Faillite d’Evergrande aux USA
Le 17 août, la nouvelle a fait surface : Evergrande, le géant de l’immobilier chinois, a déclaré faillite aux États-Unis. Les chiffres alarmants s’accumulent, avec 300 milliards de dettes en jeu, dont 100 milliards semblent irrécouvrables. Cette situation soulève des inquiétudes quant à la stabilité économique de la Chine, notamment en raison du poids considérable du secteur immobilier, qui représente près de 25 % du PIB chinois. De plus, quel risque systémique Evergrande pourrait-il représenter pour les économies occidentales, sachant que la Chine reste le moteur de la croissance mondiale ?
Pour une analyse approfondie, il convient d’examiner ces questions les unes après les autres. Tout d’abord, il est important de noter qu’Evergrande n’est pas véritablement en faillite au sens où l’entreprise ne liquide pas encore ses activités. Elle s’est plutôt placée sous la protection du chapitre 15, une procédure de sauvegarde destinée aux entreprises multinationales lorsque des enjeux de dette touchent plusieurs pays, y compris les États-Unis. Certes, cela n’annonce rien de bon, mais pour être précis, Evergrande utilise cette démarche pour gagner du temps en vue de restructurer sa dette.
En effet, Evergrande est endettée à hauteur de 300 milliards de dollars, et une partie de cette dette sera probablement radiée. Deux questions capitales se posent alors : qui assumera ces pertes ? De plus, est-ce qu’Evergrande, ainsi que d’autres entreprises du secteur qui se trouvent dans la même situation, causeront suffisamment de perturbations pour impacter l’économie chinoise de manière significative ? En fin de compte, ce qui nous préoccupe davantage est de savoir si l’Europe sera touchée.
Naturellement, de nombreuses incertitudes subsistent concernant ces questions. En ce qui me concerne, en tant qu’investisseur dans les obligations chinoises et la monnaie chinoise, je verrais d’un bon œil une véritable faillite d’Evergrande.
Qu’est-ce qu’une faillite ?
Cela sous-entend avant tout que les conséquences de cette situation se manifestent de la manière suivante :
Premièrement, les actionnaires subissent effectivement la perte totale de leur investissement.
Deuxièmement, les prêteurs professionnels tels que les banques et autres investisseurs subissent également des pertes en capital.
Troisièmement, si les dirigeants de cette entreprise sont responsables de fautes, ils doivent répondre de leurs actes devant la justice.
Enfin, il est crucial que les clients qui ont versé des acomptes soient effectivement indemnisés d’une manière ou d’une autre.
En établissant ces trois premiers critères, on respecte simplement le principe fondamental du capitalisme. Il est important de noter que si les actionnaires et les créanciers ne subissent pas de pertes financières, cela corrompt le système, créant ainsi ce que l’on appelle «l’aléa moral », qui mine inévitablement l’économie à long terme. Il en va de même pour la responsabilité des dirigeants.
Contrairement à ce que l’on peut entendre au sujet des risques systémiques liés à une telle faillite, il convient de rappeler qu’Evergrande n’est pas une institution bancaire. À aucun moment, quiconque n’a promis aux actionnaires et aux prêteurs obligataires qu’ils étaient à l’abri des risques. Au contraire, leur rémunération, que ce soit sous forme de bénéfices partagés ou d’intérêts, est justifiée par la prise en compte de ce risque de faillite. En somme, il s’agit simplement de la réalité normale du capitalisme. Si des banques ont commis des erreurs en prenant trop de risques, alors nous assistons à un cycle de faillite contrôlée, et ainsi de suite.
Cependant, pourquoi donc les marchés s’inquiètent-ils ?
Pourquoi la faillite d’Evergrande inquiète les marchés ?
En raison de la société Zhongzhi Enterprise Groupe, qui gère un portefeuille d’actifs s’élevant à plusieurs dizaines de milliards dans le secteur du shadow banking, permettez-moi de vous expliquer brièvement. En termes simples, pour financer leurs opérations, les entreprises ont deux options à leur disposition. La première consiste à recourir au système bancaire traditionnel, soumis à une réglementation stricte et sous le contrôle étroit de l’État. La seconde voie implique tous les acteurs financiers qui ne sont pas des banques, tels que les fonds d’investissement, les family offices gérant d’importantes fortunes, et toute autre entité financière opérant dans le financement des entreprises, mais en dehors du cadre réglementaire bancaire. On désigne ce secteur sous le terme de « shadow banking », non pas parce qu’il serait illégal ou secret, mais parce que ses activités sont similaires à celles des banques, bien qu’elles ne soient pas soumises à la même régulation.
