais elle fait partie des rares pays qui ont contrôlé la pandémie, ce qui devrait accélérer la croissance économique impressionnante qu’à connu le pays ces dernières années.
Vous pouvez constater que le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat de Taiwan, en noir, est en train de rattraper celui des USA en vert et est largement au-dessus de celui de la Chine.
L’importance stratégique de l’industrie taïwanaise dans le monde
Taiwan est le 4ème producteur mondial d’électronique de haute technologie. Les difficultés de TSMC, le géant taïwanais des semi-conducteurs, est une des sources de la semi-paralysie actuelle de nos économies mondialisées.
De la même manière, l’une des 3 plus grosses entreprises industrielles du monde, Foxconn, une entreprise technologique de pointe qui produit les iPhones, iPads et iPods d’Apple, et qui emploie près de 1,5 million d’ouvriers et ingénieurs dont l’immense majorité se trouve en Chine continentale, est une société taïwanaise.
Ma lettre d’investissement : la stratégie grand angle
Je profite de cette présentation rapide des fleurons taiwanais pour vous rappeler que dans la lettre d’investissement que je corédige avec Didier Darcet, nous avons sélectionné des indices technologiques spécifiques pour vous permettre de profiter des hausses importantes qu’offrent les valeurs technologiques, en particulier celles qui ne font pas partie des valeurs fortement médiatisées du Nasdaq.
L’analyse sectorielle a une part primordiale dans notre approche de la gestion du risque. J’ai déjà rédigé des articles complets sur les nouvelles technologies pour les lecteurs de la lettre. Ces articles sont disponibles dès la première connexion à l’espace client de ma lettre d’investissement, afin que vous soyez à même de comprendre quelles innovations vont façonner le futur et comment positionner vos portefeuilles dans cette révolution technologique.
Les différends historiques entre la RPC et la RC
D’après l’institut Fraser, qui a établi un indice de mesure du degré de liberté humaine par pays, Taïwan est aujourd’hui l’un des pays les plus libres au monde
Mais quelles sont les relations entre Taiwan et la Chine ?
Les tensions entre les deux territoires ne datent pas d’hier. La victoire des communistes de Mao Zedong en 1949 transforment l’île de Taïwan en refuge pour les partisans de Chiang Kaï-chek, l’opposant nationaliste aux communistes.
Mais c’est l’arrivée dans la région de la 7e flotte de l’US Navy, suite au déclenchement de la guerre de Corée, qui sauvera le statut fragile de Taïwan d’une invasion des communistes.
L’île de Taïwan devient ainsi un des éléments du dispositif militaire américain dans la région, avec des bases au Japon, en Corée du Sud et aux Philippines.
La Chine aimerait appliquer à Taïwan la formule de « un pays, deux systèmes » comme, pour l’instant, elle l’a fait avec Hong Kong et Macao.
Peut-être que la situation actuelle de Hong Kong, où la Chine vient d’imposer une sorte de « dictature électorale » à travers les élections du 19 septembre 2019, dissuade les Taïwanais d’adopter la même formule que Hong Kong.
Les relations entre les États-Unis et Taïwan
Même en laissant de côté la question des ressources offertes par la région, comprenant la mer de Chine et le sujet de l’avance technologique que possèdent les entreprises taïwanaises, on comprend vite pourquoi Taipei représente un intérêt majeur pour la politique étrangère des États-Unis.
Le symbole de réussite démocratique et technologique que représente Taïwan est un parfait contre exemple positif à opposer au régime de Pékin. Ajouté à sa position géostratégique, cela transforme Taïwan en un partenaire crucial des États-Unis en Asie Pacifique.
Il faut noter que les USA, s’ils ont joué un rôle important pour assurer la sécurité de Taïwan au cours des 40 dernières années, ne se sont jamais engagés à intervenir militairement en faveur de Taïwan si celle-ci était envahie par la Chine.
Les États-Unis pratiquent une politique volontairement floue, afin d’empêcher une déclaration d’indépendance unilatérale de la part de Taïwan, aussi bien qu’une annexion unilatérale de Taïwan par la Chine.
On peut raisonnablement penser que Pékin n’aura qu’à continuer à menacer militairement Taïwan, et à l’isoler grâce à des actions diplomatiques dont elle a le secret. Pékin réduit années après années la courte liste des pays reconnaissant l’indépendance de Taïwan.
Et la menace d’employer la force pour faire revenir Taiwan dans le giron chinois n’est jamais loin.
Du point de vue de Xi Jinping, la légitimité du parti communiste repose sur sa promesse « d’unifier » la Chine. Le refus croissant de la population taïwanaise au projet d’unité avec la Chine, des relations de plus en plus hostiles entre Washington et Pékin sur des sujets toujours plus nombreux comme Hong Kong, le coronavirus ou les sujets de propriété et de sécurité liée aux technologies de pointe inquiètent Pékin.
L’ emprise sur ses 1,4 milliard d’habitants pourrait être remise en question si Taïwan devenait un pays indépendant.
Ceci dit, avec des dépenses militaires chinoises 25 fois supérieures à celles de Taïwan, Pékin possède un avantage certain.
Une possible intervention des États-Unis est un point d’interrogation dans l’évaluation d’un scénario d’invasion. La puissance navale américaine a longtemps dissuadé la Chine de toute attaque, même si les États-Unis ont abrogé leur traité de défense mutuelle avec Taïwan en 1979, comme condition à l’établissement de liens diplomatiques avec Pékin .
Cependant, ne pas intervenir si Taïwan était envahi nuirait au « prestige » des États-Unis, déjà mis à mal par la débâcle de l’évacuation d’Afghanistan.
Et c’est probablement ce qui explique l’alliance récemment signée entre les États-Unis, la Grande Bretagne et l’Australie. Les USA refusent de laisser filer leur hégémonie sans résister.
Notre stratégie Grand Angle
Investir, c’est parfois aussi simple que de savoir où ne pas investir. Si on a souvent une tendance naturelle à investir dans le pays qu’on connaît le mieux (celui où on habite), on comprend bien que ce n’est pas forcément le meilleur choix. Imaginez que vous habitiez un pays en faillite, surendetté et sans la courbe démographique nécessaire pour remonter la pente… Ne vaudrait-il pas mieux investir ailleurs que dans votre pays de naissance ?
Dans la lettre d’investissement que je corédige avec Didier Darcet, nos indicateurs macroéconomiques nous permettent de prendre en compte l’ensemble des économies du monde afin de déterminer où et dans quel secteur d’activité il vaut mieux placer son argent.
L’impact des tensions Chine–Taïwan–États-Unis sur les marchés
Un conflit (même indirect) entre les 2 premières puissances mondiales aurait bien évidemment des conséquences importantes sur les marchés :
- Une éventuelle mainmise sur la production des microprocesseurs taïwanais et sur l’avance technologique de ses sociétés de pointe, en particulier dans le secteur des télécommunications comme la 5G, est de nature à peser lourdement sur la guerre économique qui fait rage.
- À la marge, nuire à l’industrie d’armement française peut être un bénéfice (même minime et loin dans le temps) pour l’industrie concurrente américaine. Les USA ne verserait pas de larmes si les Français cessaient de produire des sous-marins, des frégates, des chars ou des avions de guerre…
Pour conclure, l’importance des tensions entre Pékin et Taïwan ne doivent surtout pas être minimisées, car elles peuvent déboucher sur un conflit armé entre la Chine et les USA qui aurait des conséquences dramatiques au niveau humain, géopolitique et économique.
Richard Détente