Comment la Chine appauvrit l’Occident ?

17 mars 2023

Depuis plusieurs années, on parle d’obligations chinoises, parce qu’elles ont très bien fonctionné par rapport aux obligations américaines ou allemandes, surtout l’année dernière.


Sur le graphique ci-dessus, vous pouvez voir qu’elles ont dépassé tous les scores.

Dans une conférence que j’ai fait en duo avec Charles Gave, nous avons expliqué que l’inflation ne montrait pas le bout de son nez avant 2021, parce que nous avions importé la baisse des prix depuis l’Asie pendant 20 ans. 

Depuis l’an 2000, les réserves de change de la Chine ont augmenté de façon spectaculaire. Cela signifie que l’Union européenne et les États-Unis ont obtenu des importations pas chères, en échange de l’émission de dettes qui ont couté que très peu cher, puisqu’elles sont émises en euros et en dollars.

On a donc eu la production chinoise et asiatique contre rien, car la Chine de 2000 à 2015 a également maintenu des taux de change très bas contre l’euro et le dollar. Cela a surpris beaucoup de gens en Occident, qui trouvaient un peu absurde le financement du pouvoir d’achat des européens en maximisant la production industrielle de la Chine aux dépens du niveau de vie de sa propre population, puisque cette production était bradée à l’Occident.

À la surprise générale, la Chine a changé de braquet et a décidé que le yuan pas cher était fini, ce qui a pris tout le monde par surprise.

Comment expliquer l’appauvrissement de l’Occident face à la Chine?

La donation des usines occidentales

Alors que s’est-il passé ?

Tant que la Chine maintenait les taux de change bas, l’Occident se contentait de délocaliser ses usines en Chine et en Asie, pour augmenter le pouvoir d’achat de sa population, sans la faire travailler de trop sa population. D’ailleurs, c’est la Chine qui a financé le passage aux 35 heures des Français, en échange de la désindustrialisation de la France.


Maintenant que les populations asiatiques ont trimé pendant plus de 20 ans et que le gros de la désindustrialisation a été fait, puisque le nombre d’usines dans l’Union européenne a sensiblement baissé, les pays de la zone que j’appelle la Chine étendue ont probablement décidé d’arrêter les frais.

En conséquence, la somme des réserves de change des banques centrales de ces pays commence à diminuer de manière significative.

Si la Chine étendue se dit que c’est une bonne idée de remonter les taux de change du yuan autour duquel tourne toutes les monnaies asiatiques ( En dehors du Japon), nous assisterons à la poursuite de la hausse des obligations chinoises, car le rendement de ces titres pourrait continuer à baisser, ce qui est haussier pour le cours de l’obligation, et l’appréciation du taux de change va pousser les cours de ses actifs vers le haut.

Après les usines, l’union européenne transfère encore une fois sa croissance à la Chine

Le plus triste pour l’Union européenne, c’est que la crise avec la Russie conduit à réorienter les flux d’hydrocarbures russes (anciennement dédiés à l’Europe), vers la Chine étendue. Les Européens financeront deux fois la croissance chinoise ; de 2000 à 2020 on leur a donné nos usines, et de 2020 à 2030, on leur donnera notre énergie.

Dans les deux cas, je rappelle que l’on n’a pas su remplacer l’exportation d’industrie vieillissante par des nouvelles industries et que dans le cas de l’énergie, on ne sait pas non plus remplacer les hydrocarbures russes qui partiront en Chine. L’appauvrissement de l’Union européenne va donc se poursuivre inexorablement.

La fin de l’hégémonie du dollar sur les hydrocarbures

Autre conséquence désagréable : Puisque le marché des hydrocarbures se fragmente au niveau mondial entre un marché occidental et un marché du bloc Russie-Chine, cela accélérera la transition d’un marché d’hydrocarbures en devises hors dollar. C’est super, car la Chine s’emploie depuis des années à mettre tous ses outils en place, pour devenir une place incontournable de cotation du pétrole en yuan avec une convertibilité en or.

La Chine déroule tranquillement sa stratégie avec tout le soutien de l’Union européenne, involontairement certes, néanmoins très efficace et soutenu.

Si vous souhaitez vous protéger du déclin programmé de l’Union européenne et vous exposez aux pays qui sont sur la montante, nous vous proposons une formation gratuite de 7 jours, pour vous donner des bases essentielles pour la protection de votre patrimoine.

Les risques d’investir en Chine

Il est vrai qu’investir en Chine présente des risques. 

Puisque les grandes forces géopolitiques se reconfigurent, il n’est pas étonnant de voir des guerres éclater comme c’est le cas avec l’Ukraine. Ce pays est malheureusement celui dans lequel se déroule un enjeu de puissance, qui concerne les USA et la Russie. Les Ukrainiens en font les frais, mais ils n’ont aucune chance de profiter des gains de puissance qui seront accordés aux vainqueurs de cette crise.

