Krach boursier en Chine en 2021 : retour sur les événements

6 mars 2022

Dans ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET et Guillaume ROUVIER, nous avions prévenu nos lecteurs en juillet 2021 de nos anticipations critiques sur les marchés. Selon nos indicateurs, c’était la Chine qui était en train de lâcher en premier. Bien que bénéficiant d’une position économique très favorable dans l’ensemble, la Chine a connu un krach boursier en plein cœur de la saison estivale. Comment se fait-il qu’un pays qui dispose d’autant d’atouts par rapport à l’Occident, ait rencontré de telles difficultés ? Est-ce que les autres marchés boursiers pouvaient suivre ? Pouvait-on craindre une crise financière en Chine en 2021 ? Nous allons revenir sur les causes d’une telle secousse.

Les 3 grandes fausses idées sur le krach boursier chinois de 2021

Cette situation difficile est venue de la convergence de plusieurs problèmes : l’inflation du prix des matières premières, la généralisation des pénuries sur les chaînes de production et la pénurie de main d’œuvre. La seule chose dont on n’a pas manqué, c’était des dollars et des euros fraîchement imprimés…

1 – Une pénurie de matières premières

En ce qui concerne les matières premières, on pourrait penser que nous avons un problème de pic de production, comme nous l’annonce les thuriféraires de la décroissance. L’idée en soit n’est pas bête, loin s’en faut. La croissance de nos sociétés modernes met une grande pression sur l’extraction des matières premières.

L’idée d’un pic de tout n’est pas neuve, or ça n’est pas entré en ligne de mire pour le krach boursier chinois. Lorsque vous passez un pic de production, que ce soit pour le pétrole ou pour toutes autres matières premières, cela prend du temps. Il aura fallut attendre presque 10 ans pour déterminer que le pic du pétrole conventionnel s’est produit en 2007.

2 – Un pic de production qui a été atteint

La production humaine était loin d’être à son maximum, car les confinements répétés en raison du Covid-19 ont fait chuter la consommation de ressources. Le PIB des économies développées n’était donc pas revenu à son niveau d’avant 2020.

3 – La Chine qui rachète toutes les matières disponibles

La Chine a acheté toutes les matières premières en se constituant des stocks stratégiques, du coup, il y a eu des manques. Oui, c’est vrai que la Chine s’est constitué des réserves stratégiques immenses. Que ce soit sur les métaux, les terres rares ou sur le pétrole. La Chine est partout et a su se constituer des réserves colossales. Mais alors comment expliquer que ce soit les marchés chinois qui ont souffert en premier ?

L’entrée en phase de déclin des États-Unis

Pour comprendre les évènements, il faut revenir sur la relation entre les États-Unis et la Chine et garder 2 choses à l’esprit :

  • Les USA sont dans une phase de gestion du déclin.
  • Les USA dépensent plus que ce qu’ils ne gagnent depuis des années et compensent cet écart avec des importations, dont une bonne partie vient de Chine.

Devenus trop riches, les États-Unis n’ont plus voulu consentir à un effort de travail suffisant à partir des années 70 :

Sur un siècle et demi, la tendance baissière est clairement installée depuis le début du 20e siècle. Rien d’étonnant là-dedans, puisque le 19e siècle a été fastueux pour les Américains, avec une croissance déflationniste très forte. Le 20e siècle a vu l’Amérique se transformer peu à peu en rentier. Quant au 21e siècle, il est devenu pour les États-Unis celui du déclin que l’on voit se dérouler peu à peu devant nos yeux.

J’aborde plus en détail la question des cycles de croissance et de déclin des empires dans cette vidéo :

Par contre, la Chine est dans la dynamique inverse. Elle est sortie de l’horreur de la révolution culturelle en 1976 et de la misère à partir des années 2000, pour arriver aujourd’hui à un niveau de vie comparable à celui de l’Occident. Les déficits des Occidentaux sont devenus les excédents de la Chine. Il y a ceux qui bossent et ceux qui profitent. Ce type de transition ou un empire passe devant un autre ne se déroule jamais sans un minimum, voire un maximum de frictions.

Concernant les USA, surtout depuis les années Trump, la Chine a clairement été identifiée comme le principal ennemi. Non loin derrière, la Russie avec sa puissance militaire conventionnelle, et surtout nucléaire, représente aussi une menace potentielle.

Pour autant, pendant le mandat de Trump, le rapport de force avec la Chine s’est situé sur le terrain économique, tandis que Joe Biden semble être beaucoup plus belliqueux. Quelques mois seulement après le début de son mandat, il avait qualifié Vladimir Poutine d’assassin. Concernant la Chine, il a averti que les tentatives de cyber attaques pourraient se traduire par des réponses militaires bien réelles. Si vous trouviez que Trump était dangereux, Joe Biden semble bien lui voler la vedette sur ce terrain. Ces réactions sont classiques d’un empire qui gère son déclin.

