Le prix de la trahison des élites françaises
Arnaud Montebourg a occupé la fonction de Ministre du Redressement Industriel de la France de 2012 à 2014. Quelles que soient les opinions que l’on puisse avoir à son égard, il a indiscutablement incarné un ministre animé d’un profond engagement pour contrer la désindustrialisation croissante. Il a également enregistré des succès notables, tels que le sauvetage de l’usine d’aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne, une histoire que je connais et qui est intimement liée aux effets néfastes de la désindustrialisation.
Cependant, il est incontestable que les dirigeants d’entreprises, de concert avec certains acteurs politiques, ont dû payer le tribut de leur trahison envers la patrie en contribuant involontairement à ce phénomène de désindustrialisation. Cela dit, lorsqu’un phénomène d’envergure tend à se généraliser à l’échelle collective, il ne suffit pas de seulement dénoncer la corruption et la pusillanimité de quelques individus isolés. Il devient impérieux de sonder les origines sous-jacentes et systémiques de ce phénomène, notamment en examinant de près les effets économiques et sociaux de la désindustrialisation. À cet effet, je vais m’appuyer substantiellement sur un dossier exhaustif concernant la désindustrialisation, élaboré par Charles GAVE au nom de l’Institut des Libertés. Cette démarche s’explique par la saison estivale durant laquelle je me trouve en période de vacances, mais également par le contenu crucial de ce dossier, richement doté en graphiques propices à la réalisation d’une vidéo éclairante. Cette vidéo, je l’espère, saura apporter davantage de clarté à votre compréhension de l’ampleur et des conséquences de la désindustrialisation qui a marqué de nombreux pays ces dernières années.
Désindustrialisation en France : Pourquoi brader notre industrie ?
Dès lors, admettons que fondamentalement, les individus ne sont ni vertueux ni dépravés. Quels facteurs pourraient donc inciter les actionnaires des entreprises françaises à délocaliser leurs activités à l’étranger ? Si nous prenons une perspective pragmatique, ne s’agirait-il pas tout simplement d’une question de rentabilité ?
En effet, c’est le premier point soulevé par Charles Gave dans son exposé. Depuis les années 90, la rentabilité du capital investi dans les entreprises en France a connu une baisse structurelle, tandis qu’elle a pu se stabiliser voire progresser dans d’autres nations telles que la Suisse ou la Suède. Cette situation a eu pour conséquence une nette réduction de la production industrielle en France depuis les années 90, à l’inverse d’une augmentation observée en Suède. Par conséquent, nous sommes amenés à conclure de manière manifeste que la quête de profit semble assurément constituer un moteur intrinsèque à la création de richesse productive. Lorsque les entrepreneurs et les actionnaires perçoivent des gains moindres comparativement à des pays similaires tels que la Suède, ils se tournent vers d’autres horizons pour la production. Il est possible de considérer cela comme injuste, et vous n’auriez pas nécessairement tort.
Prenons l’exemple de l’usine de Saint-Jean-de-Maurienne, dont il a été question précédemment. L’entreprise Rio Tinto, qui a acquis cette usine, avait pour dessein de la fermer en France, dans le but de centraliser la production mondiale d’aluminium en vue d’une manipulation plus aisée des prix. Évidemment, une telle pratique est peu honorable. Des individus tels que le sénateur Jean-Pierre Vial se sont battus pour préserver l’existence de cette usine à Saint-Jean, en favorisant son rachat par la société allemande Trimet. Cette dernière a opté pour une révision du modèle économique de l’usine afin de le dynamiser et de le rendre viable, plutôt que d’opter pour une fermeture pure et simple. Les efforts consentis pour sauvegarder cette usine sont tout à l’honneur de ces individus, et jusqu’à ce jour, leur démarche s’avère fructueuse.
Cependant, il est nécessaire de souligner que de telles histoires sont exemplaires et rares, à l’instar de celle de cette usine, restent des exceptions. En général, les usines ne trouvent pas de chevaliers servants prêts à se battre en leur faveur, et elles se voient inéluctablement condamnées à la fermeture. Cela illustre la limite inhérente au discours du patriotisme économique, cher à Arnaud Montebourg. En effet, il n’est guère réaliste d’attendre de personnes intègres et disposées à sacrifier pour qu’elles constituent la dernière ligne de défense pour la nation. Cette approche s’avère simplement inefficace.
Désindustrialisation : une mort douce pour une surconsommation croissante
Il est crucial de comprendre que la vague de désindustrialisation observée au cours des années 90, marquée par un déplacement massif des activités vers la Chine, s’est en réalité manifestée par une importation manifeste de déflation en France. Autrement dit, cette transition économique vers une désindustrialisation, bien que préjudiciable, a été adoucie par le fait que le retrait progressif de nos infrastructures manufacturières a été largement compensé par l’afflux de biens produits en Chine, cédés à des prix avantageux. Ce pacte implicite peut être considéré comme une concession aux forces faustiennes, où notre appareil de production a été cédé en échange d’une surconsommation momentanée, creusant ainsi notre dépendance à l’égard d’autres économies.