La crise ukrainienne n’est que le premier domino de la grande histoire à tomber et la Chine sait très bien qu’elle est juste derrière la Russie en termes de sujets de préoccupation pour les USA. D’ailleurs, jusqu’à ce que la Russie déclenche le conflit ukrainien, c’était bien la Chine qui était pointée du doigt par Washington comme première puissance rivale dont il se méfiait.

En matière d’investissement, il est peu probable que ce soit la Chine qui prenne des mesures contre ces investisseurs étrangers en obligations, car tout arrivée volontaire de capitaux étrangers vers les obligations chinoises permet d’asseoir la crédibilité du yuan.

Comprenez bien que si l’achat d’entreprise via les marchés actions par des étrangers peut poser un problème de souveraineté, mais ce n’est pas le cas pour les obligations de l’État. C’est pourquoi je peux être prudent avec les actions chinoises, mais je ne suis pas particulièrement inquiet pour mes obligations chinoises.

La monnaie et la propriété des entreprises sont deux sujets différents à ne pas mélanger, par contre la réciproque n’est pas vraie. Si les USA ou l’UE rentrent dans une crise politique aiguë ou pire dans une guerre, il est possible qu’il fasse comme avec la Russie et qu’il gèle les actifs de leur population. Cela peut sembler ironique, car ce sont les pays libres qui seraient le plus promptes à renier le droit de propriété de leur population, mais la crise russe nous a démontré qu’ils en sont tout à fait capables.

Pour mitiger ce risque, nous avons deux grandes pistes : posséder ces titres depuis des institutions à l’extérieur de l’Union européenne et ensuite diversifier cette poche d’actifs anti-fragiles avec de l’or. Pour autant, même si vous ne voulez pas d’obligation chinoise quelle qu’en soit la raison, je ne vois pas pourquoi vous souhaiteriez conserver des euros. Le sujet est donc de protéger votre épargne de cette monnaie unique. Pour ce faire, vous pouvez vous exposer à d’autres devis, cela peut paraître compliqué en France, mais dans un grand nombre de pays, comme la Suisse, avoir un compte multidevise, c’est juste normal.

C’est pour cela que nous vous incitons aussi à prendre un compte à l’étranger, ce dernier peut vous apporter différentes facilités pour faire circuler votre épargne. 

Il reste les actifs tangibles. Lorsque vous achetez des biens réels sans faire du levier avec un crédit, vous pouvez raisonner en termes d’offres et de demandes sur ses biens pour estimer s’ils vont conserver, perdre ou gagner de la valeur indépendamment des turbulences monétaires que les institutions du pays vont vous faire vivre.

La politique monétaire vous fait les poches

N’oubliez pas que ce que l’on appelle la politique monétaire en Europe ou aux USA à essentiellement pour objet de vous prendre ce que vous avez dans votre poche sans vous le dire. Que ce soit par l’inflation ou la déflation, le sujet est d’effacer les dettes de l’État aux dépens de votre épargne.

C’est précisément pour cela que les pays de la Chine étendue ont des réserves de change importantes, avec la crise asiatique, ils ont parfaitement compris qu’avoir des dettes dans une monnaie étrangère, veut dire s’exposer à la politique monétaire américaine qui ne manquera pas de profiter aux investisseurs étrangers en dollars.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à lire cet article sur l’institut des libertés de Charles Gave.

Il se passe la même chose en Turquie. La Turquie a été éjectée à cause de son impossibilité de refinancer sa dette en dollars. Il était tant temps d’emprunter pas cher des USA, pour financer sa croissance, mais lorsque le taux de change se retourne, les dettes deviennent un poison impayable. 

La finance est aussi simple que cela, si vous dépendez trop d’un pays dont vous n’êtes pas le souverain, au bout d’un moment, vous devenez son éternel obligé, jusqu’à ce que faillite s’ensuive. Habituellement, les pays dans cette situation font faillite sur leur monnaie pour purger leur dette. Cela est très courant, mais dans le cas des pays de la zone euro, ce levier a été politiquement supprimé, ce qui revient à être certain que ce ne sont pas les investisseurs qui perdront le gros de l’argent mais bien la population des pays de la zone euro.

Je vous explique dans la vidéo ci-dessous que la Chine et la Russie ont scellé une nouvelle alliance, tout à fait contre-nature dans l’histoire, pour solder leurs comptes avec l’Occident.

Si vous avez aimé cet article, je vous invite à découvrir l’article « La Russie avance, tandis que l’Union européenne régresse » qui explore un sujet complémentaire et passionnant.

Richard Détente