Cash+ : un outil qui vous veut du bien ?
“Construire ensemble un secteur bancaire et des paiements paré pour l’avenir de l’Europe” : Tel est le libellé du discours prononcé par François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, annonçant l’introduction de la MNBC, Monnaie Numérique de Banque Centrale, connue sous le nom de Cash+, au sein de la zone Euro. Cash+ se destine à succéder aux espèces, ces billets et pièces en circulation dans vos poches. Toutefois, il convient de se questionner sur la substitution envisagée ainsi que sur les finalités qui la motivent.
Si l’intérêt pour rivaliser avec le Bitcoin n’est pas exempt d’arrière-pensées, il importe d’examiner attentivement si le Cash+ constitue un instrument au service du bien-être de la population ou s’il risque plutôt de servir les desseins des gouvernements en tant qu’outil de surveillance accru. En effet, la préservation de la sphère privée et l’exercice du contrôle sur les citoyens sont des enjeux centraux dans cette discussion.
Qu’est-ce qu’une MNBC (Monnaie Numérique de Banque Centrale) ?
De manière concrète, une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) correspond à une forme de monnaie gérée directement par l’institution bancaire centrale. Cette particularité implique que vos avoirs sont placés sur un compte auprès de ladite banque centrale, en contraste avec l’argent en votre possession actuellement, qui réside au sein de votre banque commerciale. Pour clarifier davantage, l’argent que vous détenez dans une banque ne vous appartient pas intrinsèquement ; il s’agit d’une créance envers cette institution. Celle-ci, en tant que débitrice, dispose d’une marge de manœuvre significative pour en disposer à sa convenance. En outre, en cas de faillite de votre banque, vous êtes susceptible de subir des pertes financières. Opter pour une monnaie déposée directement auprès de la banque centrale réduit ce risque, car la disparition de cette dernière impliquerait soit la suppression complète de la monnaie, soit sa destruction délibérée dans le cadre d’une refonte systémique. Par conséquent, si l’on se prépare à conserver des euros ou des dollars et à assumer le risque associé, il semble préférable de les détenir au sein de la banque centrale, ce qui permet de minimiser, voire d’éliminer, les risques de contrepartie.
Actuellement, les seuls moyens d’accéder à la monnaie de la banque centrale consistent en l’utilisation des billets de banque et de fonds monétaires qui peuvent être acquis via des sociétés de gestion. En revanche, il n’est pas envisageable de les conserver sur un compte courant. Cette situation découle de deux raisons principales. Premièrement, jusqu’à présent, il n’a pas été envisagé que la banque centrale s’engage dans la gestion de comptes pour les particuliers. Deuxièmement, ni la BCE ni la Réserve fédérale américaine ne manifestent d’intérêt à rivaliser avec le réseau des institutions bancaires commerciales. En effet, Madame Lagarde, à titre d’exemple, n’aspire pas particulièrement à recevoir Madame Michu pour discuter d’un prêt immobilier ou de soucis liés à une carte bancaire.
Ainsi, jusqu’à présent, tout semble se dérouler harmonieusement. Le Cash+ devrait permettre un transfert de vos fonds hors des banques pour les placer auprès de la BCE. Toutefois, cette perspective n’est pas aussi évidente qu’il y paraît.
Les impacts sur la population
Les complications débutent non seulement pour vous, mais également pour la BCE. Même si la monnaie présente sur votre compte bancaire est déjà de nature numérique, la transition vers une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) entraînera également un niveau de contrôle accru sur vos avoirs, bien plus poussé que ce qu’offrent actuellement les banques commerciales. Si tous les comptes MNBC passent par l’intermédiaire de la banque centrale, l’Union Européenne acquerra une influence directe sur vos comptes. Par conséquent, il est tout à fait envisageable d’instaurer la mise en place aisée d’un système de passeport carbone, sanitaire, ou toute autre mesure similaire. En réalité, cette possibilité existe déjà dans le cadre bancaire actuel, mais la présence d’un réseau bancaire impliquant de multiples intervenants complexifie sa mise en œuvre. Il est néanmoins important de noter que cette facilité ne découle pas nécessairement de la technologie blockchain. Vos transactions financières font déjà l’objet d’une traçabilité de toutes parts. Ce sont davantage des avantages opérationnels qui seront favorisés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à des ressources humaines considérables.
