La FED et la BCE n’ont qu’une solution pour lutter contre l’inflation

19 février 2022

Mardi 13 juillet 2021, l’inflation aux États-Unis a atteint + 5,4 % en rythme annuel. C’est un niveau très élevé car il faut remonter à la crise énergétique de 2008 pour retrouver plus haut. Pour rappel, en 2008, le pétrole était monté jusqu’à 173 dollars, juste avant le déclenchement de la grande crise financière en septembre avec la faillite de la banque Lehman Brothers. Alors bien sûr, aujourd’hui le prix du pétrole n’est « que » de 75 $ le baril. Pendant ce temps, alors que l’inflation semble bien repartir à la hausse, les taux d’intérêts restent collés au plancher. Habituellement, la solution pour lutter contre l’inflation c’est une remontée des taux d’intérêts. Alors que se passe t-il ? Et si je vous disais qu’une remontée de ces taux ferait chuter le taux de change, que ce soit pour le dollar ou pour l’euro ?

Indice des prix à la consommation en milieu urbain : sur tous les biens de consommation aux États-Unis
Prix du baril de pétrole

Le mécanisme de l’inflation

Vous avez été nombreux à me demander comment une remontée des taux d’intérêts peut faire baisser le taux de change du dollar ou de l’euro. Ce qui est compliqué avec l’inflation c’est que c’est un phénomène qui fonctionne avec des franchissements de seuil qui déclenchent des emballements. Dit autrement, une fois qu’un cycle inflationniste a bien pris racine, il s’autoentretient jusqu’à ce que tous les équilibres économiques construits artificiellement soient purgés. L’inflation détruit les fausses valeurs pour ramener les dépenses d’un État à ce qu’il gagne réellement. Il ne peut pas y avoir d’inflation dans un pays bien géré avec des prix de marchés réels et libres. L’inflation est un mécanisme de régulation tout comme peut l’être la fièvre chez l’être humain.

Mettre fin à une spirale inflationniste : la méthode Volcker

La crise inflationniste aux États-Unis dans les années 70

Prenons exemple sur l’Histoire récente. Le dernier grand choc inflationniste a eu lieu dans les années 70 et c’est essentiellement le gouverneur de la banque centrale américaine, Paul VOLCKER, qui y a mis fin. En bref, l’inflation des années 70 est due à 2 grands déclencheurs : la fin de la convertibilité en or du dollar – qui a jeté beaucoup d’incertitudes sur le système monétaire international – et les 2 crises pétrolières.

Pour redonner confiance dans le dollar et stopper cette spirale inflationniste, Paul VOLCKER a délibérément et très fortement augmenté les taux d’intérêt. Ceux-ci sont passés de 11 % à 20 %. Qu’est-il arrivé par la suite ? Apparaît un phénomène monétaire où, comme le disait Paul VOLCKER : « trop d’argent courant après trop peu de biens ». Dit autrement, il y a de l’inflation quand la quantité de monnaie en circulation a une croissance supérieure à la production de biens et de services.

En montant les taux d’intérêts, la banque centrale est venue taper au cœur du processus de création monétaire : le crédit. Pour rappel, dans notre système actuel, ce sont les banques commerciales qui créent la monnaie via les crédits qu’elles accordent aux entreprises et aux particuliers. Dans une période inflationniste, vous avez intérêt à emprunter pour acheter des biens aujourd’hui, car vous savez que demain, ce que vous avez acheté hier vaudra plus cher. C’est donc l’inflation qui va rembourser votre emprunt et non votre travail.

Les conséquences de la remontée des taux d’intérêts par la FED

En montant brutalement les taux de 11 % à 20 %, la FED a donc cassé cette spirale inflationniste car ces taux étaient bien trop élevés pour les entreprises et les particuliers. En d’autres termes, avant VOLCKER, les taux d’intérêts avaient un temps de retard sur l’inflation. Mais en poussant les taux violemment et subitement à 20 %, la banque centrale américaine a réussi à inverser la vapeur en donnant un temps d’avance aux taux d’intérêts sur l’inflation.

Le problème en faisant cela, c’est que vous empêchez également les entreprises et les particuliers qui ont des projets sains d’emprunter. Ainsi, la politique de VOLCKER a agi comme une chimiothérapie. Remonter les taux aussi fortement équivaut à un poison que vous envoyez dans l’économie. Or, ce faisant, vous espérez que l’inflation sera vaincue par cet antidote, avant que l’économie ne s’en remette pas. Le remède avait donc une chance de tuer le patient.

