La reprise de l’économie en pleine pandémie : les effets de la vague delta

10 avril 2022

La crise des mesures anti-Covid de mars 2020 a vu l’effondrement des prix du pétrole pour cause d’arrêt de l’économie. Soit une conséquence tout à fait logique. Avec le redémarrage des économies occidentales sous perfusion d’argent magique, les prix du pétrole sont repartis fortement à la hausse. Mais depuis quelques semaines, les cours du pétrole stagnent. Visiblement, c’est l’augmentation de l’incidence du variant Delta qui préoccupe les agents économiques. De nombreuses entreprises se préparent à de nouvelles mesures sanitaires qui auront un impact négatif sur leurs affaires. Pour certains observateurs, ces mesures sont d’ailleurs largement insuffisantes et le monde économique ferait preuve de trop d’ardeurs face au risque du variant Delta. Bref, avec la hausse du taux d’occupation des lits d’hôpitaux, la stratégie vaccinale ne semble manifestement pas suffisante pour empêcher nos dirigeants de prendre prochainement de nouveaux trains de mesures sanitaires. Mais alors, quel pourrait être l’impact d’une nouvelle vague de covid-19 ? Assiste-t-on a une reprise de l’économie malgré cette nouvelle attaque de l’intérieur ?

Épuisement des stocks de pétrole après l’arrêt de l’économie

Un indicateur que je surveille est le ratio des stocks par rapport aux ventes. Plus ce ratio est élevé, plus les entreprises ont du stock. Et inversement, une chute du ratio indique une fragilité des chaînes d’approvisionnement.

Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous, lors de la crise de mars 2020, ce ratio a explosé puisque les ventes ont subi un net coup d’arrêt. Ensuite il s’est effondré car la consommation a repris mais pas la production.

C’est depuis ce moment-là que la machine mondiale de production connaît des dérèglements importants. Ces stop and go incessants ne sont pas neutres pour la machine économique, car une entreprise c’est avant tout une organisation qui a besoin de pouvoir planifier son travail pour être efficace.

Autre constat, si nousentrons dans une nouvelle phase de choc de l’offre, nous rentrerons dans cette crise avec beaucoup moins de munitions. Il y a fort à parier que les pénuries arriveraient bien plus vite cette fois.

Par ailleurs, l’indice sur le commerce mondial construit par Didier DARCET est clairement passé au rouge en août 2021, alors qu’il venait de se dégrader dans une zone de grande incertitude en juillet. Dans nos indicateurs, le commerce mondial était le principal facteur de soutien des marchés actions.

Je vous parle de cet indicateur interne car les statistiques officielles sur le commerce mondial ne sont pas actualisées chaque mois mais plutôt au trimestre ce qui ne permet pas d’avoir une vision aussi fine dans le temps.

Pour autant, comme vous pouvez le voir, la reprise sur les mêmes niveaux qu’avant crise est plutôt incertaine.

Le Covid-19 en passe de devenir un virus saisonnier

Le problème de fond avec le coronavirus est le suivant : c’est un virus qui a une forte capacité à muter. En conséquence, il devient progressivement une maladie saisonnière comme la grippe.

La Chine est d’ailleurs repartie sur des confinements strictes.

Ainsi en Chine, toute personne testée positive au Covid est hospitalisée et des régions sont même confinées lorsque le nombre de cas est trop élevé. Au final, la stratégie vaccinale ne permettra vraisemblablement pas de se débarrasser du virus. Le vaccin est en bonne voie pour devenir une obligation sur le long terme avec des rappels chaque année.

On le voit dans des pays comme l’Islande qui a un des taux de couverture vaccinale les plus élevés au monde. La vaccination permet de faire chuter drastiquement le nombre de morts et de cas graves, mais l’adaptabilité du virus ne permet pas de compter sur une stratégie d’immunité collective totalement efficace.

Par contre, les banques centrales pourraient agir de nouveau et plutôt que prévu comme facteur de soutien.

La création monétaire des banques centrales

Pour ce qui nous concerne, le facteur monétaire n’était plus un facteur de hausse depuis quelques mois, car malgré les injections incessantes, les doses injectées n’étaient plus suffisantes par rapport à l’accoutumance développée par les économies américaines et européennes. Ce facteur monétaire est donc passé à neutre avant l’été. Pourtant, bien que ce ne soit plus un facteur de hausse, il reste un facteur de soutien.

Si la FED revenait dans le jeu aujourd’hui en relançant des programmes d’aides importants, alors il pourrait redevenir moteur. Mais gardez en tête que, pour être efficace, la quantité d’argent injectée doit être toujours plus importante pour obtenir des résultats identiques.

Pour autant, de ce côté là, comme nous venons de le voir, la FED aurait bien du mal à regonfler les stocks des entreprises puisque nous avons vu qu’ils sont très bas.

On peut donc se poser la question de l’efficacité des nouveaux trains d’impression monétaires dans la configuration actuelle.

La relation Chine-USA : deux blocs, deux modèles économiques

Il faut également noter que les États-Unis sont devenus beaucoup plus dépendants des importations depuis la Chine durant cette crise. Nous l’avons constaté au niveau de l’appréciation du yuan.

Même si le gouvernement chinois tempère cette hausse structurelle du yuan pour qu’elle ne soit pas trop forte, afin de ménager son économie interne, la hausse du yuan est un facteur de long terme qui dessert l’Occident et en premier lieu l’économie américaine.

Du point de vue du système financier, nous faisons face à une situation avec 2 grandes particularités.

