L’impression monétaire des banques centrales : cause majeure de l’inflation

3 avril 2022

Les banques centrales américaine et européenne ont recours à l’impression monétaire à tour de bras depuis 20 ans, et tout le monde sait que cela aura forcément un impact négatif tôt ou tard. La question est de savoir : quel point de vue adopter sur cette dégradation, quand les marchés financiers semblent envoyer des signaux contradictoires ? En d’autres termes, les bourses occidentales ont enregistré les meilleures performances cette année, tandis que les marchés asiatiques ont eu du mal à émerger. Pourtant, ce sont eux qui impriment le moins.

Dans le cas des États-Unis, le krach de mars 2020 semble même être déjà une anecdote dans l’histoire des marchés américains.

Alors, si imprimer de l’argent permet d’assurer la hausse des marchés et la richesse du peuple qui a une épargne en bourse, pourquoi suis-je aussi précautionneux sur les marchés actions ?

Les différentes formes d’impressions monétaires

La première raison c’est que je reste convaincu, en dehors de tout discours sur la monnaie magique et autre nouvelle théorie monétaire moderne, que la richesse se crée par l’innovation et le travail.

Je peux me tromper, mais je ne peux pas renoncer à cette base intellectuelle. C’est ma boussole pour juger de ce qui marche durablement, de ce qui est factice. En partant de cette base, cherchons à expliquer pourquoi les marchés montent en Occident et stagnent en Asie.

Tout d’abord, prenons comme hypothèse que l’impression monétaire se constate de façon consolidée sur la taille des bilans des banques centrales. Le principe est simple : pour imprimer de l’argent, un État peut le dépenser par son budget annuel comme c’est le cas pour les stimulus checks. Cette dépense se traduit en déficit dans les comptes du gouvernement et au final, comme les marchés financiers ne sont plus très friands des dettes américaines et européennes, cette dépense finit sous forme d’obligations rachetées par la FED ou la BCE. 

Ensuite, un État peut imprimer de l’argent sous forme de programmes d’aide aux banques, ou a tout secteur financier qui en a besoin. C’est toute l’histoire des quantitative easing et autres LTRO (long term refinancing operation soit opération de refinancement de long terme) mais au final, ces dépenses se retrouvent aussi dans le bilan des banques.

Création monétaire et inflation

Une des façons d’imprimer de l’argent qui ne finit pas dans le bilan des banques centrales, c’est l’inflation. Pour simplifier, partons du principe que le cycle inflationniste vient tout juste de démarrer. Voici à quoi ressemble le total du bilan de la FED :

Et voici celui de la BCE :

C’est sensiblement la même histoire. Une multiplication par 8 environ depuis 2000.

Maintenant, faisons une expérience, exprimons le prix du SP500 en argent imprimé par les USA.

Logiquement, à chaque fois que l’on rentre dans une grande phase d’impression monétaire, la valeur du SP500 exprimé en monnaie magique chute.

Peut-on aller jusqu’à dire que les chutes du SP500 sont effacées par la monnaie magique de la FED ?

Je vous le montre autrement avec un autre graphique :

En 2007, nous sommes dans l’explosion de la bulle des subprimes. Logiquement, la purge des fausses valeurs aurait dû être énorme. Souvenez-vous qu’à l’époque, on craignait que le système financier ne s’effondre.

Les banques centrales rentrent en action en septembre 2008 et pas plus de 2 ans plus tard, le SP500 a effacé ses pertes :

Cela tient du prodige pour une crise qui aurait dû être existentielle.

Pourtant, si on regarde notre indicateur SP500/ FED Total asset (total des actifs de la FED), on constate une division par 4 de la valeur du SP500, bien plus en ligne avec ce à quoi nous nous attendions :

D’ailleurs, exprimé ainsi, le SP500 n’a jamais retrouvé son niveau d’avant crise.

Même au plus haut, juste avant la crise des mesures anti-Covid, il était toujours 2 fois plus bas par rapport à 2007. Sur cette phase, nous pouvons donc accorder aux marchés américains une période de croissance de rattrapage entre 2008 et 2020, mais sur des niveaux bien plus bas.