Les menaces sur le système bancaire traditionnel
Ensuite, le second enjeu réside du côté du système bancaire. Si la BCE ouvre largement les vannes, il est à prévoir un afflux massif de dépôts se détournant des banques pour se réfugier auprès de la BCE. Cependant, une telle situation pourrait précipiter l’effondrement du système bancaire, et par conséquent, de l’économie tout entière. Pourquoi cela ? Parce que les banques ne sont autorisées à octroyer des prêts qu’à partir d’une fraction de leurs propres fonds. Si leurs clients décident de les quitter en masse, cela engendrera des problèmes majeurs. Il est crucial de garder à l’esprit que les prêts, notamment immobiliers, ne constituent pas le socle principal de la rentabilité des banques. La BCE est pleinement consciente de cette situation, d’où ses débats prolongés concernant la MNBC, traduisant une certaine hésitation quant à la manière de l’aborder avec cohérence. Le dilemme se manifeste par le fait qu’elle recherche une monnaie plus efficiente pour rivaliser avec les cryptomonnaies, plus rapide et économique, mais ce faisant, elle risque de miner son propre système bancaire. Ainsi, c’est la raison pour laquelle, en définitive, elle débute en ciblant les transactions en espèces, en imposant une limite maximale de 3 000 € sur les portefeuilles et comptes.
Les banques centrales n’aiment pas le cash
D’une part, la BCE entretient une aversion pour les transactions en espèces, car elle aspire à dissiper tous les secrets qui entourent vos activités financières, tandis que d’autre part, l’élimination du numéraire ne perturbe guère les banques ; au contraire, celles-ci y voient un avantage manifeste. Il est à noter que la gestion des espèces engendre des coûts considérables. Ces coûts incluent les opérations de transport routier, les préoccupations liées à la sécurité des agents et des installations, ainsi que d’autres inconvénients inévitables. Par conséquent, la solution s’impose d’elle-même : le concept de Cash+ émerge, signifiant que chacun doit mettre un terme à l’achat de bois pour l’hiver en échange d’argent liquide auprès d’un voisin, en évitant ainsi les transactions informelles. En outre, cette démarche constitue un exemple pratique, car les paiements instantanés, les applications telles que Lydia ou encore Twint en Suisse, qui facilitent les micropaiements rapides, ne s’avèrent pas particulièrement performantes en pratique. Ces technologies ne sont pas conçues pour gérer des volumes substantiels de paiements.
Ainsi se dessine le programme à venir : une restreinte des libertés, une intensification du contrôle a priori qui rappelle le concept du film « Minority Report », et des gains de productivité pour la banque centrale, qui s’attellera progressivement à éradiquer l’usage des espèces.
Cash+ : une solution imparfaite
Tout semble donc parfait, n’est-ce pas ? En réalité, pas vraiment. Il existe encore d’importants écueils à prendre en considération. Tout d’abord, en termes de gestion, Cash+ ne peut pas fonctionner entièrement en autarcie. Un service client est au moins requis. Par conséquent, la BCE cherche à conclure des partenariats avec les banques commerciales afin qu’elles puissent distribuer les portefeuilles, c’est-à-dire les applications bancaires et mobiles pour Cash+. Par conséquent, il est probable que vous vous retrouviez avec deux comptes distincts dans votre application bancaire : un compte bancaire classique et un compte Cash+ plafonné à 3 000 €. Cette configuration complexifie la gestion, car si vous envoyez ou recevez plus de 3 000 €, c’est votre compte bancaire ordinaire qui devra être ajusté pour éviter tout blocage. Cependant, cela implique une certaine confusion et complexité, semblable à mélanger des éléments disparates.
De plus, il sera nécessaire d’inciter les banques commerciales à promouvoir Cash+ plutôt que les virements instantanés ou les applications telles que Lydia. Cela entraîne des négociations commerciales qui peuvent être laborieuses et coûteuses pour les contribuables. Cependant, cela ne s’arrête pas là. Une fois que ces problèmes techniques auront été résolus, vous ne serez pas encore compétitif par rapport aux cryptomonnaies.