Dans cette perspective, les efforts conjugués de personnalités telles que Jean-Pierre Vial ou Arnaud Montebourg, aussi méritoires soient-ils, ne sauraient à eux seuls suffire à ressusciter l’industrie nationale. Il est donc tout à fait rationnel de constater une certaine inertie, voire une passivité marquée, ainsi que le souligne Montebourg avec pertinence, dans la manière dont l’État s’est résolu à orchestrer ce déclin graduel lié à la désindustrialisation. Ce choix douloureux est motivé par le désir de prolonger ce déclin inéluctable dans l’optique d’éviter une conclusion abrupte et cauchemardesque qui pourrait résulter d’une intervention plus radicale.
Lorsque des crises économiques de grande envergure menaçaient de confronter la France à ses contradictions internes, les éléments que l’on qualifie généralement d’élite, c’est-à-dire les membres de l’administration adoubés par les responsables politiques, ont opportunément saisi l’occasion pour gagner du temps en renforçant la présence de l’État au sein du PIB. Cette tactique a invariablement été accompagnée d’un recours accru à l’endettement, visant à repousser l’échéance inéluctable de la désindustrialisation et à se soustraire temporairement à la réalité économique. Cette stratégie a été validée par un électorat français qui a perpétuellement porté son choix sur des politiques aux perspectives plus modestes, souvent au détriment d’une confrontation plus franche avec les défis liés à la désindustrialisation et aux transformations économiques profondes.
Désindustrialisation, le droit à la misère et à la pauvreté : analyse de l’impact socio-économique
Le graphique ci-dessus illustre de manière probante cet état de fait. À mesure que l’influence de l’État s’accroît, le niveau de vie s’érode, la dette s’accroît, car en effet, la dette sert à financer l’immobilisme. En sus de cela, nous nous trouvons actuellement face à une classe politique qui, de manière générationnelle, a intégré l’idée que la création économique appartient au domaine des aigris de droite de la génération des baby-boomers. Cette tendance va jusqu’à revendiquer le droit à l’oisiveté au sein des enceintes parlementaires. Néanmoins, le souci réside dans le fait que derrière ce droit à l’oisiveté se profilent rapidement le droit à la misère et à la pauvreté. Cette assertion n’est en rien une plaisanterie.
Depuis les années 70, une période qui marque un tournant en termes de production de richesse, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en France ne cesse de décroître. Et pour la première fois en cinquante ans, depuis 2022, le PIB par habitant est en baisse. La fin des années 70 a marqué le point où la croissance s’est stabilisée à un niveau insatisfaisant eu égard à notre niveau de vie, et c’est à ce moment-là que nous avons fait le choix politique de financer ce déficit par la dette plutôt que de réajuster nos dépenses conformément à nos moyens.
La faute de la fin de l’étalon or ?
Certains sont enclins à attribuer la situation actuelle à la cessation de l’étalon-or, mais ma position penche plutôt vers l’idée que c’est cette situation et cette renonciation qui ont agi comme catalyseurs de la fin du système de l’étalon-or. Il est important de noter que, durant les années 60, les États-Unis avaient déjà commencé à dissimuler leur déficit budgétaire afin de maintenir le système de Bretton Woods à flot. En fait, Charles de Gaulle n’a pas méjugé cette réalité, car il fut le seul à requérir, en 1965, la conversion des réserves en dollars détenues par la France en or, ce geste déplaisant vivement à Washington. Il est ainsi compréhensible pourquoi les Américains entretenaient des relations peu amicales avec de Gaulle. En définitive, le leadership charismatique a cédé sa place à une gestion administrative, les administrateurs prenant la relève des hommes de poigne.
Le second coupable
Le second bouleversement administratif pour la France a pris forme avec l’introduction de l’euro. L’euro, marquant l’abolition des taux de change entre les nations de la zone euro, a été assorti d’une administration à Bruxelles totalement déconnectée de la réalité, qui a progressivement accaparé le pouvoir. La Commission européenne basée à Bruxelles a ainsi imposé des mesures anti-concurrence d’une nature purement idéologique ainsi que des régulations administratives déconnectées de la réalité locale, dans le but de renforcer le pouvoir administratif au détriment de la liberté entrepreneuriale.
Permettez-moi d’illustrer cela à l’aide de deux exemples frappants. Premièrement, examinons le marché de l’électricité en France avant et après les interventions de Bruxelles. Vous constaterez, en consultant votre facture actuelle d’électricité, que la nouvelle organisation du marché de l’énergie est indubitablement d’une qualité supérieure, mais qu’elle engendre néanmoins des coûts nettement plus élevés. D’un point de vue économique, l’euro peut certainement être perçu comme une réalisation remarquable, mais dans la pratique, il a engendré d’énormes disparités économiques entre les nations du sud et celles du nord.