Le contrôle de ce secteur est d’autant plus complexe depuis la généralisation de la titrisation, qui consiste à transformer ces titres financiers en produits dérivés pouvant être vendus morceau par morceau. Cette démarche permet à ces produits financiers de se diffuser potentiellement dans diverses directions. Il est de notoriété publique que la société Zhongzhi Group est fortement exposée au secteur immobilier, qu’elle pèse plus de 100 milliards de dollars et qu’elle opère dans le domaine du shadow banking, avec toutes les incertitudes que cela peut entraîner.
En effet, en Chine, cette affaire suscite de vives inquiétudes et a pris l’allure d’un véritable feuilleton. Le 3 août, un lanceur d’alerte, potentiellement un employé, a fait état de pertes irrécupérables d’environ 30 milliards de dollars. Bien que la source soit en chinois, cette information est relayée. Il y a également des enregistrements audios clandestins, ce qui ne fait qu’accentuer les inquiétudes, car Zhongzhi est l’endroit où de nombreux millionnaires et milliardaires placent leurs avoirs. Toutefois, selon les informations dont je dispose et les sources que je connais, qui suivent de près la situation en Chine, il semble que les autorités chinoises aient anticipé ce risque de manière significative. Si j’en suis informé, de nombreuses autres personnes le sont également.
De plus, à ce jour, il est estimé que le secteur du shadow banking représente au maximum moins de 10 % du système bancaire chinois. Cela reste donc une proportion importante, mais gérable dans l’ensemble. Par ailleurs, Ray Dalio, le brillant fondateur de Bridgewater, le plus important fonds obligataire au monde, a identifié de manière approfondie les excès de l’économie chinoise. Il a récemment expliqué dans un post sur LinkedIn, ainsi que plus largement dans son ouvrage « Big Debt Crisis », que les cycles d’expansion et de contraction de la dette font partie intégrante des tendances à long terme. Dans ce contexte, que nous révèle Ray Dalio à propos de la Chine ?
La Chine n’a pas de soucis à se faire – Dette interne vs Dette externe
Bien que la Chine doive maintenant entrer dans une phase de désendettement après avoir poussé fort pendant quelques années, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Pourquoi, me demandez-vous ? C’est parce que la Chine détient d’importantes créances en monnaie étrangère, tandis que sa dette intérieure est détenue par des individus fortunés ayant investi dans des obligations chinoises, ainsi que par ses institutions financières.
En effet, la Chine affiche une dette totale équivalente à environ 250 % de son PIB, ce qui est globalement similaire à la situation des États-Unis. Cependant, il est essentiel de noter que la dette chinoise est principalement détenue à l’intérieur du pays. De plus, la Chine dispose de réserves de change de l’ordre de 3 000 milliards de dollars et d’un excédent commercial d’environ 2 % de son PIB, ce qui signifie que c’est le monde qui finance la Chine, et non l’inverse.
Cette situation implique que la Chine pourrait choisir de sacrifier une partie de sa croissance pour maintenir la stabilité de sa monnaie, qui représente sa crédibilité dans sa sphère d’influence, à l’instar de la politique adoptée par l’Allemagne entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création de l’euro. Cela pourrait potentiellement avoir un impact sur la croissance aux États-Unis et en Europe.
Par ailleurs, la dette en Chine n’est pas nécessairement un problème, car cette dette est détenue par sa population. Contrairement à une dette externe détenue par des étrangers, une dette interne se rembourse au moment de l’émission de la dette. En d’autres termes, lorsque la Chine contracte une dette interne pour financer des projets tels qu’un pont ou un immeuble, la richesse est transférée au moment du prêt, dès le premier jour. Par la suite, la rentabilité de cette dette dépendra de la création de richesse générée par ces projets.
En conclusion, la situation en Chine peut être gérée avec succès si les dirigeants prennent les bonnes décisions. Ils pourraient opter pour une politique de désendettement en laissant les entreprises peu performantes faire faillite, tout en veillant à ce que les pertes n’affectent pas les mauvaises personnes. Le défi réside dans la gestion du risque moral et dans la préservation de la crédibilité de la monnaie.
