Gestion des dépenses publiques : les cancres vs les champions

26 novembre 2021

Parvenir à maintenir l’équilibre économique au sein d’une nation est une tâche ardue. La gestion des dépenses publiques peut notamment constituer une épreuve pour les gouvernants. Dans une interview accordée à la chaîne CNBC, le célèbre financier Stanley Druckenmiller a annoncé le déclin des États-Unis. D’après lui, le dollar n’est maintenant plus en mesure d’être la monnaie de réserve mondiale. Tour d’horizon de la question à travers les exemples de la Suisse, de la France et de l’Oncle Sam.

Gestion des dettes publiques

Nom : déficit américain / Description : graphique montrant la mauvaise gestion des dettes des USA et leur déficit de 1975 à 2020
La gestion des dettes est un véritable casse-tête pour les États. Les États-Unis sont en déficit chronique depuis les années 1980. Source : FRED

Pour commencer, il faut mentionner la question de la gestion des dettes des États. Si elles ne sont jamais remboursées, il faut alors déduire celles qui sont contractées annuellement de la croissance économique. Cela permet d’obtenir une sorte de création de la valeur nette. À ce titre, les États-Unis sont en déficit chronique depuis le début des années 1980 (entraînant une perte d’équilibre). Comment cette dynamique malsaine s’est-elle manifestée ? Par les mesures anti-COVID-19, qui ont certes accéléré le processus, mais l’origine est bien plus ancienne. Qu’en est-il des réalités de la dette externe/interne et du rôle de la Fed ?

Dette publique externe : attention aux déséquilibres

Il convient avant toute chose de préciser qu’une dette peut ne pas être remboursée mais qu’elle est toujours payée. Dès lors, il faut faire une distinction entre dette externe et dette interne. Pour la première, lorsqu’un pays ne s’acquitte pas de son dû envers ses créanciers étrangers, à cause d’une mauvaise gestion et d’un contrôle des dépenses déficient, les conséquences sont multiples. Le plus souvent, les prêteurs étrangers perdent confiance en cette monnaie dévaluée. Dans de plus rares cas, c’est le prétexte pour une déclaration de guerre. Et pour la seconde ?

Dette publique interne : un contrôle des dépenses indispensable

Pour la dette interne, retenez qu’elle est payée au moment de son émission. Le cas échéant, si un emprunt est fait auprès de telle personne (dette) pour en créditer une autre (subvention) via l’intervention de l’État, deux résultats contraires peuvent apparaître. Soit de la richesse a été créée, soit le capital a été mal alloué. Mais il ne s’agit ici que d’un transfert de richesse interne au pays. Ne pas rembourser, c’est faire le constat d’une mauvaise allocation du capital et d’un appauvrissement généralisé de la nation. C’est le symbole d’une gestion économique ratée. En revanche, le moment où la valeur a été détruite par le pays correspond à celui où le transfert a été opéré et pas à celui où le comptable constate la perte.

La crise du COVID-19 est sans précédent et a entraîné un financement exceptionnel de la Fed et la BCE. Malgré tout, rembourser les dettes émises par ces banques centrales n’a aucun sens.

L’impression monétaire est un impôt non voté par le peuple

M. Druckenmiller nous explique que la banque centrale américaine agit à mauvais escient, ce faisant, elle met en danger la position dominante du dollar. Fixer les taux d’intérêt consiste à assurer directement le financement d’un l’État par sa banque centrale. Pour le dire autrement, comme personne ne s’aventure à prêter de l’argent aux États-Unis ou à l’Union européenne, alors les gouvernements américain et européen ont décidé de lever un impôt sans concertation sur leur population, sous forme d’impression monétaire. Il s’agit d’une dérive grave, bien éloignée du slogan des Britanniques au XIVe siècle : « Pas d’impôts sans représentation », qui a servi de base aux futures démocraties de l’Ouest.

Le financier américain constate ce phénomène sous l’angle des marchés obligataires. Selon lui, le dollar n’a plus la capacité à être la monnaie de réserve mondiale, car son pays émetteur a perdu en crédibilité. Et la question de la gestion de la dépense publique (et de sa fiscalité) est primordiale à ce sujet.

Gestion des dépenses publiques

Nom : dépenses publiques en augmentation aux USA / Description : tapis de billets de 1 $ éparpillés, symbole d'une gestion discutable
Attention au contrôle des dépenses ! Les États-Unis recourent de plus en plus à l’impôt. Source : Unsplash

La gestion de l’impôt est une façon, parmi d’autres, d’évaluer l’efficacité d’un système. Si l’impôt est à 0, c’est anarchie libérale ; s’il est à 100 %, c’est le cauchemar communiste. Un équilibre doit donc être trouvé entre ces deux extrêmes, voici 3 études de cas en prenant référence sur 3 pays : la Suisse, la France et les États-Unis. Pourquoi le premier est un pays convenablement géré, alors que le deuxième est le champion international de la dépense publique et que le dernier ne parvient qu’à se situer entre les deux ?