Sur le plan monétaire, c’est la même chose. D’un côté, les USA étendent leur droit à l’international sous prétexte que les étrangers utilisent le dollar pour mieux coller des amendes à tout le monde. De l’autre, la Chine progresse doucement sur l’internalisation de son yuan. Ce sont deux dynamiques bien différentes.

Chute de la bourse chinoise : un gouvernement partagé entre centralisation et nécessité d’innover

Le grand problème que le gouvernement chinois tente de concilier est le rapport entre centralisation et innovation. Ce n’est pas un petit défi, car la centralisation du pouvoir fonctionne bien lorsque vous êtes dans une économie de rattrapage. Cependant, lorsque vous prenez la première place et que copier ne suffit plus, il faut être capable de faire confiance à vos citoyens pour innover.

Or, innover consiste essentiellement à semer le désordre à court terme pour trouver des voies de croissance à long terme. Alors oui, la Chine planifie son développement et agit en stratège sur les marchés des matières premières pour que son économie puisse se développer. Mais voilà, dans le même temps, quand Jack Ma veut disrupter le crédit bancaire le gouvernement chinois l’envoie ramasser des patates. Elle s’attaque aussi aux écoles privées sous prétexte de l’égalité des chances.

Donc le marché est pris en tenaille. Il est partagé entre l’enthousiasme de disposer d’une zone de stabilité économique gérée convenablement et la crainte que le gouvernement chinois ne soit pas capable de pousser le potentiel de la Chine, en bloquant l’innovation pour des raisons idéologiques. Les investisseurs étant frileux par nature, ils commencent à quitter le navire lorsque le risque revient sur les marchés.

Restriction du crédit plutôt qu’impression monétaire : la méthode du PCC pour contrôler sa crise financière

Si vous disposiez de Neystor – ma plateforme d’assistance à la gestion libre en ligne – vous avez pu voir l’indice des maçons passer au rouge le 5 juillet :

Pour rappel, l’indice des maçons est un indice de sentiment des marchés qui a pour ambition d’anticiper les retournements. Du 5 au 27 juillet, l’indice de Hong Kong a perdu 11 %, et l’indice des maçons a lui aussi plongé.

Vous aurez également remarqué que cet indice avait déjà commencé à rougir fin 2020 avant de se reprendre. Pourquoi est-ce que je ne vous en ai pas parlé à l’époque ? Tout simplement car notre indicateur macroéconomique, les quadrants financiers, était au vert foncé sur la région entre septembre et octobre.

Les quadrants financiers nous donnent l’état macroéconomique du monde, tandis que l’indice des maçons est un indice comportemental sur les marchés. Les deux doivent fonctionner ensemble.

Pour tout vous dire, à l’époque, c’est la vitalité du commerce mondial qui a sauvé les marrons du feu pour la Chine. C’est un point très important à comprendre ici. En période de crise, la Chine a tendance à tenir les rênes et à ne pas monétiser les crises. Pas d’impression monétaire. Donc ce sont les entreprises qui trinquent jusqu’à s’ajuster aux nouvelles conditions économiques. D’ailleurs, c’est principalement à ça que les crises servent. La Chine préfère soutenir sa monnaie à long terme plutôt que ses entreprises à court terme.

À l’inverse, lorsque l’économie est en surchauffe comme aujourd’hui, le yuan à tendance à s’apprécier. Dans ce cas, la Chine resserre les conditions de crédit pour maîtriser sa monnaie :

C’est exactement ce qui s’est passé début juin et le yuan n’a pas manqué de s’assagir. Nous avons vécu une période critique sur les marchés.

Depuis début juillet, le Nasdaq ne montait plus :

Tout comme le CAC40 :

Le SP500, quant à lui, a gagné 2 % mais le risque était très présent. De nombreux investisseurs sont passés en risk off et ont commencé à se retirer gentiment des marchés.

La lettre d’investissement : la Stratégie Grand Angle

Dans ma lettre d’investissement que je coédige avec Didier DARCET, nous avions donné des anticipations très claires pour nos lecteurs. Nous vivons une période très instable où le risque est élevé. Je sais bien que le dicton boursier nous dit que les krachs n’arrivent jamais le dimanche et toujours en octobre. Cependant, le mois d’août a été propice aux mauvaises surprises car beaucoup d’investisseurs relâchent leur attention durant cette période.

Richard DÉTENTE

Sources :