Et ça n’arrive même pas à la cheville des cryptos !
En ce qui me concerne, lorsque j’ai besoin de transférer 50 000 $ vers les États-Unis pour effectuer un dépôt, le choix entre un virement bancaire traditionnel et un virement via Ethereum est clair. Le virement bancaire peut prendre entre 12 heures et 3 à 4 jours, alors qu’un virement via Ethereum ne nécessite que 12 secondes, littéralement. Si vous vous interrogez sur la manière dont il est possible de réaliser un virement en 12 heures vers les États-Unis, sachez que pour des montants conséquents, il est possible de demander un paiement exécuté via le réseau SWIFT. Bien que cela engendre des coûts, cela peut être viable si vous êtes en mesure de justifier l’origine des fonds et la raison de ce transfert. En résumé, tout ce tumulte entourant Cash+ contribuera à l’avancée vers une réduction de la vie privée et à une intensification de la lutte contre l’utilisation de l’argent liquide. Cependant, le problème fondamental demeure inchangé : la modernisation du système de paiement traditionnel pour rivaliser avec les cryptomonnaies n’a pas progressé d’un iota.
Le problème de fond des MNBC
Fondamentalement, le problème sous-jacent réside dans la perturbation engendrée par les Monnaies Numériques de Banque Centrale (MNBC) en raison de la nature de la technologie blockchain. La blockchain offre la capacité de réaliser des transactions sans nécessiter d’intermédiaire, car elle élimine le besoin d’un tiers de confiance dans le cas d’une blockchain décentralisée telle que celle de Bitcoin. Ce concept repose sur un système de comptabilité à triple entrée, où la blockchain automatise le processus de réconciliation comptable. Étant donné que le registre des comptes est accessible à tous, il n’est pas nécessaire d’employer des comptables pour vérifier chaque transaction, garantissant ainsi que les paiements reçus correspondent à ceux qui ont été envoyés.
Cependant, le système bancaire repose fondamentalement sur le principe du tiers de confiance. Initialement, les banques sont apparues pour protéger les économies des individus. En d’autres termes, elles externalisent la sécurité de vos avoirs en déléguant cette responsabilité à un tiers de confiance, à savoir la banque, qui assure la sécurité de vos dépôts. Si une technologie telle que la blockchain émerge et élimine la nécessité d’un tiers de confiance, les banques se retrouvent alors face à un dilemme insoluble, un peu comme une règle à calcul contre une calculatrice. On pourrait envisager que les banques deviennent des plateformes d’échange centralisées à l’instar de Binance ou FTX. Cependant, cette idée implique la nécessité de garantir la sécurité des clés privées, ce qui est une préoccupation majeure. Néanmoins, même dans cette perspective, les banques ne détiendraient pas d’avantage significatif, car elles seraient en concurrence avec des acteurs non régulés, tels que Ledger, qui offrent des services similaires.
Par ailleurs, concernant les prêts, notamment les prêts immobiliers, qui constituent une justification pour ouvrir un compte en banque, il existe des solutions alternatives. Des entreprises comme RealT proposent de l’immobilier tokenisé, permettant aux individus de posséder des actions d’une société détenant un bien immobilier. Cette approche élimine le besoin d’une tierce partie de confiance, et avec un peu plus de temps et de travail, il serait possible pour les particuliers d’acheter une maison en contractant un prêt sans nécessiter de banque. Par exemple, en utilisant une société tokenisée comme SAS, une personne pourrait acheter une maison en mettant des tokens en collatéral dans un protocole, emprunter le reste et ajouter son apport personnel. Si le remboursement du prêt n’est pas effectué, le protocole prendrait possession de la maison et la vendrait, similairement à la procédure bancaire traditionnelle.
En somme, le défi fondamental réside dans l’adaptation du système bancaire traditionnel face aux avancées technologiques telles que les Monnaies Numériques de Banque Centrale, tout en cherchant à conserver leur rôle de tiers de confiance dans une ère où la confiance peut être établie par des technologies décentralisées telles que la blockchain.