Des politiques monétaires aux antipodes

Depuis la chute du mur de Berlin, le monde se retrouve avec 2 pôles idéologiques différents qui suivent des politiques monétaires différentes. D’un côté la Chine choisit la voie de la monnaie forte ; de l’autre les USA choisissent la voie de l’impression monétaire. Ces deux politiques sont déployées en même temps et offrent un choix à tout investisseur. 

Bien sûr, il y a la question morale que chacun devra trancher en son âme et conscience face au régime chinois. Pour autant, les flux de capitaux en direction du marché obligataire chinois grossissent d’année en année.

La fuite des capitaux : une source d’instabilité

Cette bipolarité n’est pas non plus qu’une aubaine pour les investisseurs. En effet, ce point de fuite dans le système financier pour le stockage de la valeur est aussi une grande source d’instabilité qui pourrait être à l’origine d’une bifurcation, d’un changement de paradigme sur les marchés.

Ensuite, prenons le cas inverse où le variant Delta n’encombre pas les services hospitaliers au point de prendre des mesures sanitaires qui impactent la production de l’économie.

La possibilité d’une restriction monétaire de la FED ?

Il semble bien que dans ce cas, la FED se dirige tout droit vers une tentative de restriction de sa politique monétaire expansive comme l’indique les dernières minutes du conseil des gouverneurs parues mercredi 18 août.

Dans ce cas, nous nous trouvons dans une situation très compliquée où le commerce mondiale est en panne et où la liquidité du dollar viendrait augmenter moins vite, voire à se réduire.

Là on est dans un scénario de double peine et les marchés semblent déjà fléchir en pensant à cette possibilité.

Suite à cette parution, le VIX s’est envolé à 24 de façon très brutale, ce qui est révélateur de la tension sur les marchés.

Pourtant, c’est très curieux comme réaction de la part de la FED, car elle a exprimé des inquiétudes face à l’impact du variant Delta sur l’économie. Elle est donc bien consciente que la période est sensible. Est-ce un test ? L’incertitude règne en cette fin de mois d’août.

Comme raison avancée, la FED met en avant les bons chiffres du retour à l’emploi suite au choc de la crise de mars 2020.

Avec un taux de 5,4 % le niveau de chômage est identique à celui de 2015. La situation pourrait sembler revenue à la normale.

Pourtant, en y regardant de plus près, si l’on regarde le nombre de demandes d’inscriptions au chômage hebdomadaires, on est toujours 75 % au-dessus de la situation d’avant crise.

Une reprise très timide de l’économie après la pandémie et dépendante de plusieurs variables

Sur les places financières

Les marchés actions sont incontestablement gonflés par l’impression monétaire des banques centrales, ce qui pose la question de la durabilité de ces hausses et de l’ampleur de la correction le jour où les marchés estimeront que ce n’est plus tenable.


À ce jour, les 2 grands facteurs qui tiennent les marchés, selon nous, sont : le commerce mondial et l’impression monétaire. Tout en sachant que l’efficacité de la planche à billets s’amenuise à mesure de l’accoutumance des marchés.

Si la politique de vaccination massive fonctionne

Première possibilité le monde se rend compte que la vaccination fonctionne et l’économie peut repartir. Le covid-19 est là, il y a beaucoup de cas, mais les systèmes de santé tiennent le coup car la vaccination limite fortement les formes graves et les décès. On pourrait rentrer dans une forme de saisonnalité du Covid et de la vaccination qui permettrait à l’économie de repartir. Dans ce premier scénario, la FED semble s’acheminer d’ici la fin de l’année 2021 vers une réduction de ses injections monétaires.

Les marchés semblent ne pas apprécier cette mise au régime et les risques de baisse sont élevés. Toujours dans ce scénario, reste à savoir comment la production va repartir et au prix de quelle inflation ? La Chine pourrait être la grande gagnante par rapport aux USA. À ce moment, nous pourrons mesurer effectivement comment le couple dollar-yuan évolue car il y a fort à parier que le dollar poursuive sa baisse face au yuan.

Aujourd’hui rien ne permet de penser que l’inflation va simplement rentrer dans le rang tant les indicateurs de l’inflation sont mauvais.

Si la politique de vaccination massive s’avère inefficace

Si le variant Delta revient en force et que les systèmes de santé sont de nouveau engorgés, nous rentrons dans une nouvelle série de mesures restrictives avec des conséquences néfastes pour l’économie.

Dans ce cas, on peut penser que la FED reviendra sur sa décision et rouvrira les vannes monétaires. Il faudra voir quelles quantités seront nécessaires pour que ces politiques produisent encore leur effet. De l’autre côté, le commerce mondial se grippe un peu plus et le premier facteur de soutien à l’économie mondiale est fortement malmené.

Dans ce cas, à long terme, une fois cette nouvelle vague passée la situation sera encore un peu plus mauvaise qu’aujourd’hui et à court terme cela dépendra de l’efficacité marginale des injections monétaires. Le scénario du pire serait que les marchés ne réagissent plus au stimulus d’injection monétaire.

La lettre d’investissement : la stratégie Grand Angle

C’est dans ces conditions que nous pensons qu’en termes de gestion du risque, nous avons été fortement haussier pendant 7 mois durant mais aujourd’hui, le jeu n’en vaut plus la chandelle tant que nous n’en saurons pas plus d’ici septembre ou octobre.

➡️ Voici le lien d’abonnement à ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET pour être tenus au courant de l’évolution des marchés.

Richard DÉTENTE

Sources :