C’est pourquoi, dans ma lettre d’investissement que je corédige avec Didier DARCET et dans toutes les vidéos que j’ai réalisées sur la Chine avec Charles GAVE, nous préconisons d’investir dans les obligations chinoises plutôt que dans les actions chinoises. Cette approche tient compte du fait que la performance des marchés boursiers américains s’est réalisée au détriment du dollar, tandis qu’en Chine, comme en Allemagne avant l’euro, c’est l’inverse qui se produit.
Si vous aspirez à sécuriser vos finances et à prendre des décisions éclairées dans le monde complexe des investissements, ne cherchez pas plus loin. Notre lettre d’investissement est votre alliée pour naviguer avec succès dans les eaux financières tumultueuses. Comme nous le démontrons avec la Chine, la prudence et la vision à long terme sont essentielles pour prospérer. Abonnez-vous dès maintenant pour bénéficier de nos analyses pointues et de nos recommandations stratégiques, et soyez prêt à protéger et à faire fructifier votre patrimoine.
Pour la Chine, tout cela signifie qu’en agissant de manière judicieuse, elle peut entrer dans un cycle de désendettement visant à éliminer les « canards boiteux » économiques.
Vous aurez peu de croissance et vous serez heureux
Il est crucial de comprendre que la stratégie de croissance de la Chine visant à maintenir un taux de croissance annuel de 5 % afin de garantir la stabilité sociale était une réalité des années 2000, voire des premières années de la décennie 2010. Ce compromis tacite était bel et bien en vigueur, car en moins de 20 ans, la Chine a réussi à déplacer environ 200 millions de personnes des campagnes vers les villes. Il était donc impératif de fournir des emplois à cette immense population migrante. Aujourd’hui, cette grande migration est pratiquement achevée, ce qui permet à la Chine de se recentrer sur la gestion efficace de son territoire.
L’objectif désormais est de garantir la qualité des écoles et des services publics à un coût raisonnable, de cibler les programmes sociaux pour les personnes qui en ont réellement besoin, d’assurer une gestion financière rigoureuse pour les entreprises, et de veiller à ce que les banques remplissent correctement leur rôle. Pour atteindre ces objectifs, il n’est pas nécessaire de maintenir un taux de croissance annuel de 8 %. Un exemple illustratif est la Suisse, dont je parlerai plus en détail prochainement. Ce pays affiche une croissance économique annuelle de seulement 2 % à 3 %, mais il détient néanmoins le titre de pays le plus riche au monde en termes de revenu par habitant.
Ainsi, je ne suis pas préoccupé pour l’avenir de la Chine. Au contraire, je serais même ravi de la voir maintenir ses taux de croissance actuels, voire de les augmenter légèrement, afin de rectifier les imperfections présentes dans son économie.
Evergrande une très mauvaise nouvelle pour les Occidentaux
En revanche, pour les Américains et les Européens, cette situation est une nouvelle préoccupante. Nous avons généré d’importants bénéfices grâce aux échanges commerciaux avec la Chine, en fondant nos prévisions sur une croissance chinoise de 8 % par an. Toutefois, si la Chine réalise que 3 % ou 4 % de sa croissance étaient basés sur une croissance artificielle alimentée par une dette problématique, alors que la santé économique et financière de la Chine s’améliore, les économies européennes et américaines se détériorent car cet argent ne nous parvient plus. Par conséquent, la gravité de la crise que va provoquer Evergrande nous indiquera en quelque sorte l’ampleur de la croissance artificielle en Chine, et de là, nous saurons quel sera le coût en termes de réduction de croissance pour les pays occidentaux au cours des années à venir.
Si nous limitons notre analyse à l’Europe, soyez assuré que si les États-Unis doivent supporter une perte, cette perte sera répercutée sur l’Europe. En fait, cela a déjà commencé, car le principal défi pour la croissance en Europe est l’approvisionnement en énergie. Si la Chine renforce actuellement la sécurisation de son approvisionnement énergétique grâce à des partenariats, notamment avec la Russie, les États-Unis cherchent déjà à réserver une part de l’approvisionnement énergétique mondial qui aurait pu revenir à l’Europe.
Pour mieux comprendre pourquoi les États-Unis peuvent être perçus comme notre pire allié, je vous encourage à consulter la vidéo ci-dessus.
Richard Détente