Les marchés peuvent-ils encore monter en pleine inflation ?

20 décembre 2021

Depuis plus d’un an maintenant, les marchés financiers mondiaux affichent une bonne santé insolente. Il y a bien eu un petit coup de mou entre octobre et novembre 2020, mais rien de bien sérieux. Pourtant, la crise des mesures anti-Covid est dans toutes les têtes. Malgré ce que l’économie a subi, est-ce que les actions peuvent monter jusqu’au ciel ? Le propre de toute bulle ou de tout excès de confiance des marchés financiers, c’est de se terminer très mal. Pour autant, lorsque l’on est pas dans les hausses boursières, on rate la performance du moment. Alors aujourd’hui, faut-il être investi en actions ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.

Performance marginale en finance : définition

Une des clefs pour comprendre les phénomènes d’inflexions sur les marchés c’est la notion de performance marginale. Par exemple, savez-vous que le prix d’une entreprise cotée en bourse est égale au prix de la dernière transaction multipliée par le nombre d’actions. Il ne s’agit pas de la moyenne des prix sur la journée, mais bien de la dernière transaction. Peu importe ce qu’il s’est passé dans la journée, si l’entreprise Exxon Mobil vaut 263 milliards de dollars au moment où j’écris ces lignes, c’est parce que la dernière action vendue à été achetée à 62 dollars et qu’il y a 4 230 336 actions. Tout ce qui s’est passé avant ne compte pas. Un prix marginal est un prix fixé à la valeur du dernier échange.

De façon plus triviale, si vous vous faites écraser par un train, c’est seulement la première roue qui fait mal, peu importe le nombre de wagons qui suivent derrière. Donc, lorsque l’on vous explique que les marchés ne peuvent pas monter plus haut, car ils sont déjà très haut, c’est un argument qui n’a pas de sens. Le problème n’est pas de savoir s’ils sont hauts ou pas, mais de savoir si un élément déclencheur va inverser la tendance.

C’est pour cela que dans l’exemple ci-dessous du Price Earning Ratio de Shiller, qui consiste à regarder le prix d’une action rapporté à son équivalent en année de bénéfices, nous savons que les marchés sont chers, mais cela ne nous dit absolument pas s’ils vont se retourner.

Le ratio cours / bénéfice de Shiller

Difficile de savoir si les marchés sont chers, car historiquement dans un contexte désinflationniste, on achète une action à une valeur comprise entre 10 fois et 20 fois ses bénéfices. Donc à 37, je suis très cher. Pour autant, lors de la bulle Internet, on est monté jusqu’à 45.

Je le répète, les niveaux ne permettent pas de savoir quand est-ce que les marchés vont se retourner. Tous ce qu’ils permettent de dire, c’est que vendre les marchés lorsqu’ils sont chers et acheter lorsqu’ils ne sont pas chers, avec des PE en-dessous de 10 par exemple, vous assure de ne pas faire de bêtises. Par contre, cela ne vous permet pas de savoir quand vendre, car si vous aviez vendu lorsque le PE Shiller est passé au-dessus de 20, vous auriez vendu en 1998, vous auriez racheté seulement en 2009, pour tout revendre en 2010. Bref, vous auriez gagné de l’argent entre 98 et 2009 et à part, ça, rien du tout. Pourtant les actions connaissent une progression extraordinaire depuis 2010.

Quel est le problème ? Les marchés financiers ne fonctionnent pas avec des moyennes mais avec des seuils et des phénomènes marginaux. Mais alors, qu’est ce qui fait tourner le monde financier aujourd’hui ?

Modélisation de l’économie

C’est là que la modélisation de l’économie entre en jeu. Chez Gavekal Intelligence Software, société de conseils auprès des plus grands institutionnels dans le monde, ils ont créé un modèle qui regroupe 7 grands facteurs macroéconomiques.

Il semble qu’à ce jour, 2 grands indicateurs sont à l’œuvre dans la hausse des marchés :

  • la vigueur du commerce mondial ;
  • la liquidité.

Pour la liquidité, l’explication est simple. Les banques centrales américaines et européennes déversent des tombereaux d’argent sur les marchés au point que tous les prix montent. 

Même les cartes à collectionner de basketball voient leur prix s’envoler, tout comme le bilan de la FED et de la BCE :

Les vannes sont ouvertes. Mais il n’y a pas que cela. La crise des mesures anti-Covid a mis un coup d’arrêt au commerce mondial et c’est le 2e facteur majeur qui a plombé les marchés.

Les usines se sont arrêtées et les stocks se sont effondrés plus vite encore que les ventes :

Évolution de l’épidémie de covid-19

Aujourd’hui on assiste à une reprise du commerce mondiale car le monde anticipe la fin de l’épidémie du covid-19.

Aux États-Unis, en Europe et dans les pays riches qui ont lancé une campagne de vaccination intensive, l’épidémie régresse :

Au global, même à l’échelle du monde, le nombre de morts du Sars-coV-2 semble orientés à la baisse.

Pour autant, tout n’est pas si simple avec cette épidémie, car l’humanité est en train d’apporter une solution très spécifique et peu diversifiée en misant presque exclusivement sur la vaccination pour sortir de la crise. Si c’est une solution qui fonctionne, alors nous vaincrons peut-être l’épidémie, mais si de nouveaux variants apparaissent, ils passeront allègrement au travers des défenses de l’essentiel des pays du monde.