Enfin, nous avons rejoué le même scénario durant la pandémie de covid-19, à un détail près tout de même : la crise n’est pas finie. Raison pour laquelle les programmes d’aides ne sont toujours pas terminés et que la monnaie magique se diffuse dans l’économie. Ensuite, cet hélicoptère monétaire se transforme rapidement en inflation qui vient détruire la valeur de la monnaie.

La Chine quant à elle renonce au quantitative easing

Il est intéressant d’observer que la Chine s’est désolidarisée des politiques monétaires de l’Occident en 2015, suite à la crise des subprimes.

Le changement de cap est très clair :

La hausse du bilan de la Banque populaire de Chine s’est arrêtée en 2014-2015.

Durant la pandémie, même avec des mesures de confinement très strictes mises en place par le gouvernement chinois, la Chine a renoncé à se lancer dans une politique monétaire expansionniste.

Globalement, la hausse de 18 % de la taille du bilan de sa banque centrale correspond plutôt pas mal à la croissance du pays.

Par contre, il est intéressant de voir que les marchés financiers chinois, que ce soit Hong Kong ou Shanghai, sont en croissance raisonnable depuis 2014. Environ 3 % par an, soit à peu près la même chose que le bilan de la banque centrale. 

Bien que la croissance annoncée en Chine soit supérieure à 3 % sur les 5 dernières années, cela reste des ordres de grandeurs proches, raisonnablement similaires.

C’est pour cette raison que je dis souvent que la Chine préfèrera toujours sa monnaie à ses marchés actions. Ce qui permet à ces mêmes marchés de pas être surcotés en retour.

Les solutions efficaces pour protéger son épargne de l’inflation

Le risque sur les marchés boursiers occidentaux est très important aujourd’hui. Nous avons des marchés gonflés à la dette et une inflation qui pointe le bout de son nez qui risque d’attaquer les marchés durement.

Les obligations chinoises

Je persiste à dire qu’en termes de marchés financiers, le premier objectif aujourd’hui est de ne pas perdre. Alors faisons le tour des actifs à notre disposition pour notre épargne. Puisque nous parlons de la Chine, le marché obligataire chinois joue parfaitement son rôle de valeur refuge depuis plusieurs années :

La courbe des taux en Chine est une des dernières au monde à avoir des taux positifs et une évolution déflationniste, donc en somme, tout ce que l’on demande à une courbe des taux.

L’or

Ensuite, nous avons l’or qui sous-performe par rapport à ce que nous pouvons escompter. Mais si vous avez construit progressivement votre compartiment en or ces dernières années, vous n’avez pas pris de risques et vous êtes globalement largement gagnant :

N.B. : Le prix de l’or ne monte pas dans l’histoire. Une hausse de l’or signifie que ce sont bien les monnaies qui baissent.

La cryptomonnaie bitcoin

Plus récemment, je me suis également intéressé au bitcoin et j’ai découvert un actif tout à fait intéressant. J’en ai parlé dans ma lettre d’investissement de mars 2021 à mes lecteurs. Je savais bien à l’époque que le bitcoin était probablement cher. Pour autant, l’intérêt des bulles c’est de donner l’envie de s’intéresser à de nouveaux actifs. J’ai donc proposé une méthode d’investissement progressif qui a porté ses fruits. En août 2021, nous étions à + 8,6 % sur le bitcoin.

Au-delà de ça, la hausse du bitcoin doit nous interroger. Pour être clair, les risques de voir le bitcoin tomber à 0 sont importants car c’est un actif nouveau qui n’a qu’une dizaine d’année. Pour autant, comme les gains potentiels sont très élevés, ne pas s’y intéresser est une erreur.

Gestion de portefeuille financier : les bonnes techniques

Lorsque vous gérez un portefeuille, il faut comprendre une chose importante. Ce sont les gains potentiels et l’analyse fondamentale de la valeur qui doivent vous faire prendre la décision d’investir ou non.

Dans un second temps, la nature risquée ou non de cet actif vous permettra de donner la pondération de cet actif dans votre portefeuille. En gros, si un actif est risqué sans espoir de gains, alors il faut l’éviter à tout prix. Pour ce que j’en pense, la dette des USA et d’un grand nombre de pays européens font partie de cette catégorie. Ce compartiment, c’est l’endroit où il ne faut pas être.

