Les ports francs de Grande-Bretagne : UK one point !

23 juin 2021

Un dicton affirme que les Britanniques perdent toutes les batailles, à l’exception de la dernière, et remportent les guerres. Ce fut ainsi le cas du Brexit. Ce dernier s’est finalement conclu par un accord nettement plus favorable pour les Britanniques qu’un hard Brexit. Une nouvelle source de tensions apparaît avec les ports francs de Grande-Bretagne, car le premier ministre Boris Johnson ambitionne de positionner son pays comme le nouveau hub logistique de l’Europe. Cela n’a pas manqué de provoquer la colère de Bruxelles qui s’inquiète de voir émerger une concurrence à ses portes.

Qu’est-ce qu’un port franc ? Quel est son but ? Et pourquoi l’Union européenne n’en crée-t-elle pas ?

Port franc : définition


Dans l’antiquité, le commerce pratiqué par les Phéniciens fait naître le principe du port franc, car il comporte un intérêt logistique. En effet, lorsque les distances entre deux pays commerçants s’allongent, on peut avoir besoin de faire transiter ses marchandises dans un pays tiers. Par exemple, les fleurs en provenance du Kenya sont débarquées au port de Jebel Ali, à Dubaï. Là, elles sont reconditionnées en fonction des normes en vigueur dans chacun des pays destinataires. Elles y sont ensuite acheminées. Le port franc permet donc d’économiser des kilomètres, mais aussi de profiter d’une industrie logistique locale plus élaborée que dans le pays d’origine.

Puisque les biens ne font que transiter par ces ports francs, l’idée est d’affranchir ceux-ci d’impôts et de taxes. Ces ports se positionnent certes à l’entrée du pays, mais avant les douanes. Les marchandises sont donc soumises à un contrôle douanier pour s’assurer que les produits qui transitent sont légaux.

Dans le cas de la Grande-Bretagne, des ports francs permettraient de centraliser des productions venant des pays du Common Wealth (comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Canada). Ces biens seraient ensuite reconditionnées en fonction des normes européennes ou britanniques en fonction de leur destination finale.

Le problème vient de l’attitude de l’Union européenne. Celle-ci pousse à limiter le développement ou la création de tels ports. Pourquoi ? Parce qu’elle les associe à des trafics pour personnes riches. Par exemple, le port franc de Genève est connu pour abriter énormément d’œuvres d’arts afin que leurs propriétaires ne paient pas d’impôts. Celui de Macao est réputé pour être une plaque tournante de la drogue.

La position de l’Union européenne est surtout dogmatique, alors que pour la Grande-Bretagne, la création de tels ports fait sens. Notamment parce que dans les années à venir, elle va se retrouver culturellement parlant la mieux placée pour être une plaque tournante entre la Chine, les États Unis et l’Europe. C’est une place qu’elle a largement occupée au cours des siècles derniers. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle cherche à la reconquérir.

Les avantages des ports francs

Deux choses essentielles sont à retenir.

1 – Une plateforme internationale de transit des marchandises

Les ports francs permettent de connecter une économie au commerce mondial. Les villes qui les accueillent sont ainsi pleinement intégrées à la mondialisation. Par conséquent, il s’agit à la fois d’un outil de développement local, et d’un levier d’influence en géopolitique internationale. Car en contrôlant le transit de toutes les marchandises, les pays disposant de ports francs sont en position de discuter avec tous les autres. Il y a donc bien un réel enjeu de pouvoir.

2 – Un atout diplomatique

Les pays avec des ports francs puissants se retrouvent souvent en position de médiateur et de facilitateur. Cette position est tout particulièrement cruciale lorsque les deux puissances, dont les marchandises transitent par les ports francs, sont en conflit.

Des activités illégales peuvent aussi venir y trouver refuge. C’est toute l’histoire des tableaux d’arts, du recel de drogues et autres commerces plus ou moins illicites qui viennent s’abriter dans les ports francs.

C’est pour ces deux raisons que l’Union Européenne ne souhaite pas voir les Britanniques en position de force, ces ports francs leur offriraient l’opportunité de développer considérablement leur influence. Et ce, bien qu’ils ne soient plus dans l’Union Européenne.

Bref, le Royaume-Uni affiche ses ambitions de pays libéral et cela gêne Bruxelles aux entournures.

Le Brexit n’est pas la catastrophe qui avait été annoncée

Les marchés ne s’y trompent pas. La plateforme en ligne Neystor dispose ainsi d’un outil pour évaluer une monnaie, afin de voir si celle-ci est surévaluée ou sous évaluée par rapport à une autre. Cet outil permet d’affirmer que la livre sterling remonte face à l’euro depuis 2017, ce qui signifie que les marchés préfèrent la monnaie britannique.

Il est également possible d’analyser la valorisation des entreprises. Si le Royaume-Uni était devenu un handicap depuis le Brexit, alors les investisseurs auraient fui les entreprises britanniques. Celles-ci, en effet, se seraient effondrées suite à l’absence des avantages à être dans l’Union Européenne.

Afin de mesurer l’impact du Brexit, on peut comparer le marché action Britannique et français car ils sont historiquement semblables. On s’aperçoit que cette comparaison est raisonnable si on regarde notre indice en parité de pouvoir d’achat rapporté au taux de change sur le long terme.

Historiquement, le franc et la livre sterling oscillent l’une autour de l’autre. Lorsque l’inflation monte dans un pays, les capitaux se déplacent dans l’autre, ce qui fait bouger le taux de change et finit par renverser la vapeur. On est dans un phénomène oscillatoire entre deux économies qui se répondent. Rien que de très logique.

Donc, pour voir si un déséquilibre notoire entre les économies française et britannique s’est produit, il suffit de faire la comparaison entre les performances du marché Britannique et du marché français en divisant l’un par l’autre.

Prenons l’indice « footsie » divisé par le CAC 40 depuis 2000 :

On peut voir clairement que depuis 2016, le marché Britannique surperforme le marché français. Ensuite, on peut regarder l’évolution du taux chômage également pour voir s’il n’y a pas une rupture depuis 2016.

À l’heure actuelle la seule rupture de tendance entre 2010 et aujourd’hui est due aux mesures anti-Covid. Pour ce qui concerne le Brexit, rien à signaler de particulier.

Mais alors peut-être que leur balance commerciale s’est dégradée car petit à petit leurs partenaires commerciaux se sont tournés vers les pays de l’Union Européenne en anticipant un futur Royaume-Uni isolé des bienfaits de l’Union ?

Évolution de la balance commerciale britannique de 2010 à 2019.

De ce côté là non plus, rien de particulièrement visible depuis 2016.

À retenir

Dans les faits, la balance commerciale du Royaume-Uni reste la même, l’évolution de leur taux de chômage ne montre rien en ce qui concerne le Brexit, leur monnaie s’apprécie par rapport à l’euro et la valeur des entreprises britanniques monte par rapport aux entreprises françaises. Aucun signe, donc, d’une quelconque catastrophe.

La Grande Bretagne a fait ce que les dirigeants non élus de l’Union Européenne redoutaient le plus, sortir de l’Union Européenne et devenir la preuve vivante qu’il y a une vie en dehors de l’UE. Je suis prêt à parier que l’exemple Britannique va devenir un exemple pour tous les souverainistes.

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’Union Européenne. Il faut simplement s’intéresser aux faits pour simplement regarder les choses telles qu’elles sont.

Richard DÉTENTE