Dit autrement, face à une pandémie mondiale, si chaque pays avait adopté une stratégie différente, le risque de voir un variant qui contourne toutes ces stratégies en même temps aurait été beaucoup plus faible. C’est tout le problème de l’homogénéité, qui est très efficace contre la diversité, mais cette diversité est en revanche bien plus résiliente.

Des marchés boursiers qui montent en période inflationniste

Aujourd’hui les marchés constatent que le commerce mondial va bien et que la liquidité est présente en abondance. Comme les perspectives de moyen terme sont bonnes, tant que l’épidémie reste dans les cordes, ils n’ont pas de raisons de se retourner. C’est pour ça que je garde mon portefeuille action et que je ne vends pas. Le futur est plein de défis mais à l’heure actuelle, ça monte. Évidemment, il y a des facteurs de stress pour les marchés à surveiller.

En ce qui concerne la reprise et le commerce mondial, l’inflation est sur toutes les bouches :

Et ce n’est pas un faux sentiment car ça y est, plus de la moitié des pays du monde ont basculé d’un régime désinflationniste à un régime inflationniste. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous savons que la désinflation est favorable à la hausse des ratios cours / bénéfices, car la désinflation permet de se projeter plus sereinement dans l’avenir.

Par contre, les périodes inflationnistes ont 2 caractéristiques.

Premièrement, elles constituent une force de moyen terme à contre-courant pour les ratios cours / bénéfices. C’est majoritairement à cause de l’inflation que les cours du SP500, mais aussi des grandes bourses européennes, ont fait du sur place entre les années 60 et 80. Ce n’était pas faute d’avoir de la croissance économique à cette époque, mais l’inflation allait dans le sens inverse et dévorait l’avenir.

Deuxièmement, si la croissance n’est pas suffisamment forte, l’inflation agit contre les banques centrales. Si notre inflation vient des matières premières, aucune banque centrale ne peut imprimer du pétrole. Tout cela tend à expliquer pourquoi les krachs qui interviennent en période inflationniste peuvent être bien plus puissants que les krachs en période désinflationniste.

La mesure du risque financier grâce au logiciel Neystor

Hormis le cas de 1929, où nous avons vécu une récession déflationniste majeure, les autres krachs marquants, appelés des Ursus Magnus chez Gavekal Research, ce sont produits en période inflationniste.

Donc, lorsque nous passons en période inflationniste, comme c’est le cas actuellement, cela signifie que l’intensité du risque augmente. Si les marchés krachent, ils ont de bonnes chances de kracher plus fort. Mais alors comment savoir ? C’est tout le travail que nous faisons avec Neystor, notre plateforme en ligne d’assistance à la gestion libre.

À l’aide des quadrants économiques, nous mesurons l’intensité du risque :

À l’aide des quadrants financiers, nous mesurons la probabilité selon nos modèles de survenance du risque :

Idéalement, le pourcentage affiché correspond à l’exposition en action que vous devez avoir. Cela vous permet de temporiser votre exposition aux actions en fonction de la météo macroéconomique pour le mois à venir.

Enfin, avec l’indice comportemental des maçons, notre modèle vous dit quand sortir et quand revenir sur les marchés en fonction du sentiment des marchés.


Pour résumer, lorsque les quadrants financiers sont à l’orange et que les quadrants économiques sont inflationnistes, vous devez porter bien plus d’attention à l’indice des maçons, car vous savez que vous êtes sur la brèche selon notre modèle.

Enfin, pour savoir quand acheter des actions, nous aimons raisonner sur la base des écarts types par rapport à la tendance de long terme. Dit autrement, une entreprise avec des fondamentaux solides a une tendance de long terme autour de laquelle son cours de bourse oscille. Dès lors, plus vous vous éloignez de la tendance de long terme, plus la probabilité est grande d’y retourner à la hausse comme à la baisse.

Par exemple, une entreprise comme Mac Donald’s, qui a des fondamentaux solides, a un cours de bourse qui est conforme à sa tendance de long terme actuellement :

Toutefois, il y a des moments où l’action sort de son canal pour diverses raisons liées aux aléas des marchés ou à des cygnes noirs comme en 2008 :

Par conséquent, si je m’assure que les fondamentaux de l’entreprise sont bons, je sais que je peux profiter d’un bon point d’entrée.

La lettre d’investissement : La stratégie Grand Angle

C’est pour cela que dans la lettre d’investissement que je co-rédige avec Guillaume ROUVIER, nous analysons une valeur par mois pour nous assurer que les fondamentaux sont bons. Une fois cette partie assurée, nous pouvons regarder sereinement les cours en écart type par rapport à leur tendance, afin d’éventuellement investir. Pour le moment, je reste globalement haussier sur les marchés actions tant que notre modèle ne se retourne pas.

Je sais que la situation va être compliquée à vivre durant les années qui viennent, mais il faut savoir gérer son épargne en fonction de la situation présente, et non telle qu’on l’anticipe. Pour gérer votre épargne, vous avez cette chaîne. Pour ceux qui se demandent comment transformer leur vie, entreprendre ou simplement comment démarrer une réflexion sur leur vie dans le monde d’après, j’ai réalisé cette super interview de Paul DEWANDRE sur ma chaîne Grand Angle Entrepreneur que je vous invite à regarder.

Richard Détente