Le graphique ci-dessus illustre ce phénomène : la production italienne évoluait en parallèle avec la production allemande jusqu’à l’introduction de l’euro. Comment expliquer ce changement ? En réalité, c’est l’ajustement de la lire italienne qui servait de variable d’ajustement pour combler le déficit de compétitivité de l’économie italienne par rapport à l’économie allemande. Autrement dit, bien que les Italiens payaient davantage pour des BMW, ils disposaient néanmoins de Fiats pour se déplacer. Cette situation, même si elle était suboptimale, permettait au moins la mobilité. Cependant, après l’introduction de l’euro et la fixation des taux de change à 1 pour 1, ce n’était plus la monnaie qui s’ajustait pour protéger la production nationale en Italie, mais la production industrielle elle-même. En conséquence, de nombreuses usines ont fermé pour céder la place à des produits allemands. La ligne rouge du graphique décline tandis que la ligne noire grimpe, illustrant ainsi que les fonctionnaires et les employés du secteur privé travaillant pour des entreprises internationales, c’est-à-dire ceux rémunérés en euros, ont vu leur pouvoir d’achat augmenter. D’un autre côté, les citoyens italiens moins favorisés, les classes populaires et locales pour ainsi dire, ont vu leur pouvoir d’achat baisser. Même si l’on peut considérer cela comme moralement souhaitable, le problème réside dans le fait que l’Italie dépend de plus en plus des subventions en provenance des nations du nord, étant donné que sa production interne décline.
Cela se reflète dans le graphique ci-dessus qui dépeint la balance des comptes courants, qui englobe l’ensemble des activités économiques entre la France et le reste du monde. Une détérioration de cette balance signifie que la France consomme davantage qu’elle ne produit. Dans ce déficit alarmant et inédit de 2,5 % du PIB, on identifie les crises énergétiques avec la Russie, ainsi que les problèmes liés à l’entretien de nos centrales nucléaires. Surtout, on y observe une baisse de la productivité, non pas un simple ralentissement, mais une véritable régression des gains de productivité. Cela revêt une grande importance et traduit le fait que l’amélioration du niveau de vie au sein de toute économie dépend principalement de notre aptitude à produire davantage en mobilisant moins de ressources, c’est ce que l’on appelle la productivité. J’aborde ce concept dans ma lettre d’investissement de ce mois-ci pour expliquer que ce n’est pas le monde dans son ensemble qui est en mauvaise posture. En réalité, de nombreux pays tels que l’Inde, la Turquie, la Chine et le Brésil connaissent un développement florissant. Ce sont plutôt la France et quelques autres nations qui rencontrent d’importants problèmes. C’est pourquoi, en collaboration avec Didier DARCET, nous explorons des moyens de vous permettre d’internationaliser vos économies. Dans cette édition, nous vous présentons un dossier sur l’investissement immobilier en Suisse, qui offre deux avantages majeurs. Tout d’abord, il vous permet de sortir de la zone euro et de vous abriter dans une monnaie intrinsèquement forte, le franc suisse. De plus, il vous offre la possibilité de réaliser un placement en francs suisses générant des rendements supérieurs au taux directeur. En effet, gardez à l’esprit que, structurellement, le taux de change et le taux d’intérêt de deux monnaies tendent à converger à long terme pour maintenir l’équilibre. Lorsque le taux de change s’ajuste, l’inflation augmente, et au final, 100 € et 100 francs suisses déposés respectivement dans leurs banques centrales finissent par acquérir la même valeur. C’est pourquoi les taux d’intérêt sont plus élevés à la Banque centrale européenne qu’à la Banque nationale suisse ; ils visent à compenser la faiblesse de l’euro face au franc suisse. Ainsi, si vous envisagez d’acquérir des francs suisses pour vous prémunir contre le risque existentiel pesant sur l’euro, ou encore contre des contrôles des changes ou des mouvements de capitaux liés à l’euro, ce qui semble judicieux, il est préférable d’opter pour un investissement en Suisse proposant des taux d’intérêt supérieurs à ceux de la Banque nationale suisse. C’est précisément ce que nous vous proposons dans notre lettre de ce mois-ci, grâce à notre dossier sur l’investissement immobilier suisse.
Le réel problème d’énergie
Pour approfondir cette thématique, je vous invite à visionner la vidéo qui aborde en détail la problématique énergétique en France, en tenant compte également de son lien avec la désindustrialisation. L’énergie est un facteur économique souvent négligé, pourtant essentiel pour le tissu économique. Tout comme le cerveau coordonne et dirige les fonctions vitales du corps, l’industrie fournit les mécanismes essentiels pour la croissance et la stabilité économiques. Ainsi, la désindustrialisation et les problèmes énergétiques se renforcent mutuellement, compromettant la compétitivité et la renaissance de l’industrie nationale. La vidéo recommandée examine ces liens de manière approfondie pour éclairer la complexité de ces enjeux et encourager une réflexion plus holistique sur l’avenir économique de la France.
Richard Détente