Si un actif est peu risqué sans espoir de gains, ce sera un poids mort dans votre portefeuille. C’est le cas du cash à court terme. Lorsque vous êtes en cash pour quelques semaines, cela pèse sur votre performance sans vous empêcher de dormir.

Si un actif est risqué avec de gros espoir de gains, c’est un actif à pondérer selon votre profil de risque. C’est le cas de bitcoin. Si je suis dans une optique de conservation de mon patrimoine j’en mettrai à petite dose. Au contraire, si je suis un parieur invétéré, j’en prendrai énormément pour tenter de devenir un crypto-millionnaire qui mange des céréales sur le plan de travail de ma cuisine.

Enfin, si un actif est peu risqué mais avec de forts espoirs de gains, eh bien, aujourd’hui, ça n’existe pas vraiment à ce que je sache. Mais si vous le trouvez, vous pouvez le surpondérer et croiser les doigts de ne pas vous être trompé.

Bitcoin, la meilleure valeur refuge ?

Pour les plus fans, dont je ne fais pas (encore ?) partie, Bitcoin appartint à cette catégorie si vous êtes prêt à le garder longtemps. Pour ma part, je pense que Bitcoin est un actif en construction. C’est ce qui explique que sa valeur augmente sans cesse. Il est toujours en phase de croissance. Pour autant, fondamentalement, il se nourrit de cette crise de la monnaie magique car la promesse ultime de Bitcoin, c’est la confiance dans une technologie de la valeur.

Le yen japonais : une monnaie antifragile

Bien que le bilan de la banque centrale du Japon ait explosé durant ces 20 dernières années, il y a une différence notable avec les États-Unis et l’Europe.

Les Américains et les Européens rachètent progressivement les dettes détenues par des investisseurs étrangers pour les transférer sur leur propre population. Le Japon fait l’inverse, il transfère la dette détenue par sa propre population sur sa banque centrale. Dit autrement, il centralise sa dette nationale détenue en interne depuis déjà 20 ans.

Par ailleurs, le Japon a une balance extérieure largement excédentaire, tandis que les USA sont de plus en plus dépendants des importations étrangères. Si cela vous intéresse d’en savoir plus sur le yen, je lui consacrerai un dossier dans ma prochaine lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET.

L’immobilier : un bon placement pour se protéger du retour de l’inflation ?

Enfin, pour ceux qui se posent la question de l’immobilier, je pense que c’est une classe d’actif qui peut être robuste sous certaines conditions. Les dangers restent néanmoins très présents. En effet, l’immobilier est sensible à l’inflation via l’impôt sur les plus-values. Mais surtout, il reste exposé à tous les sévices que les États peuvent lui faire subir car l’immobilier ne se transporte pas au-delà des frontières.

En résumé

Je pense que les marchés actions sont séduisants par les gains qu’ils affichent, mais en contrepartie, le risque de perte de valeur est très important. Au final, l’espérance de gains, c’est-à-dire le potentiel de hausse ramené au potentiel de perte n’est pas bon aujourd’hui. C’est pour cela que je travaille avec Didier DARCET qui construit des outils pour faire de la gestion de risque sur les actions. Autant je ne m’inquiète pas pour l’or, les obligations chinoises et même pour le bitcoin (dont je comprends les risques), mais pour les marchés actions, l’histoire est toute autre.

Tout le monde sait intimement que cette politique de la planche à billets risque de mal se terminer, car la dérégulation monétaire s’est toujours très mal passée au cours de l’histoire. À date, il n’y a pas eu de contre-exemple. Lorsque la musique continue de jouer sur le Titanic, il y a ceux qui font la fête et ceux qui gardent un œil attentif sur les canots de sauvetage, quitte à manquer quelques petits fours. Peu importe le camp que vous choisissez, le plus important est d’être conscient du choix que vous faites.

Cliquez sur cette vidéo pour en savoir plus sur la collapsologie d’après Ray Dalio, le célèbre fondateur du fonds d’investissement Bridgewater. Pour lui, la monnaie est le dernier rempart avant l’effondrement d’une civilisation :

Richard DÉTENTE