Les outils pour se passer des banques sont déjà là
Actuellement, ces idées et solutions ne sont pas encore complètement réalisées, en grande partie parce que l’univers des cryptomonnaies est encore très jeune et en pleine évolution. Cependant, les bases technologiques sont déjà en place, attendant simplement des entrepreneurs pour concevoir et mettre en place des offres, des protocoles, et pour valider les aspects légaux. Cela nécessitera du temps, du travail acharné et probablement l’assistance de professionnels juridiques.
De manière fascinante, cela va même plus loin. Pour illustrer à quel point le modèle traditionnel des banques est en déclin, sachez qu’au sein de l’écosystème de la blockchain, il est possible de contracter des emprunts à un coût ridiculement bas. Par exemple, pour changer la voiture de ma femme le mois prochain, je vais envisager de faire un emprunt en utilisant des cryptomonnaies comme garantie, plutôt que d’hypothéquer la voiture. Dans ce contexte, je pourrais obtenir un prêt à un taux d’intérêt d’environ 0%. Oui, vous avez bien lu, 0% d’intérêt par an. Sur des plateformes comme Liquity, Mai Finance ou avec les JFiats de Jarvis Network, je pourrais payer environ 1% du montant de l’emprunt au moment de la demande ou du remboursement, puis plus rien par la suite. Que je garde le prêt pendant 1 an ou 10 ans, le coût total serait d’environ 1%. Cela s’explique en partie par divers mécanismes, notamment l’absence de coûts opérationnels liés aux emprunts pour ces protocoles. Contrairement à cela, le processus de création monétaire (appelé « minting »), associé à un collatéral, permet à ces protocoles de générer des revenus différemment, et ce, sans impacter l’emprunteur.
Si cette nouvelle approche suscite votre intérêt et que vous souhaitez en apprendre davantage sur la manière de vous affranchir du système bancaire traditionnel, de faire fructifier vos économies bien au-delà du taux du livret A, et bien plus encore, nous avons une lettre d’investissement Blockchain/Crypto comprenant des tutoriels pas à pas. Vous y trouverez des conseils allant des premiers pas pour ouvrir un portefeuille de cryptomonnaies, à la sécurisation de vos clés privées, ainsi que des stratégies pour profiter pleinement de la finance décentralisée, vous permettant de surpasser votre banquier en termes de rendement financier et de réduction de coûts par rapport au système traditionnel. En outre, vous pourrez réellement vous affranchir des contraintes bancaires. Explorer ce domaine ne vous fera pas de mal, bien au contraire. Vous aurez une longueur d’avance sur les institutions qui observent ce nouvel écosystème évoluer sans elles, avec de profonds regrets. Nous expliquons également comment effectuer des transactions entre monnaies fiduciaires et cryptomonnaies sans heurter votre banque, en utilisant des intermédiaires suisses fiables et régulés.
La SEULE solution de survie du système bancaire
En somme, l’essentiel de cette réflexion suggère que la seule option viable à long terme pour le système bancaire réside dans sa transformation en agrégateur de protocoles cryptos. Cependant, cette voie semble incertaine pour les banques, car un grand nombre d’acteurs issus du secteur technologique, et non bancaire, pourraient les surpasser aisément. Bien que cela ne soit peut-être pas imminent, étant donné que ces protocoles n’ont pas encore atteint une adoption et une maturité suffisantes au fil du temps, la tendance est claire et inexorable : une confrontation entre des méthodes archaïques et des innovations modernes. C’est un peu comme confronter une règle à calcul à une calculatrice. À cet égard, il convient de noter que cela n’a pas nécessairement d’impact négatif sur les monnaies fiduciaires en elles-mêmes. Cependant, pour le système bancaire traditionnel, le verdict est rendu : son avenir s’inscrit dans une phase d’ubérisation inéluctable.
Si vous avez encore des doutes quant à l’efficacité de la blockchain en tant que système de paiement, je vous recommande vivement de visionner la vidéo ci-dessus qui traite de l’étude menée par Michel Kazzakha sur la comparaison de performances entre Bitcoin et le système de paiement traditionnel. Vous serez stupéfait par l’ampleur de l’écart entre les deux.
Richard Détente