C’est pour cela que les USA ont connu une période de récession économique très dure à cette époque. C’était le prix à payer pour tenter de vaincre la maladie de l’inflation :

Jimmy Carter, président des États-Unis de 1977 à 1981, déclara à la mort de Paul VOLCKER que sa décision fut coûteuse politiquement, mais juste :

Les leçons retenues des années 70 pour lutter contre l’inflation

En résumé, les déficits américains et les crises pétrolières ont entraîné une croissance trop importante de la masse monétaire aux États-Unis. Pour stopper ce phénomène, une récession économique a été nécessaire afin de diminuer la création monétaire. Nous avons donc hérité de cette époque l’idée que la solution contre l’inflation, c’est la hausse des taux d’intérêts.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Pourrait-on remonter les taux d’intérêts pour lutter contre une inflation qui viendrait s’installer chez nous ?

Cela appelle 2 questions :

  1. Quelle est la nature de cette inflation ou dit autrement, quelle est l’étendue du cancer ?
  2. Est-ce qu’un choc sur les taux d’intérêts serait une médecine supportable par le patient ? Si non, comment faire ?

Les causes de l’inflation aujourd’hui

1 – La hausse des prix du pétrole

Voilà un facteur que tout le monde connaît. C’est ce que l’on appelle l’inflation importée. Même si les prix du pétrole ne sont pas stratosphériques, la progression, elle, est très forte car le pétrole valait 20 $ en mars 2020. Une grosse année plus tard, il vaut 80 $. Il a donc été multiplié par 4. Comme l’économie fonctionne surtout en terme de dynamique plutôt que de niveau, cela fait beaucoup. À ce stade, vous allez me dire : « Oui mais le pétrole à 20 $ était une anomalie de la crise du covid. C’était un facteur ponctuel et non structurel ». Sauf que nous savons depuis des années, avec les politiques de lutte contre le réchauffement climatique et la pandémie, que le secteur de l’énergie a largement sous-investi dans les nouveaux gisements. La production maximale possible de pétrole et de gaz a donc probablement passé son pic, le fameux pic pétrolier.

Selon certains, ce pic pétrolier aurait été atteint fin 2018 :

Le cas échéant, les prix du pétrole continueront de monter inlassablement, pour jouer le rôle d’annonciateur de la prochaine récession lorsque l’économie ne pourra plus le supporter. Du côté de l’inflation importée, on est peut être bien dans une situation comparable à 2008.

2 – La hausse des prix des matières premières

Je vois deux grandes causes aujourd’hui : d’abord, le redémarrage de la Chine qui absorbe énormément de matières premières , ensuite la crise du Covid-19 mais pas de la façon dont on nous présente les choses.

D’un côté, la Chine cherche à contrôler les prix du marché pour avoir accès aux matières premières dont elle a besoin. De l’autre, en Occident, à cause des politiques de soutien social, les usines ne repartent pas vraiment. De nombreux secteurs cherchent à employer mais manquent de monde, alors que les niveaux de chômage battent tous les records.

3 – La théorie monétaire moderne

J’attribue cette situation paradoxale à ce que les Américains appellent la Théorie Monétaire Moderne. C’est ce que nous appelons en Europe le revenu universel. Le raisonnement fondamental est le suivant : si vous donnez de l’argent sans contrepartie à la population, elle se mettra spontanément au travail. L’argent précède le travail ou la récompense précède l’effort sera le nouveau crédo des Occidentaux.

Selon ce diagnostic… nous sommes éminemment bien partis pour un grand cycle inflationniste ! Personnellement, j’émets beaucoup de doutes sur la réussite d’un système où la rémunération précède le travail. Je pense que les milliers de milliards d’euros et de dollars injectés dans le système sous toutes leurs formes sont une cause d’inflation à terme. Mathématiquement, il va y avoir toujours plus d’argent courant après de moins en moins de biens, pour reprendre les paroles de Paul VOLCKER.

Est-il encore possible de combattre l’inflation en augmentant les taux d’intérêts ?