La Suisse a trouvé son équilibre

La Suisse peut se targuer de n’avoir une dépense publique que de 33 % par rapport au PIB, celle-ci devrait se maintenir en dessous des 40 % avec la crise. L’État helvétique pourra rétablir ses comptes et parvenir à l’équilibre, car c’est le seul des trois pays à avoir des budgets annuels excédentaires. Sa bonne gestion est exemplaire contrairement aux deux autres.

La France est un cancre en gestion des dépenses

La France ne joue pas dans la même catégorie de gestion. Elle est championne du monde de la dépense publique (qui représentait 56 % de son PIB avant la crise sanitaire). En 2021, le pays dépassera les 65 % pour se stabiliser à plus de 60 % à la fin de l’épisode COVID. L’État se rapproche dangereusement du moment où ce poids supprimera tout espoir de création de valeur par le secteur privé qui est lourdement imposé, éliminant tout espoir d’équilibre.

Les États-Unis recourent massivement à l’impôt

L’abus de l’impôt tue le présent, l’abus du crédit dévore l’avenir.

CITATION DE GEORGES HUMANN

Au milieu se situent les États-Unis. La dépense publique du pays représente en moyenne de 38 % du PIB, mais avec les mesures anti-COVID, ce chiffre s’élève aujourd’hui à environ 45 %. Il semble difficile d’imaginer comment les USA pourraient réduire le poids de l’État à court terme et parvenir à un meilleur contrôle des dépenses. En effet, les budgets sont en déficit chaque année et l’administration Biden augmente les impôts et les dépenses fédérales. En résumé, ils auront certainement une hausse du PIB, mais pas de la richesse. Comment le système de gestion des taxes fonctionne-t-il dans ces pays ?

Gestion fiscale ou entrepreneuriale ?

Nom : équilibre de la création de valeur / Description : statue de la justice avec la balance, devant un service des impôts
Trouver le juste équilibre pour créer de la richesse, entre l’impôt et les entreprises. Source : Pixabay

Pour simplifier, la richesse est créée par les entreprises, puis les actionnaires se paient en dividendes ou en salaires. Ainsi, pour 100 € de chiffre d’affaires, il faut déduire au départ la TVA et l’impôt sur les sociétés pour l’entreprise. Puis, il faut ajouter l’impôt sur le revenu, pour que les actionnaires perçoivent un revenu de consommation. Comment calculer les bénéfices de l’entreprise ? En cumulant la TVA et l’impôt sur les sociétés. La TVA peut être ajoutée à la fiscalité des entreprises, car si elle disparaissait, celles-ci augmenteraient leurs prix.

Deux « écoles » de gestion de l’économie s’affrontent. D’un côté les pays qui estiment que ce sont les entreprises qui créent de la valeur. Ce sont alors les actionnaires et les salariés qui en profitent. Dès lors, les sociétés doivent être peu taxées pour qu’elles puissent réinvestir, alors qu’il faut augmenter la charge sur la distribution de leurs revenus. De l’autre côté, il y a ceux dont les dirigeants pensent que l’État crée de la richesse à travers l’impôt. Dans ce cas, il est préférable de taxer davantage les entreprises et moins les revenus des personnes. Panorama des différences de traitement entre les trois pays étudiés, en commençant par la Suisse.

L’impôt juste de la Suisse

En Suisse, la TVA s’élève à 7 % et l’impôt sur les sociétés à 14,5 % (soit un total de 21 %), et pas de flat tax (impôt à taux unique). C’est-à-dire que les revenus du capital sont imposés sur le barème progressif. En outre, le pays taxe la fortune mais pas les plus-values. Sa dernière tranche d’imposition est de 40 %. Ainsi, les personnes riches paient moins d’impôts en France qu’en Suisse, en mettant de côté le cas particulier du forfait fiscal. Cette très bonne gestion économique suisse favorise donc les entrepreneurs pour qu’ils réinvestissent. Et du côté de la France et des États-Unis ?

France/USA : une gestion fiscale inégale

En France, les entreprises payent 20 % de TVA et 28 % d’impôt sur les sociétés (soit un total de 40 %). Pour les États-Unis, la TVA (ou équivalent, selon les États) est d’environ 7 %, à cela s’ajoute 28 % d’impôt sur les sociétés (soit 31 % en tout). Une particularité à souligner pour ces deux nations : les actionnaires bénéficient d’une flat tax de 30 % sur les revenus en dividendes. Conclusion : les revenus personnels du capital sont moins taxés que les entreprises. Cela favorise les rentiers (comme les retraités) plutôt que les salariés (alors que la Suisse a la réputation d’être un paradis fiscal) ! La gestion des États-Unis s’éloigne du modèle suisse avec l’administration Biden pour se rapprocher du français. Il convient à présent de dresser un bilan.

La gestion étatique, un choix déraisonnable

Selon nous, ce sont les entreprises et le travail qui créent la richesse, pas l’impôt. Il nous semble donc aberrant d’attribuer à l’État le pouvoir de juger de la pertinence de tel ou tel projet économique. En effet, les gouvernants ne prennent pas de risques. Comment cela s’illustre-t-il ? Par la prise de mauvaises décisions et une gestion calamiteuse.

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Richard Détente