À mon avis, et ce n’est qu’une prospective, la réponse est non ! Voici mon raisonnement. Si vous montez les taux d’intérêts, les finances des États-Unis et de bon nombre de pays européens sautent comme des bouchons à cause de leurs dettes qui deviennent impayables.

Il faudra faire défaut d’une façon ou d’une autre ; soit en remboursant en monnaie de singe, soit en annonçant une destruction officielle de l’épargne populaire, ou par tout autre mécanisme de défaut qui revient à appauvrir le pays. Mais ce n’est pas tout. Si vous remontez les taux, vous faites aussi sauter environ la moitié des entreprises privées en Europe qui tiennent essentiellement grâce aux taux bas et aux aides.

Aux États-Unis je n’ai pas trouvé d’études, mais cela ne doit pas être bien plus reluisant. Donc une remontée des taux d’intérêts n’est pas possible, car le patient est trop affaibli pour démarrer son traitement de choc. Que peut-il se passer alors ? Comme l’économie se régule toujours à un endroit ou à un autre, le plus probable c’est que les USA et l’Union Européenne continuent d’injecter massivement de la monnaie jusqu’à ce que mort s’en suive, faute de pouvoir faire autre chose.

Dans ce cas, ce sont les taux de change qui devraient flancher. D’accord, mais par rapport à quoi ? Eh bien par rapport à l’Asie principalement. L’Asie est le dernier continent avec une bonne stabilité financière qui soit suffisamment grand pour servir de thermomètre face aux États-Unis et à l’Union Européenne.

Les réserves de valeur : le bitcoin, l’immobilier et l’or

En ce qui concerne le bitcoin, sa capacité à nous préserver de la chute de la valeur de la monnaie est plus incertaine. Cela nous en dira long sur la position que prend bitcoin en tant qu’actif. Si bitcoin augmente en due proportion de la baisse de la monnaie, alors il prouvera qu’il est bien une réserve de valeur. Par contre, s’il continue ses cycles de fortes hausses et de fortes baisses, cela signifie qu’il est un actif en développement pas encore assez mature.

Pour ce qui est de l’immobilier, la question est plus complexe car il fait figure de pigeon d’argile pour le fusil du fisc. Non délocalisable, l’immobilier permettra de conserver une certaine valeur mais pensez bien à une chose : en cas d’inflation forte, vous ne pouvez pas l’emporter pour vous faire imposer ailleurs. Vous paierez un impôt sur la plus-value, qui ne sera rien d’autre qu’un impôt sur l’inflation, donc un impôt sur le patrimoine en réalité. Par ailleurs, les revenus locatifs restent facilement taxables.

Enfin, pour l’or, il devrait continuer sa progression en due proportion à la destruction monétaire, comme il l’a toujours fait depuis 5 000 ans. Il a donc toujours une place stratégique dans mon portefeuille.

La lettre d’investissement : la Stratégie Grand Angle

Dans ma lettre d’investissement, que je corédige avec Didier DARCET et Guillaume ROUVIER, nous vous proposons une stratégie basée autour de 4 classes d’actifs qui ont chacune leur rôle :

  • Les actions, pour obtenir du rendement. Nous contrôlons le timing des actions grâce aux modèles développés par Didier que nous avons implémentés dans Neystor, notre plateforme d’assistance à la gestion libre en ligne.
  • Les obligations chinoises, qui constituent le dernier marché obligataire dans une zone où les taux d’intérêts sont réellement positifs.
  • Les métaux précieux, pour préserver de la valeur sur le long terme.
  • Les devises, pour diversifier la partie en cash en dehors de l’euro.

Finalement, dans ce scénario sur la baisse du taux de change, l’énergie, et notamment les matières premières, sont vouées à s’apprécier sur long terme. Les pays occidentaux quant à eux devraient s’appauvrir en suivant des trajectoires similaires à celles de la Grèce ou du Liban si l’euro explose. Seules les personnes ou les entreprises qui fourniront des biens et services réellement utiles s’en sortiront.

C’est donc le moment de trouver des solutions car les périodes de troubles sont aussi très favorables aux changements. Alors pour les plus anciens d’entre nous, protégez votre patrimoine. Pour les plus jeunes, il est temps de faire preuve de créativité et d’anti-fragilité.

Pour en savoir plus sur cette notion d’anti-fragilité et sur comment l’appliquer à la gestion de votre patrimoine, cliquez sur cette vidéo !

Richard DÉTENTE